L’art de la vassalisation : Comment la guerre de la Russie contre l’Ukraine a transformé les relations transatlantiques

Il n’est dans l’intérêt ni de l’Europe ni des Etats-Unis que la première devienne le vassal des seconds

Le président Joe Biden rencontre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le vendredi 10 mars 2023
Image par (AP Photo/Andrew Harnik)
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  • L’invasion de l’Ukraine par la Russie a révélé la forte dépendance des Européens à l’égard des États-Unis en matière de sécurité, malgré les efforts de l’UE pour parvenir à une « autonomie stratégique ».
  • Au cours des dix dernières années, l’UE est restée derrière les Etats-Unis sur le plan économique, technologique et militaire.
  • Les Européens ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord sur des questions stratégiques cruciales et se tournent vers Washington pour la direction à prendre.
  • Pendant la guerre froide, l’Europe était au centre de la compétition entre les deux blocs. Aujourd’hui, les États-Unis attendent de l’UE et du Royaume-Uni qu’ils se rangent derrière leur stratégie à l’égard de la Chine, puis utilisent leur position de leader pour s’assurer du maintien de leur leadership.
  • Il n’est pas dans l’intérêt ni de l’un ni de l’autre que l’Europe devienne un vassal des États-Unis. Les Européens pourraient devenir une partie plus forte et plus indépendante de l’Alliance atlantique en développant une capacité indépendante de soutien à l’Ukraine et en acquérant de plus grandes capacités militaires.

Ce rapport examine les raisons du retour en force du leadership américain en Europe, s’interroge sur la survie de ce leadership à la guerre en Ukraine et cherche à savoir ce que le retour des États-Unis en Europe signifie pour l’avenir de l’OTAN et des États membres de l’Union européenne.

La raison immédiate est, bien sûr, l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La raison profonde réside dans la structure des relations transatlantiques et les divisions internes entre les États membres de l’UE. La guerre en Ukraine n’a pas modifié la trajectoire fondamentale de la politique étrangère des États-Unis – qui s’oriente vers le Pacifique – ni les profondes divisions internes sur le renforcement de la défense de l’Europe. Pour survivre et prospérer à long terme, l’OTAN a toujours besoin d’un pilier européen qui soit à la fois militairement capable et politiquement indépendant. Mais la réponse de l’OTAN à la guerre en Ukraine a rendu ce type d’équilibre beaucoup plus difficile à atteindre. Ce document présente donc des réflexions et des recommandations sur la manière dont les décideurs politiques européens et américains peuvent, pendant et après la guerre en Ukraine, construire une alliance plus équilibrée et donc plus durable.

La vassalisation n’est pas une politique viable pour l’ère d’intense concurrence géopolitique qui s’annonce, que ce soit pour les États-Unis ou pour l’Europe. L’alliance avec les États-Unis reste cruciale pour la sécurité européenne, mais s’en remettre entièrement à une Amérique distraite et repliée sur elle-même pour l’élément le plus essentiel de la souveraineté européenne condamnera les nations européennes à devenir, au mieux, géopolitiquement insignifiantes et, au pire, le jouet des superpuissances. Pour être en mesure de protéger leurs propres intérêts économiques et sécuritaires, qui seront parfois distincts de ceux des États-Unis, les Européens doivent construire une relation transatlantique plus équilibrée.

Dans ces conditions, la meilleure voie à suivre pour l’instant serait de se prémunir contre la possibilité que les États-Unis se tournent vers d’autres priorités. Les Européens peuvent y parvenir en jetant les bases d’une relation transatlantique plus équilibrée et en instaurant la confiance entre les gouvernements européens.

Plusieurs options sont déjà possibles et les recommendations de ce rapport sont les suivantes :

  • Développer une capacité indépendante pour soutenir l’Ukraine le temps du conflit qui perdure.
  • Chercher à renforcer les capacités militaires européennes et à accroître la capacité d’agir de manière autonome, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’OTAN.
  • Proposer que les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni forment une OTAN géoéconomique.
  • Créer un partenariat de défense entre l’UE et le Royaume-Uni.
  • Envisager une dissuasion nucléaire européenne.
  • Collectivement, ces idées cherchent à atteindre un plus grand équilibre dans l’Alliance transatlantique et à permettre aux Européens d’assumer davantage de responsabilités en matière de sécurité et de stabilité dans leur propre voisinage. Il ne s’agit en aucun cas d’un effort visant à découpler les Européens de leur allié américain. Elles cherchent plutôt à créer les partenaires européens plus compétents et plus responsables que les États-Unis voudront et dont ils auront besoin dans leurs luttes à venir.

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