Un climat de coopération : comment l’UE peut contribuer à la réalisation d’une grande entente verte

Un globe gonflable géant à la COP23 en novembre 2017
©
Texte complet disponible en
  • La transition mondiale vers une économie sans carbone modifiera fondamentalement les dépendances de l’Union européenne (UE) en énergie, en matières premières et envers les nouvelles technologies.
  • L’Union doit gérer ces dépendances tout en maintenant le consensus fragile entre les États membres sur le Green Deal européen et en menant à bien ses ambitions de leadership mondial en matière de climat.
  • L’UE doit tout mettre en œuvre pour rassurer les pays du Sud sur le fait que la transition verte ne les laissera pas pour compte.
  • L’UE doit forger une grande entente verte en utilisant toutes ses sources actuelles de pouvoir économique, multilatéral et de « soft power » – et, dans certains cas, en étendant sa portée à de nouveaux domaines.
  • L’Union doit s’efforcer de recadrer le débat international sur la sécurité énergétique afin de mettre l’accent sur les ressources énergétiques propres et l’efficacité énergétique, et faire pression en faveur des réformes du marché intérieur nécessaires pour encourager cette évolution.
  • L’Europe doit également placer la souveraineté européenne au centre de son discours interne sur le Green Deal européen. Cela pourrait aider à gagner le soutien des États membres qui s’inquiètent des effets économiques et sociaux de la transition verte.

Après un été marqué par des catastrophes climatiques et des températures record, les dirigeants du monde entier se réuniront à la COP26 à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre pour décider de la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le changement climatique. Dans le même temps, une crise énergétique mondiale a mis en lumière la nécessité d’une sécurité énergétique durable.

La transition verte vers les énergies renouvelables ainsi que d’autres efforts visant à éliminer les émissions de carbone risquent d’accroître la dépendance de l’Union européenne à l’égard des technologies en réseau et des matières premières, alors même que l’Union est plus que jamais incitée à se passer des importations coûteuses de pétrole et de gaz, notamment en provenance de Russie.

La contribution directe relativement faible de l’UE aux émissions de carbone, soit environ 8 % du total mondial, signifie que la décarbonisation de sa propre économie n’aura qu’un impact minime sur le changement climatique. S’il existe des raisons sociales, économiques et politiques pour lesquelles il peut encore sembler souhaitable que l’Europe fasse cavalier seul, les institutions européennes doivent se tourner vers l’extérieur si elles veulent accélérer la transition mondiale vers le « zéro carbone ». L’engagement avec les plus grands émetteurs mondiaux est essentiel.

Dans un nouveau rapport de l’ECFR, « Un climat de coopération : comment l’UE peut contribuer à la réalisation d’une grande entente verte », Susi Dennison, Alex Clark et Mats Engström explorent les risques et les défis de la politique climatique de l’UE dans les domaines de la diplomatie, du commerce, des technologies, du développement et de la réglementation des émissions. Les rôles les plus efficaces que l’UE peut jouer en matière de climat sont de promouvoir la décarbonisation des économies européennes et, peut-être plus important encore, de jouer le rôle d’instigatrice d’une grande entente verte sur le climat. 

Les principales recommandations pour l’UE sont les suivantes :

  • La souveraineté climatique : dans un monde où la transition vers une économie sans carbone est presque inévitable, l’action climatique est une question de souveraineté européenne. L’UE devra gérer les nouvelles dépendances qu’elle développera lorsqu’elle tentera de protéger sa sécurité énergétique grâce à des sources d’énergie propres, et construire les technologies vertes nécessaires à la transformation de son économie. 
  • Un nouveau discours sur le climat : l’UE doit développer un discours expliquant pourquoi l’absence d’action climatique présente des risques bien plus importants que les mesures de décarbonisation rapide. Et, dans les discussions avec les pays tiers sur la façon de construire de nouveaux partenariats pour gérer la transition verte, l’UE devrait être honnête sur ses motivations pour l’action climatique. Il s’agirait d’un changement de ton utile par rapport aux perceptions selon lesquelles elle donne des leçons aux pays du Sud sur la nécessité de prendre des mesures politiques difficiles. 
  • Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : malgré la réaction internationale de rejet du MACF, le bloc devrait rester ferme sur la mesure proposée, qui est déjà plus limitée que ce que les experts expéraient. L’UE doit soutenir la conception et la mise en place de mécanismes de tarification du carbone équitables et viables, en coordination avec les pays les plus vulnérables aux effets du MACF. En créant une conditionnalité carbone dans le commerce, l’UE peut pousser la communauté mondiale vers une tarification du carbone. 
  • En finir avec l’hypocrisie sur les questions climatiques : l’UE doit également changer sa réputation internationale d’hypocrisie sur les questions climatiques – qui découle en partie de l’écart entre la rhétorique des dirigeants européens et la réalité des investissements des entreprises et des gouvernements européens dans des projets à forte intensité carbone en dehors de l’UE, ainsi que du niveau élevé des émissions par habitant et de la consommation de biens à forte intensité de carbone dans l’Union. L’un des moyens d’y parvenir est d’interdire formellement tout investissement européen dans des projets qui ne sont pas conformes aux engagements pris par l’Europe dans le cadre de l’Accord de Paris. 
  • Des investissements publics verts : l’UE pourrait créer un fonds d’innovation collaborative et de diffusion des technologies vertes, financé en partie par le programme  « L’Europe dans le monde » et en partie par les revenus du système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) et du MACF. Ces mesures et d’autres similaires pourraient contribuer à sortir de l’impasse des négociations multilatérales sur les transferts de technologies vertes en adoptant une approche plus constructive des droits de propriété intellectuelle à l’OMC.
  • Une politique industrielle verte : l’UE devrait intensifier la coopération avec les pays de son voisinage en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, afin d’accélérer la transition verte dans des industries telles que l’acier et le ciment. De nombreuses entreprises des pays voisins pourraient perdre l’accès aux chaînes d’approvisionnement et aux financements européens dans le cadre de critères verts plus stricts. C’est pourquoi il est particulièrement important pour l’UE de développer une dimension externe à sa politique industrielle verte et d’aider les entreprises de son voisinage à s’intégrer dans l’approche écosystémique de l’UE.
  • Le Sud : la stratégie de leadership climatique de l’UE devrait accorder une attention particulière à ses relations avec le Sud. En augmentant la capacité des pays à faible revenu à produire de l’électricité propre et ses dérivés, et en utilisant les résultats pour développer des industries propres, le bloc peut réduire leurs coûts d’électricité à long terme, et les aider à créer des emplois, à éviter les décès liés à la pollution, et à diversifier leurs exportations. L’UE devrait aider ces États à faire face aux effets combinés du MACF, du développement vert mondial et du changement climatique en augmentant ses investissements et son dialogue avec les plus vulnérables d’entre eux. 
  • Une finance verte : la finance est cruciale pour la transition climatique et la puissance verte de l’UE. Les États membres devraient non seulement utiliser les ressources substantielles allouées au climat par le biais du programme « L’Europe dans le monde », mais aussi augmenter le capital climatique de la banque européenne d’investissement (BEI). Cela donnerait à la « Global Gateway » une base financière solide pour présenter une alternative convaincante aux Nouvelles routes de la soie chinoises, en Afrique et ailleurs.

« L’Europe ne deviendra une véritable cheffe de file en matière de climat que si elle conclut une grande entente verte qui tire pleinement parti de son pouvoir économique, multilatéral et de son « soft power ». Ainsi, le bloc devrait utiliser ses outils commerciaux et la puissance de son marché pour pousser ses partenaires à s’éloigner de la production à forte intensité de carbone et les attirer vers des alternatives bénéfiques sur le plan économique, environnemental et social. Elle doit poursuivre ses tactiques et stratégies non seulement lors de la COP26 mais, plus important encore, au-delà de la conférence et indépendamment des résultats à court terme des négociations qui s’y dérouleront », déclare Susi Dennison, co-autrice.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.