Pour un partenariat puissant : comment l’Europe et l’Algérie peuvent aller au-delà de la coopération énergétique 

European Council President Charles Michel (R) is welcomed with an official ceremony by Algerian President Abdelmadjid Tebboune at the Palace of El Mouradia in Algiers, Algeria on September 05, 2022. Algerian Presidency / Handout / Anadolu Agency
Le président du Conseil européen Charles Michel (à droite) est accueilli lors d’une cérémonie officielle par le président algérien Abdelmadjid Tebboune au Palais d’El Mouradia à Alger, en Algérie
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Résumé 

  • Le président algérien Abdelmadjid Tebboune cherche à réaffirmer le rôle du pays en tant que puissance régionale, à faire face à l’instabilité qui règne dans son voisinage et à relancer son économie avant l’élection présidentielle de 2024. 
  • L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a renforcé la position de l’Algérie en tant que fournisseur d’énergie clé pour l’Europe, tout en compliquant ses relations en matière de sécurité avec la Russie, ce qui pousse Alger à chercher de nouveaux partenaires dans ce domaine.  
  • L’Europe partage les préoccupations de l’Algérie quant à l’instabilité de la région, où l’influence de la Russie s’accroît et où les problèmes sécuritaires et économiques se multiplient. 
  • Les intérêts communs de l’Europe et de l’Algérie pourraient permettre un vaste partenariat qui irait au-delà de la coopération énergétique et s’étendrait aux partenariats économiques et en matière de politique étrangère. 
  • Un tel partenariat n’aiderait pas seulement l’Europe à répondre à ses besoins énergétiques, il favoriserait également la prospérité régionale, affaiblirait l’influence étrangère de la Russie et rendrait les deux parties plus efficaces pour stabiliser le voisinage méridional. 

L’Algérie est de retour. Après des années de retrait délibéré de la politique internationale sous la direction de son ancien président, Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie veut maintenant réaffirmer son rôle en tant que puissance régionale. Mais le pays acte sn retour dans un contexte de tensions accrues avec son rival, le Maroc, et de déstabilisation rapide de ses voisins du sud et de l’est. Les retombées de la guerre de la Russie contre l’Ukraine aggravent les problèmes de politique intérieure et internationale de l’Algérie et l’obligent à repenser l’équilibre de ses partenariats en matière de sécurité. Or, les retombées de la guerre en Ukraine ont également renforcé la position de l’Algérie en tant que fournisseur d’énergie pouvant contribuer à combler le manque de gaz à mesure que les pays se retirent de Russie. Cette opportunité énergétique, l’impératif de contribuer à la stabilisation de la région et le désir de trouver de nouveaux partenaires en matière de sécurité après la dégradation de la situation avec Russie ont catalysé la réémergence du pays sur la scène mondiale. 

À bien des égards, cette réémergence ne pouvait pas mieux tomber pour l’Europe qui est confrontée à bon nombre de problèmes similaires. La déstabilisation de pays clés dans les régions du Sahel et du Maghreb, souvent favorisée par l’implication malveillante de la Russie, réduit l’influence de l’Europe dans son voisinage méridional tout en projetant des menaces sécuritaires et économiques de l’autre côté de la Méditerranée. Dans le même temps, les efforts déployés pour répondre à l’agression russe contre l’Ukraine favorisent une nouvelle compétition géopolitique pour les alliés, font grimper la demande de nouvelles sources d’énergie et limitent la marge de manœuvre des pays européens pour faire face à d’autres crises telles que celles qui parviennent de ses voisins méridionaux. 

Compte tenu de l’alignement de leurs intérêts, le potentiel d’un vaste partenariat entre l’Europe et l’Algérie est important. Pour l’instant, leur partenariat se limite essentiellement à la coopération énergétique, bien que les acteurs algériens et européens explorent les moyens de construire sur ces bases. Au cours de l’année écoulée, Alger a accueilli le président du Conseil européen, Charles Michel, le commissaire européen à l’énergie, Kadri Simson, et le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité, Josep Borrell. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron et la première ministre italienne Giorgia Meloni ont conduit des délégations dans la capitale pour renforcer les relations bilatérales dans les domaines des affaires, de la sécurité et de la politique. Cette année, le président algérien Abdelmadjid Tebboune renvoie l’ascenseur : il s’est envolé pour Lisbonne en mai et se rendra à Paris et à Rome pour des visites d’État à l’automne. 

Néanmoins, ces relations ne se développeront probablement que lentement. Malgré de petites avancées, comme le récent vote de l’Algérie à l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’une résolution qualifiant « d’agression » les actions de la Russie en Ukraine, Alger reste attachée à ses principes politiques traditionnels tels que le non-alignement. Le pays hésite également à aller au-delà de simples transactions avec l’Europe en raison de son scepticisme à l’égard des intentions européennes et de la crainte qu’un partenariat étroit n’affaiblisse la souveraineté de l’Algérie. Or l’Europe et l’Algérie ont besoin l’une de l’autre, et tous leurs intérêts qui se chevauchent créent la dynamique et l’opportunité de surmonter la méfiance historique et de développer un partenariat mutuellement bénéfique.  

En coopérant sur des intérêts politiques communs allant de l’énergie à la sécurité en passant par la politique régionale, les Européens peuvent enfin forger une relation plus étroite avec le géant nord-africain, ce qui peut améliorer la prospérité régionale, renforcer la sécurité énergétique européenne, affaiblir l’influence étrangère de Moscou et rendre les deux parties plus efficaces pour stabiliser le voisinage méridional. 

La « nouvelle Algérie » : Tebboune sous pression 

M. Tebboune a accédé à la présidence en 2019 après une décennie de bouleversements en Algérie. Alger a construit ses politiques étrangères et intérieures post-indépendance sur des principes fondamentaux visant à maximiser le contrôle de l’État, en tirant parti des ventes d’énergie pour gérer les relations avec l’étranger et apaiser la population, en préservant l’indépendance de l’armée grâce à des partenariats internationaux équilibrés et en jouant un rôle de médiateur plutôt que d’intervenir dans les affaires régionales. Toutefois, cet équilibre soigneusement préservé a été progressivement ébranlé, d’abord par les soulèvements arabes qui ont perturbé le statu quo régional, laissant Alger plus isolée et sous pression pour se réformer, puis par la maladie de Bouteflika en 2013, qui a paralysé la gouvernance interne et la politique étrangère, et enfin par l’effondrement des prix du pétrole en 2014. Ces événements cumulés ont entraîné l’émergence du Hirak en février 2019, soulèvement populaire qui s’est d’abord mobilisé contre la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat et a exigé le départ de l’élite dirigeante et une transition vers une gouvernance plus démocratique. Le Hirak a finalement renversé le gouvernement de Bouteflika et amorcé un nouveau départ. Toutefois, le régime a réussi à apaiser les manifestants en favorisant une plus grande intégration des jeunes, en organisant de nouvelles élections et en modifiant la constitution, tout en maintenant le statu quo et le système social post-colonial. La pandémie de Covid-19, qui a empêché les manifestants de descendre dans la rue, a ensuite porté un coup fatal au mouvement Hirak. 

M. Tebboune a été présenté comme un candidat de consensus par le régime pour tenter d’apaiser le Hirak et a dûment remporté les élections de 2019. Ayant accédé au pouvoir dans un contexte national et régional tumultueux, il a cherché à utiliser la politique étrangère comme moyen de légitimer son règne auprès d’une population mécontente et d’un État profond soupçonneux. Mais près de quatre ans après son élection, M. Tebboune lutte toujours pour consolider sa place au sein du système en place. À l’approche des élections présidentielles de 2024, il tente désespérément de résoudre les problèmes socio-économiques persistants avant qu’ils ne se traduisent par de nouveaux troubles sociaux et de répondre aux insécurités profondes des forces armées algériennes, compte tenu des menaces sécuritaires qui pèsent sur le pays et de son partenariat de plus en plus problématique avec la Russie. Un partenariat avec les capitales européennes, notamment en matière d’économie et de politique étrangère, aiderait M. Tebboune à préparer sa candidature à un second mandat. 

Difficultés intérieures 

Le modèle économique de l’Algérie vacille malgré les prix élevés du pétrole. La reprise économique post-Covid a été largement stimulée par ces prix pétroliers plus élevés, mais la plupart des recettes ont servi à reconstituer les réserves de change de l’Algérie et à augmenter les dépenses du secteur public, alors que l’économie au sens large est restée en perte de vitesse. Un chômage endémique élevé qui atteint officiellement 12 % et plus de 20 % chez les jeunes, a été l’un des principaux moteurs du Hirak et reste une plaie économique persistante de l’Algérie post-Covid. L’une des premières directives de M. Tebboune après son entrée en fonction a été de demander à son premier ministre, Aymen Benabderrahmane, d’augmenter les salaires du secteur public de 47 % entre 2022 et 2024. Parallèlement, M. Tebboune a institué une allocation spéciale de chômage d’environ 100 dollars par mois pour les jeunes chômeurs. Cependant, ces augmentations de salaires et la forte utilisation de l’allocation de chômage pour les jeunes par près de 2 millions de personnes ont amplifié la question de l’inflation globale des prix en Algérie. Avec des taux d’inflation élevés d’environ 9 % depuis la fin de l’année 2022, et une réalité probablement bien plus inquiétante que celle indiquée par les chiffres officiels, ces augmentations de salaire sont rapidement dévaluées en termes réels. Pour ne rien arranger, la stratégie protectionniste du gouvernement consistant à interdire toutes les importations non essentielles pour permettre à l’Algérie de reconstituer ses réserves de change a exacerbé les crises alimentaire et de la chaîne d’approvisionnement résultant de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Ces mesures ont suscité un mécontentement considérable de la part de la population, ce qui a conduit au limogeage du ministre du commerce, Kamel Rezig, et une fois que la banque centrale a commencé à bénéficier de réserves plus saines (environ 66 milliards de dollars en mars), la politique a été inversée

M. Tebboune et ses proches alliés des ministères de l’intérieur, des startups et de l’énergie semblent de plus en plus préoccupés par les élections présidentielles de 2024. En 2019, M. Tebboune a fait campagne sur 54 promesses largement axées sur la reconquête du statut de l’Algérie en tant que puissance régionale, mais aussi sur le développement et la diversification de l’économie. Il affirme avoir atteint le premier de ces objectifs puisque l’Algérie a été élue au Conseil de sécurité de l’ONU en juin 2023 et a accueilli le sommet de la Ligue arabe en novembre 2022. Mais il n’a pas été en mesure de répondre aux inquiétudes économiques des Algériens, ce qui pourrait être la clé des élections de 2024. En décembre 2022, il a reproché à son gouvernement de ne pas avoir mis en œuvre ses réformes économiques et, en mars, il a annoncé un remaniement gouvernemental pour remédier aux problèmes de gouvernance et à l’inefficacité des secteurs commerciaux et industriels. L’objectif déclaré de M. Tebboune est de porter le PIB de l’Algérie à plus de 200 milliards de dollars, de créer 55 000 nouveaux emplois et de générer 30 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici 2027. La priorité qu’il accorde à l’économie se traduit également par la concentration du remaniement gouvernemental sur certaines institutions, dont le ministère de l’industrie. Outre les ventes de pétrole, M. Tebboune espère stimuler l’économie en augmentant les investissements étrangers directs. Ses efforts en matière de politique étrangère constituent donc un élément essentiel de sa politique économique et son nouveau ministre de l’industrie, Ali Aoun, a été rapidement envoyé à Turin dans le cadre de son plan visant à accroître les investissements. 

M. Tebboune doit également tenir compte des rivaux nationaux. Depuis l’indépendance durement acquise de l’Algérie en 1962, l’armée algérienne a été considérée comme le gardien de la nation contre les troubles civils et les menaces étrangères. Traditionnellement, cela a permis à l’armée de conserver la politique étrangère comme sa prérogative, en consultation avec le président qui est le visage de la politique algérienne. Par ailleurs, le capital politique accumulé par le commandement militaire pendant et après l’indépendance lui a permis de contrôler la prise de décisions stratégiques de l’Algérie. Les troubles persistants du Hirak et l’instabilité régionale signifient que les stratégies économiques de M. Tebboune dépendront de l’approbation de l’armée. En outre, tout rééquilibrage des relations géopolitiques du pays sera l’apanage des militaires. 

Le commandement militaire est guidé par deux objectifs : éviter une répétition du Hirak et préserver son indépendance vis-à-vis du gouvernement et de la population. Malgré leurs intérêts divergents – pour le président, accroître sa base de pouvoir, et pour l’armée, protéger sa part du lion dans les dépenses de l’État -, les deux institutions ont depuis toujours coopéré. Cependant, les retombées de la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont sapé leurs intérêts respectifs, aggravant les griefs socio-économiques nationaux et soulevant des problèmes de sécurité à un moment où les dirigeants algériens se sentent de plus en plus menacés par les tensions croissantes à leurs frontières et par un Maroc de plus en plus agressif. Le président et le commandement militaire pourraient donc être amenés à rompre avec leurs doctrines traditionnelles et à trouver de nouvelles voies de compromis. 

La guerre en Ukraine a également compliqué cette relation au niveau des liens des forces armées avec la Russie. Les services de renseignement et les services opérationnels entretiennent des relations de travail étroites avec l’armée russe depuis l’époque de l’Union soviétique. L’Algérie est le pays d’Afrique qui dépense le plus en armements et les armes russes représentent environ 73 % de son arsenal. En revanche, 15 % seulement de ses armes proviennent de partenaires occidentaux, dont l’Allemagne et la France, et le reste de la Chine, de la Turquie et d’autres partenaires plus marginaux. Néanmoins, même avant la guerre, l’armée algérienne avait commencé à établir des relations de travail limitées avec les armées occidentales, comme avec l’armée française dans le cadre d’une coopération technique et opérationnelle contre des menaces communes telles que le terrorisme. Ainsi, un fossé se creuse entre les officiers plus âgés qui souhaitent préserver leurs amitiés russes, et les officiers plus jeunes et plus pragmatiques qui voudraient nouer des relations plus étroites avec les armées occidentales. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la vague de pressions occidentales qu’elle a entrainées ont considérablement diminué l’utilité de cette relation. Alger a une doctrine de non-alignement ferme, mais sa relation continue avec Moscou malgré la guerre en cours et le récent mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre du président russe Vladimir Poutine, pourrait la compromettre. En outre, les difficultés rencontrées par la Russie pour se réarmer donnent à penser que Moscou serait incapable de couvrir tout nouvel achat ou réapprovisionnement de l’Algérie. 

Cette situation rend la position de M. Tebboune de plus en plus difficile, d’autant plus que le commandement militaire n’a pas encore décidé s’il allait le soutenir pour un second mandat. Compte tenu des craintes existentielles suscitées par les tensions accrues avec le Maroc, de l’incertitude quant à l’avenir de la Libye et du chaos qui règne dans le Sahel, les militaires algériens n’abandonneront pas de sitôt leurs relations avec la Russie, et certainement pas avant d’avoir trouvé des solutions de rechange à long terme. M. Tebboune doit donc trouver un équilibre difficile, en démontrant qu’il peut protéger les partenariats hérités avec la Russie à court terme, tout en maintenant et renforçant les liens avec l’Occident et en proposant un programme économique convaincant. La difficulté de cette tâche est apparue clairement lors de sa visite d’État à Moscou en juin, au cours de laquelle il a assisté au forum économique de Saint-Pétersbourg. En marge de ce forum, M. Tebboune a défendu la liberté de l’Algérie face aux pressions internationales, affirmant que « les Algériens sont nés libres et resteront libres de leurs décisions et de leurs actions », et a qualifié M. Poutine « d’ami de l’humanité ». Ces propos lui permettront de garder la confiance des militaires, mais le prix à payer risque d’être élevé, car ils sont également susceptibles de susciter des soupçons en Europe et aux États-Unis. 

La place de l’Algérie dans un voisinage instable 

Entre-temps, la déstabilisation de l’Afrique du Nord et du Sahel, ainsi que la multiplication des interventions étrangères qui l’accompagnent, compliquent la présidence de M. Tebboune et l’orientation de la politique étrangère de l’Algérie. En tant que puissance nord-africaine dotée d’un dirigeant souverainiste autoproclamé, l’Algérie de M. Tebboune a cherché à rompre avec la passivité perçue de l’ère Bouteflika et à présenter des positions fortes sur les questions régionales. Mais malgré la rhétorique du leadership régional, la longue absence de l’Algérie dans la région a réduit son influence et l’a rendue incapable de relever les défis régionaux sans aide internationale. 

La Russie a tendance à se ranger du côté de l’Algérie sur des questions clés de politique étrangère régionale, telles que la protection des droits des Palestiniens et le soutien d’un processus mené par les Nations unies sur le Sahara occidental. Il s’agit en partie d’une tentative de protéger ses relations avec l’Algérie, mais cela permet également à Moscou de s’afficher comme allié du Sud global et partisan de l’anti-impérialisme parmi les autres États arabes, ce qui l’aide à gagner en influence au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cependant, les relations avec la Russie devenant de plus en plus problématiques, et Moscou étant préoccupé par sa guerre contre l’Ukraine et les problèmes avec la société militaire privée russe Wagner (qui gérait les opérations de la politique africaine de Moscou), M. Tebboune cherche désormais d’autres partenaires internationaux. 

De son côté, la stabilité de l’Afrique du Nord et du Sahel revêt une importance stratégique pour l’Europe, car elle lui permet de conserver et d’étendre son influence dans la région et de contrer celle de la Russie ; de répondre aux préoccupations en matière de sécurité, telles que les migrations, qui découlent de l’instabilité ; et d’explorer les possibilités d’investissement dans le cadre de la concurrence géopolitique. 

La principale préoccupation d’Alger est la montée des tensions avec le Maroc. La rivalité de longue date entre le Maroc et l’Algérie est historiquement centrée sur le territoire contesté du Sahara occidental, revendiqué à la fois par le Maroc et par le peuple autochtone sahraoui. L’Algérie soutient le Front Polisario pro-libération qui représente le peuple sahraoui dans la lutte pour le territoire, et dont la direction et les ailes militaires sont basées dans des camps frontaliers en Algérie. Les relations se sont encore détériorées lorsque le Maroc a signé les accords d’Abraham en 2020 en échange de la reconnaissance par les États-Unis des revendications de Rabat sur le Sahara occidental. En août 2021, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, le ministre algérien des affaires étrangères de l’époque, Ramtane Lamamra, citant une longue liste de « provocations » et « d’actions hostiles » de la part de Rabat. Malgré quelques points chauds potentiels, tels qu’une attaque présumée de drone sur des camions algériens par le Maroc près du Sahara occidental, le différend est resté jusqu’à présent largement diplomatique. Cependant, l’incapacité de l’ONU à trouver une solution durable et juste au conflit, le soutien implicite des acteurs occidentaux comme Washington, Paris et l’ONU au Maroc, et le retrait de plus en plus probable de la mission de maintien de la paix de l’ONU, qui peine à se réapprovisionner, pourraient finalement pousser le Maroc ou le Front Polisario vers une campagne militaire dans l’espoir de forcer un nouveau statu quo. Le commandement militaire algérien est actuellement en train d’élaborer des plans d’urgence compte tenu du nombre de dirigeants du Polisario basés à Tindouf, tandis que sur le plan diplomatique, Alger espère que sa récente élection au Conseil de sécurité des Nationes unies lui permettra de renforcer sa position au Sahara occidental

Les partenaires occidentaux ont clairement indiqué que toute escalade militaire entre Rabat et Alger aurait de graves conséquences, compte tenu des menaces qu’elle ferait peser sur la stabilité de la région et la sécurité européenne.2 En outre, la course aux armements entre le Maroc et l’Algérie pourrait bien décourager les investisseurs européens, ce qui compromettrait encore davantage les perspectives de développement économique de la région. Cela aggraverait les problèmes socio-économiques existants, qui constituent un facteur clé des flux migratoires vers l’Europe. L’aggravation des tensions a également augmenté le risque de nouvelles décentralisations ou de dommages collatéraux pour les Européens, comme l’a découvert l’Espagne en mars 2022 lorsqu’Alger a rappelé son ambassadeur et suspendu un traité d’amitié vieux de vingt ans à la suite de l’approbation par Madrid du plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. Le coup économique important que l’Espagne a reçu pour avoir été perçue comme prenant parti devrait être considéré comme un avertissement, alors que la question du Sahara occidental se répète sous la direction d’un nouvel envoyé de l’ONU. 

Les pays européens partagent également l’inquiétude de l’Algérie face à la crise qui sévit à ses portes, au Mali. Le conflit interne qui couvait depuis longtemps au Mali s’est récemment enflammé pour devenir le théâtre d’une compétition entre puissances étrangères, alors que le groupe Wagner s’implantait durablement. C’est une compétition que la Russie semble être en train de gagner, car la désinformation menée par Wagner a joué sur le sentiment anti-français à travers le Sahel pour isoler davantage Paris, ce qui a conduit à l’annonce par Macron, en février 2022, d’un retrait complet de la France du Mali, après neuf ans de mission antiterroriste dirigée par la France dans le pays. Malgré les interventions militaires de multiples alliés, l’Algérie a toujours prôné une solution politique et est allée le plus loin dans l’obtention d’un règlement, avec son accord de paix et de réconciliation de 2015 entre les autorités maliennes et les groupes rebelles. Cependant, les coups d’État successifs au Mali en 2020 et 2021, ainsi que les changements stratégiques plus profonds dus à d’autres interventions étrangères et à la guerre en Ukraine, ont sapé cet accord et mis en péril la vision d’Alger d’un Sahel post-crise. Néanmoins, le président et le commandement militaire continuent de croire que l’accord de 2015 est la pierre angulaire de toute solution future et s’efforcent avant tout d’éviter une division formelle du Mali. À cette fin, Alger s’écarte de l’approche sécuritaire de la Russie et de la France et explore des tactiques socio-économiques visant à garantir une paix qui pourrait à la fois stabiliser leur frontière et fournir des opportunités d’investissement lucratives pour les entreprises algériennes et d’autres entreprises étrangères. Par exemple, en février, M. Tebboune a annoncé la création d’un fonds de développement d’un milliard de dollars destiné à financer des projets d’éducation, de santé et de dessalement de l’eau dans certains pays africains, donnant ainsi corps à la politique algérienne de recherche de la stabilité par le développement. 

D’un point de vue européen, le rôle de l’Algérie dans le Sahel est essentiel pour assurer le retour à l’ordre constitutionnel au Mali et lutter contre le terrorisme et les groupes criminels organisés, étant donné sa proximité géographique et ses liens sociopolitiques profonds avec la région. L’implication d’Alger permet également d’espérer remplacer les acteurs russes dans le pays par des acteurs locaux désireux de s’engager d’une manière plus constructive, axée sur la paix et la réconciliation plutôt que sur la politique de puissance. Les précédentes opérations de sécurité au Sahel menées par des capitales européennes telles que Paris et Berlin ont été limitées, et il est peu probable qu’elles suscitent le soutien des communautés et des autorités locales qui n’ont pas confiance dans les acteurs étrangers. 

Parallèlement à ces défis sécuritaires, des problèmes politiques et économiques complexes déstabilisent les voisins orientaux de l’Algérie que sont la Tunisie et la Libye, avec d’autres conséquences pour l’Europe. La réponse d’Alger à l’instabilité complexe de la Libye est semblable à son approche du Mali, fondée sur une stratégie qui recherche la stabilité par le développement. Alors qu’Alger considère les élections législatives et présidentielles comme un moyen durable d’atteindre cet objectif, M. Tebboune a établi une relation solide avec le premier ministre libyen basé à Tripoli, Abdul Hamid Dbeibah, relation qui pourrait ouvrir la voie à des investissements algériens dans le cadre de cette stratégie liant développement et stabilité. Il existe également un consensus national en Algérie selon lequel, jusqu’à la tenue d’élections, l’option la plus sûre est de conférer au gouvernement une légitimité internationale. 

Enfin, l’effondrement économique apparemment inexorable de la Tunisie sous la gouvernance problématique de son président autoritaire, Kais Saied, a donné à l’Algérie et à l’Europe des raisons considérables de s’inquiéter. M. Tebboune entretient une relation étroite avec Saied, qui s’est avéré un acteur clé sur les questions diplomatiques régionales, par exemple en accueillant publiquement le chef du Front Polisario du Sahara occidental, Brahim Ghali, lors d’une conférence commerciale internationale à Tunis en août 2022. En retour, M. Tebboune a soutenu sans réserve la Tunisie et Saied, en insistant sur le respect ferme de la souveraineté tunisienne. Malgré cette relation étroite entre les deux dirigeants, d’autres responsables politiques algériens, en particulier au sein de l’armée, s’inquiètent de l’effondrement de leur voisin, notamment des difficultés des autorités à gérer un dialogue national de haut niveau et de leur besoin constant d’aide financière.3 Ils restent très conscients des nombreux problèmes sécuritaires et socio-économiques qui pourraient survenir en cas d’effondrement de la Tunisie, et se sentent quelque peu exposés sur le plan diplomatique, étant donné qu’ils sont largement considérés comme le principal soutien international de Saied. 

La stabilité en Tunisie et en Libye est également une source d’inquiétude pour l’Europe, en particulier du point de vue de la sécurité nationale et de la sécurité des frontières. Les capitales européennes, en particulier Rome, se font l’écho des craintes d’Alger en matière de sécurité et sont particulièrement préoccupées par les risques de migration des pays d’Afrique du Nord vers l’Europe via l’Italie. De fait, les pays européens ont récemment ignoré le recul démocratique de la Tunisie en faveur d’une politique de stabilisation visant à éviter l’effondrement de l’économie locale. L’Algérie est actuellement le principal interlocuteur des pays européens lorsqu’ils discutent de la situation en Tunisie et, compte tenu des solides relations institutionnelles et personnelles qui existent entre Alger et Tunis, elle est un partenaire précieux lorsqu’il s’agit de conclure des accords avec Saied et d’approfondir la coopération avec les institutions tunisiennes. Il en va de même pour la Libye, où l’Europe s’efforce de relancer le processus électoral sans le soutien de la région. L’Algérie a tout intérêt à ce que la Libye aille jusqu’au bout du processus électoral, car tout nouveau bouleversement aurait un impact direct sur sa sécurité nationale. L’Europe a donc besoin du soutien, des contacts et des efforts de médiation d’Alger pour ouvrir une voie claire et praticable vers les élections. 

L’après-guerre en Ukraine : gaz, armes et diplomatie  

La guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui en est à sa deuxième année, a transformé l’espace méditerranéen, et plus largement la géopolitique ; elle a ouvert de nouvelles opportunités de coopération entre l’Algérie et l’Europe. 

L’une des conséquences décisives du conflit a été la militarisation du gaz par Moscou, qui a tenté de contraindre les pays européens à abandonner l’Ukraine. L’Algérie a depuis longtemps la réputation, dans le sud de l’Europe, d’être un fournisseur d’énergie fiable en période de tensions. Lorsque les soulèvements arabes ont nuit à la coopération euro-méditerranéenne, l’Algérie a servi de soupape de sécurité pour la coopération en matière de sécurité et d’énergie, et a assuré l’approvisionnement de l’Espagne et de l’Italie alors que l’ensemble de l’Afrique du Nord sombrait dans le chaos. En 2022, Alger a donc capitalisé sur cette réputation et a opportunément proposé d’aider à combler le manque de gaz russe, pressentant les avantages financiers et diplomatiques. Cette année-là, la compagnie nationale d’énergie algérienne a conclu de nouveaux contrats à long terme pour un montant de 60 milliards de dollars. L’Algérie a rapidement remplacé la Russie comme principal fournisseur de gaz de l’Italie par le biais d’accords bilatéraux et multipartites, et a renouvelé ses partenariats énergétiques avec l’Espagne en dépit de divergences. L’Algérie et les pays européens ont utilisé ces nouveaux contrats d’approvisionnement comme un tremplin pour une coopération plus diversifiée. Par exemple, l’entreprise énergétique italienne Eni a conclu des accords pour transférer des technologies à l’entreprise énergétique nationale algérienne Sonatrach afin de l’aider à réduire les émissions de dioxyde de carbone de ses activités. En novembre, Sonatrach a également signé un accord avec le plus grand négociant en énergie de Slovénie pour lui fournir 300 millions de mètres cubes de gaz naturel par an via le gazoduc transméditerranéen Tunisie-Italie. Bien qu’il s’agisse de faibles quantités, cela permettra de répondre à un tiers des besoins de la Slovénie en énergie. 

L’Algérie a également capitalisé sur le gaz naturel liquéfié (GNL) en plus de ses gazoducs existants. Elle augmente déjà ses exportations de GNL, qui ont atteint 2,8 millions de tonnes entre janvier et avril 2023, contre 2,4 millions de tonnes au cours du même trimestre de 2022. La plupart des expéditions de GNL de l’Algérie entre janvier et avril 2023 ont été destinées aux marchés européens, tels que la France. La France a également signé un nouveau contrat de 25 ans avec Sonatrach pour la production partagée d’hydrocarbures et la réduction des émissions. 

Ces accords ont contribué à la résurgence diplomatique de l’Algérie en Méditerranée : Alger a accueilli plus de délégations étrangères en 2022 que pendant toute la durée du dernier mandat de Bouteflika, tentant ainsi de tirer de cet opportunisme énergétique des gains plus larges. En retour, la France a accueilli la première visite d’un chef d’état-major de l’armée algérienne depuis 2006, ainsi qu’une délégation militaire, ce qui a abouti à la signature d’une feuille de route conjointe visant à renforcer la coopération militaire et sécuritaire. Entre-temps, Alger a profité de son accord sur le gaz avec l’Italie pour lancer des investissements plus importants dans les énergies renouvelables et les projets industriels, notamment une installation solaire de dix mégawatts dans le sud-est de l’Algérie et la fabrication de voitures. M. Tebboune a profité du prestige de ces réunions de haut niveau et de leurs retombées économiques pour renforcer son image de leader fort et performant lors d’entretiens avec les médias locaux. Ces accords ont également servi de contre-stratégie face aux allégations espagnoles, selon lesquelles Alger ferait le jeu de Moscou après l’invasion en refusant de rouvrir le gazoduc Maghreb-Europe qui passe par le Maroc. (Alger a cessé de renouveler les contrats pour le gazoduc en novembre 2021). 

Cependant, l’Algérie n’a pas été la seule à tenter de tirer parti des nouveaux accords gaziers : certaines délégations de hauts fonctionnaires européens et américains ont tenté d’utiliser les pourparlers pour dissuader l’Algérie de poursuivre sa coopération militaire de longue date avec la Russie.4 L’Algérie a traditionnellement entretenu des relations froides avec l’OTAN dans le cadre de son opposition anti-impérialiste et souverainiste aux interventions étrangères. À ce titre, son engagement auprès de l’alliance militaire occidentale se limite à sa participation au Dialogue méditerranéen. Mais l’Ukraine a modifié la position de l’Algérie à l’égard des armées occidentales lorsqu’elle a pris conscience de la nécessité d’acquérir des équipements. Alors qu’elle tente de protéger ses relations avec la Russie en utilisant des moyens non militaires, tels que des forums d’affaires conjoints et en encourageant les investissements privés, l’Algérie essaie désormais de répondre à ses besoins en matière de sécurité en concluant des accords avec d’autres pays. En novembre 2022, Alger a discrètement annulé les exercices militaires conjoints précédemment programmés avec la Russie et a entamé des discussions avec l’Italie et le Royaume-Uni sur de nouveaux contrats d’armement. Le gouvernement étudie également la possibilité d’investir les nouvelles recettes gazières dans des coentreprises avec des pays européens afin de développer localement des équipements clés comme des hélicoptères. 

Tout en essayant de réduire sa dépendance militaire à l’égard de la Russie, Alger cherche à utilisersa position pour renforcer son poids sur la scène mondiale, plutôt que de simplement développer une nouvelle dépendance à l’égard de l’Europe et des États-Unis. En novembre 2022, l’Algérie a officiellement demandé à rejoindre les BRICS, groupe économique nommé d’après ses membres – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud – dans ce que M. Tebboune a décrit comme une tentative de renforcer la politique étrangère de l’Algérie. Une adhésion aux BRICS permettrait à l’Algérie d’accéder à la banque des BRICS et l’aiderait à attirer des investissements urbains, qu’elle pourrait utiliser pour alimenter sa politique de stabilité par le développement. En juin, le ministre algérien des finances a entamé des négociations formelles pour rejoindre la nouvelle banque de développement des BRICS afin de lever ces fonds. 

Mais l’Algérie pourrait ne pas être en mesure de maintenir l’équilibre entre des liens forts avec les BRICS d’une part, et  ses relations avec l’Occident d’autre part. Par exemple, pour Washington, le renforcement de la coopération économique avec la Chine dans le cadre de la concurrence géoéconomique avec Pékin pourrait être interprété comme un signe d’alignement stratégique. Ainsi, lors de sa visite en Russie, M. Tebboune a évoqué la nécessité de libérer l’économie algérienne du contrôle des monnaies occidentales, ce qui pourrait être interprété comme une prise de position des partenaires orientaux contre l’hégémonie économique occidentale. Certains décideurs américains pourraient négliger les liens de l’Algérie avec Moscou et Pékin et chercher à sécuriser de manière opportuniste les investissements américains en Algérie, mais d’autres ont déjà appelé à des sanctions contre l’Algérie pour l’achat d’armes russes. 

En fin de compte, alors que les États-Unis et l’Europe sont sceptiques quant à la ligne dure et aux positions anti-impérialistes de l’Algérie et aux liens étroits qu’elle entretient avec l’Est, l’impact économique des BRICS en Algérie reste inférieur à celui de l’Europe. Les échanges commerciaux de l’Algérie avec la Chine et l’Inde – les principaux partenaires des BRICS – s’élevaient à environ 17 milliards de dollars en 2021. En revanche, en 2022, l’Algérie a participé à des activités commerciales d’une valeur de près de 56 milliards d’euros avec les États membres de l’UE. En outre, bien qu’elle ait signé des documents de coopération stratégique avec Pékin, la relation de l’Algérie avec la Chine reste essentiellement économique et ne dispose pas des fondements culturels et sécuritaires nécessaires pour l’étendre à un rapprochement significatif en matière de politique étrangère. 

Les pays européens, Rome et Paris en tête, ont opté pour un engagement économique et sécuritaire productif afin de contrer l’influence de la Russie et de la Chine. Les liens étroits qu’Alger entretient avec Moscou ne semblent pas affecter cette approche, les capitales européennes étant disposées à tolérer ces liens tant qu’il existe une voie vers un rapprochement plus étroit avec les autorités algériennes. Compte tenu de son réseau existant d’échanges et de relations, l’Europe est bien placée pour être un partenaire de développement efficace pour l’Algérie. Grâce à ce partenariat, Washington et les capitales européennes peuvent espérer séduire le régime algérien en lui faisant miroiter les avantages de liens plus étroits, tandis qu’Alger peut rassurer les capitales occidentales quant à ses liens avec Moscou. Ces politiques peuvent servir de premiers pas prudents vers une relation plus étroite qui, en fin de compte, bénéficierait à toutes les parties. 

Étapes vers un partenariat plus large entre l’Europe et l’Algérie 

Les intérêts de l’Europe et de l’Algérie se recoupent largement,de l’énergie à la sécurité en passant par la géopolitique. À l’image des besoins algériens, les pays européens souhaitent développer un partenariat énergétique avec Alger et relever les défis régionaux en matière de sécurité afin de limiter l’influence de concurrents tels que la Russie. Une meilleure relation et un partenariat plus approfondi seraient bénéfiques pour les deux parties. Pour y parvenir, les deux camps doivent s’efforcer d’établir une coopération étroite dans chaque domaine d’intérêt mutuel, du pétrole et du gaz aux énergies vertes en passant par la politique étrangère, avant de pouvoir transformer des partenariats transactionnels et limités en une relation plus approfondie. 

La diplomatie de l’énergie 

Les Européens cherchent à diversifier leurs sources d’énergie en concluant des accords multiples, en aidant les fournisseurs à exporter de plus grandes quantités et en réduisant la dépendance au gaz grâce à l’énergie verte. À l’inverse, l’Algérie a désespérément besoin d’accroître et de diversifier ses ventes d’énergie pour augmenter ses revenus, soigner son image internationale et améliorer l’efficacité de ses propres infrastructures énergétiques afin de mieux répondre à la demande intérieure croissante. L’Europe devrait donc s’appuyer sur les accords existants pour créer un nouveau modèle de collaboration énergétique qui pourrait bénéficier aux deux parties. 

Le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, souhaite attirer 40 milliards de dollars d’investissements d’ici 2026 afin d’améliorer les capacités d’exploration, de production et d’exportation. L’entreprise est donc à la recherche de nouveaux accords avec des acteurs européens. Les gouvernements européens et les acteurs privés ont la possibilité de travailler avec Sonatrach et le ministère algérien de l’énergie (qui restent les premiers et principaux interlocuteurs pour tout nouvel accord potentiel) afin d’envoyer des délégations de haut niveau en ce sens. De plus, les accords existants entre l’Algérie, la France et l’Italie ont montré que de tels accords énergétiques pouvaient rapidement devenir le point de départ d’une coopération plus poussée. 

Le besoin d’investissement de l’Algérie offre à l’Europe la possibilité, non seulement de bénéficier de cette production, mais aussi de s’assurer qu’elle est conforme aux objectifs écologiques de l’Europe. Le ministère algérien de l’énergie espère se distinguer des autres fournisseurs et attirer les investissements grâce à son engagement en faveur des énergies renouvelables. L’Europe a donc l’occasion de se faire un allié local pour faire de l’évolution énergétique de l’Algérie une évolution verte. L’hydrogène vert pourrait se révéler précieux pour répondre à la demande croissante d’énergie de l’Algérie et de l’Europe. Le ministre algérien de l’énergie, Mohamed Arkab, a récemment dévoilé un plan de développement de cette filière, envisageant des exportations d’hydrogène vert vers l’Europe à partir de 2030, qui devraient à terme représenter 10 % des besoins énergétiques de l’Europe. Si M. Arkab fait ici preuve d’une ambition quelque peu démesurée, alors même que Sonatrach continue de se concentrer sur le pétrole et le gaz, ce projet constitue néanmoins une base solide pour l’approfondissement de la coopération algéro-européenne dans le domaine des énergies vertes. En décembre, en marge de la journée algéro-allemande de l’énergie à Alger, Sonatrach a signé un protocole d’accord avec la société gazière allemande VNG AG pour une usine d’hydrogène vert de 50 mégawatts. Avec le soutien des gouvernements, des accords similaires pourraient se multiplier. Si le soutien des gouvernements est crucial à cet égard, l’amélioration des relations entre les entreprises permettrait également de renforcer les capacités de nouveaux acteurs, tels que ceux qui dirigent Sonatrach ou le ministère algérien de l’énergie, ce qui permettrait ainsi d’élargir la base des relations entre l’Europe et l’Algérie et de les éloigner des réunions trop formelles et protocolaires entre hauts fonctionnaires. Cela favorisera une certaine familiarité entre les deux systèmes et facilitera donc la poursuite de la coopération. 

En comprenant les besoins énergétiques locaux, les acteurs européens devraient intervenir en tant que co-constructeurs actifs, et non simples bénéficiaires, de la politique énergétique de l’Algérie. Cette approche nécessitera des investissements sectoriels substantiels de la part des acteurs européens du pétrole et du gaz pour aider Sonatrach dans ses opérations d’exploration. Avec de tels investissements, les Européens peuvent également s’offrir l’opportunité de travailler avec Sonatrach pour développer un plan conjoint et global de modernisation des infrastructures, et ainsi augmenter le volume des exportations de GNL algérien, permettant des ventes directes à un plus grand nombre de pays européens. Les gouvernements européens, en particulier ceux qui ont besoin du gaz algérien mais ne se sont pas encore engagés, devraient être encouragés par la loi algérienne de 2019 sur les hydrocarbures, qui a mis en place de nouvelles réglementations plus libérales pour les concessions et les acteurs étrangers du secteur pétrolier et gazier. 

Les organes de l’UE pourraient également jouer un rôle majeur en encourageant la transition énergétique de l’Algérie. En novembre 2022, lors du sommet Union européenne-Union africaine, Bruxelles a lancé son initiative « Pacte vert », ambitieux plan d’investissement de 3,4 milliards d’euros destiné à développer les énergies vertes en Afrique. L’UE devrait inclure l’Algérie dans ce plan afin de permettre les investissements dans les énergies renouvelables dans le pays, et de donner l’exemple pour de nouveaux modèles de coopération entre l’Europe et le continent africain. 

Partenariat économique plus large 

Les efforts de l’Algérie pour utiliser les besoins énergétiques de l’Europe afin d’obtenir des investissements plus conséquents démentent son besoin plus général d’investissements étrangers. M. Tebboune en a besoin pour stimuler la diversification économique et la croissance afin de soutenir l’économie et d’obtenir une légitimité populaire, en particulier parmi les jeunes électeurs. En 2022, l’Algérie a adopté une nouvelle loi sur l’investissement destinée à faciliter la coopération économique internationale, qui a été mise en avant lors de réunions avec des responsables français et italiens, et avec des entreprises industrielles européennes sélectionnées afin de commencer à encourager l’investissement. Un programme d’investissement européen plus large en Algérie présenterait des avantages pour les deux parties. Les entreprises européennes pourraient trouver un terrain fertile pour de nouveaux marchés qui, en échange, pourraient aider l’Algérie à résoudre son problème de chômage. Par exemple, Fiat a récemment investi 200 millions d’euros dans un partenaire algérien pour créer une usine qui fournirait plus de 2.000 emplois d’ici 2026. Par ailleurs, l’Algérie pourrait également s’avérer être un pays de « délocalisation » utile pour les grandes entreprises européennes. À cette fin, les pays européens devraient inclure des acteurs commerciaux intéressés dans leurs délégations en Algérie. 

Les Européens peuvent également s’appuyer sur d’autres institutions telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), que l’Algérie a rejointe en tant que partie prenante en 2021, pour renforcer la coopération économique avec l’Algérie. Les investissements de la BERD pourraient contribuer à stimuler l’esprit d’entreprise et les petites et moyennes entreprises algériennes, qui pourraient ensuite s’associer à des sociétés européennes. Aider le secteur privé algérien à se développer avec la BERD et lui donner ensuite accès au marché unique pourrait contribuer à lier davantage l’Algérie à l’Europe, grâce à un environnement réglementaire commun qui faciliterait une coopération économique de plus en plus étroite. Toutefois, cela nécessiterait des efforts supplémentaires de la part des responsables algériens pour réformer le secteur bancaire et accélérer le processus de numérisation, ce qui ne sera pas facile compte tenu des barrières bureaucratiques existantes, mais reste faisable avec la volonté politique et l’assistance juridique adéquates. 

Au-delà de l’aide apportée à l’Algérie, investir dans l’entrepreneuriat algérien permettrait d’accroître le soft power de l’Europe et de tisser un réseau de relations susceptibles d’apporter d’autres avantages. Lors de la visite de M. Macron en Algérie en août 2022, il a annoncé la création d’un incubateur algéro-français pour les jeunes entrepreneurs. D’autres projets visant à relier les Algériens de la diaspora à Marseille et à Paris à l’Algérie sont prévus lors de la visite de suivi de M. Tebboune à Paris. Enfin, les deux présidents espèrent que des villes algériennes pourront se jumeler avec des villes françaises, créant ainsi une plateforme pour établir des relations entre les autorités et les entreprises locales. Il est encourageant de constater que l’Italie et les Pays-Bas suivent l’exemple français et lancent des programmes similaires. L’UE pourrait renforcer ces programmes bilatéraux grâce à des outils tels que la politique européenne de voisinage ou l’accord d’association UE-Algérie de 2005, qui devrait être révisé prochainement

L’UE et les États membres concernés pourraient utiliser ces programmes bilatéraux et la promesse d’une coopération économique plus étroite pour pousser conjointement à de nouvelles réformes réglementaires, en particulier sur des questions telles que l’indépendance judiciaire et les normes de l’État de droit, afin de garantir un environnement commercial adéquat pour les investisseurs. Comme les tentatives directes d’encourager la démocratisation seraient probablement perçues comme de l’ingérence et susciteraient une réaction officielle et publique négative, les Européens devraient se concentrer sur des concessions limitées en faveur de la stabilité, et sur le développement d’un nouvel état d’esprit commercial susceptible de renforcer les acteurs démocratiques locaux. Les investissements de ce type, le soft power qu’ils accumulent et la base de relations plus large qu’ils construisent, peuvent alors servir de canal à des discussions plus productives sur des sujets sensibles tels que la migration. En outre, ce soft power aide à contredire la narrative selon laquelle l’Europe exploiterait et négligerait ses partenaires, narrative que la Chine et la Russie utilisent pour accroître leur influence, tout en créant un rempart contre les empiètements de Pékin et de Moscou dans le voisinage méridional. 

Tout comme pour la coopération dans le domaine de l’énergie, l’UE peut contribuer à faciliter les investissements économiques. Compte tenu de son importance en tant qu’acteur et partenaire majeur dans le voisinage méridional, l’Algérie devrait être l’une des principales cibles de la nouvelle stratégie « Global Gateway » de l’UE. Celle-ci pourrait profiter de cette initiative pour lancer des projets répondant aux besoins de l’Algérie en matière d’infrastructures et de technologies numériques, d’autant plus que le gouvernement actuel met l’accent sur le développement de l’environnement commercial local. Elle pourrait discuter de ces offres et les intégrer dans le prochain accord d’association UE-Algérie, et élaborer un programme de travail algérien qui s’inscrirait dans le calendrier 2021-2027 de la Global Gateway. Alger a déjà exprimé son intérêt pour un accord gagnant-gagnant avec Bruxelles, et l’UE pourrait entamer sa propre évaluation des relations commerciales pour faire de nouvelles propositions en fonction des différentes mesures d’incitation et des mécanismes disponibles. Cela fournira à l’Europe un nouveau secteur de croissance et contribuera à créer un environnement plus hospitalier pour les discussions stratégiques sur les dossiers de politique étrangère. 

Coordination de la politique étrangère 

L’Algérie n’a pas cherché à récupérer une position géopolitique de leader régional uniquement pour le prestige. Alger est très préoccupée par les crises qui se préparent dans son voisinage et souhaite donc exercer un plus grand contrôle sur la région. Étant donné les préoccupations communes de l’Europe et d’Alger concernant l’instabilité en Tunisie, en Libye et au Sahel, il est possible de développer des politiques coordonnées pour chacune de ces crises, qui pourraient éventuellement se transformer en une coopération algéro-européenne plus générale dans la région. Pour l’Europe, l’Algérie peut être un acteur local utile, capable d’oeuvrer là où les Européens ne le peuvent pas, tandis que l’assistance diplomatique et économique européenne serait un outil de légitimation inestimable et un catalyseur dont l’Algérie pourrait bénéficier pour augmenter son impact dans la région. En outre, le fait d’engager l’Algérie sur des dossiers régionaux facilitera un dialogue militaire de haut niveau qui intéressera la base militaire du régime et présentera l’Europe comme un partenaire stratégique puissant susceptible de contrer l’influence de la Russie. 

Malgré le désengagement de la France, la situation au Sahel reste un problème pressant en Europe pour des raisons économiques, sécuritaires et migratoires. Compte tenu de la diminution de l’influence de l’Europe et de l’augmentation de celle de la Russie dans la région, soutenir les politiques algériennes au Mali pourrait être un moyen de neutraliser les menaces russes et locales. Récemment, M. Tebboune a tenu à relancer une plateforme de sécurité créée par Alger en 2010, le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), qui regroupe l’Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali, et qui a finalement perdu sa raison d’être lorsque la France a mis en place la force du G5 Sahel. Les ambassadeurs de France et d’Allemagne ont participé à des réunions sur la revitalisation du CEMOC organisées par M. Tebboune et le commandement militaire, jetant ainsi les bases d’une coopération future. Les Européens intéressés peuvent soutenir ce processus et les initiatives de sécurité qu’il engendre, telles que les patrouilles conjointes le long de la frontière entre l’Algérie et le Niger, par le biais d’un soutien diplomatique et technique. En échange, les services algériens pourraient proposer un meilleur partage des renseignements, en s’appuyant sur le récent échange de haut niveau, le premier du genre, entre les services de renseignement français et algériens, ainsi que d’autres échanges en matière de sécurité, afin de garantir que les intérêts de l’Europe en matière de sécurité soient satisfaits. Parallèlement à la coopération en matière de sécurité, les Européens peuvent également contribuer à renforcer les politiques algériennes en matière de soft power pour aider à stabiliser le Mali par la médiation et le développement. Par exemple, les Européens pourraient reconnaître et encourager les efforts de médiation algériens auprès des populations subsahariennes, comme ils l’ont fait lors des récentes tables rondes entre les factions palestiniennes à Alger. Les organisations européennes de développement et de médiation pourraient ensuite assurer le suivi de ces réunions afin d’aider à identifier les besoins en matière de développement et d’étayer les problèmes soulevés par ces communautés, ce qui pourrait rendre la médiation algérienne plus crédible dans la mesure où elle utilise une approche ascendante en vue d’un règlement politique. 

Ce cadre de processus de médiation ascendant menés par l’Algérie avec le soutien de l’Europe peut également s’appliquer à d’autres domaines de préoccupation communs comme la Libye, où l’Algérie et les pays européens sont convaincus de l’importance des élections, qui semblent de plus en plus improbables dans le cadre du processus actuel mené par l’ONU. Dans ce cas, l’Algérie peut tirer parti de ses bonnes relations avec toutes les factions libyennes pour associer différents groupes d’intérêt libyens et accroître directement la pression sur les élites libyennes afin qu’elles organisent des élections en coordination avec les Nations unies et les acteurs européens impliqués. Les Européens peuvent à leur tour fournir une assistance technique pour garantir la tenue d’élections réussies. De même, en ce qui concerne la Tunisie, l’Europe et l’Algérie peuvent travailler ensemble pour éviter un effondrement économique. Comme l’UE, la France, l’Italie et l’Algérie fournissent déjà un soutien budgétaire, elles pourraient travailler ensemble pour s’assurer que la Tunisie est en mesure de maintenir les importations nécessaires, tandis que l’Algérie s’engage auprès de la présidence tunisienne pour encourager Saied à conclure un accord avec le FMI ou au moins pour identifier les changements à apporter à l’accord avant qu’il n’y consente. Bien qu’encourager un accord avec le FMI soit contraire à la doctrine traditionnelle de l’Algérie, l’inquiétude partagée concernant un effondrement de la Tunisie, le manque d’options alternatives et la promesse de construire une coopération plus large avec l’Europe en matière de politique étrangère devraient être des incitations suffisantes pour que l’Algérie poursuive une telle politique. 

L’Europe a également une excellente occasion de réduire les dépendances sécuritaires de l’Algérie à l’égard de la Russie. La relation de l’Algérie avec la Russie est un partenariat hérité du passé, fait par nécessité et par commodité dans le contexte post-indépendance, plutôt que d’un engagement idéologique. En se mobilisant sur d’autres questions de politique étrangère, l’Europe pourrait progressivement remplacer la Russie en tant que partenaire diplomatique et pourrait même être en mesure de développer un partenariat de sécurité plus approfondi avec l’Algérie. L’Europe en tirerait un avantage financier, étant donné que l’Algérie est historiquement le pays africain qui dépense le plus en matière de défense. Les livraisons d’armes pourraient également créer un effet de levier supplémentaire sur Alger et, en l’attirant dans des partenariats multilatéraux de sécurité, créer finalement de nouveaux forums pour tenter d’établir de meilleures relations avec le Maroc. Toutefois, les Européens devront agir avec prudence pour remplacer progressivement la Russie, afin de ne pas perturber l’image de puissance non-alignée que le régime se fait de lui-même. Ils ne devraient pas utiliser la coopération militaire pour contrôler ou interférer dans les stratégies de défense et les positions de politique étrangère de l’Algérie, mais plutôt comme un atout de communication pour gagner la confiance du commandement militaire. La Russie a pu maintenir son partenariat militaire avec l’Algérie parce qu’elle a compris les préoccupations de cette dernière en matière d’indépendance et de souveraineté, et les Européens devraient suivre la même voie s’ils veulent approcher les responsables militaires algériens. 

La coopération dans ces domaines d’intérêt commun permettrait inévitablement d’approfondir la compréhension entre l’Algérie et l’Europe. Cela pourrait favoriser des discussions plus constructives sur des questions régionales d’intérêt commun plus larges mais avec des perspectives différentes, telles que la rivalité entre l’Algérie et le Maroc. L’évolution de la situation entre Alger et Rabat tout au long de l’année 2022 met en évidence le besoin urgent d’un groupe plus large d’États concernés, que les deux factions considèrent comme des intermédiaires neutres et honnêtes, pour aider à trouver une solution par la médiation. Les Européens devraient essayer de compartimenter les relations entre l’Algérie et le Maroc en les éloignant de questions plus importantes et plus complexes telles que les accords d’Abraham ou le Sahara occidental. Le récent changement de politique de l’Espagne, qui a soutenu la position du Maroc, démontre les pièges d’une neutralité soigneusement gardée. En suivant le droit international établi, les positions consensuelles et l’envoyé spécial de l’ONU, les Européens peuvent essayer de se dépolitiser sur la question du Sahara occidental et initier plutôt un processus de médiation informel entre Rabat et Alger, axé sur l’identification de lignes rouges militaires pour arrêter l’escalade actuelle, suivi d’une série de processus de renforcement de la confiance. 

En outre, les capitales européennes devraient commencer à développer des politiques sur l’Algérie et le Maroc qui soient spécifiques à chaque pays et qui répondent aux intérêts respectifs d’Alger et de Rabat, plutôt que d’essayer d’équilibrer les déclarations par crainte de la réponse de l’un ou de l’autre. L’Algérie se sent isolée et pense que les Européens traitent Rabat avec douceur malgré ses actes d’agression tels que le scandale Pegasus et la poussée des migrants vers l’Espagne. Les dirigeants européens doivent agir selon des règles objectives et prévisibles s’ils veulent être perçus comme des intermédiaires équitables entre les deux parties ou comme une puissance neutre dans la région. L’UE sera alors en mesure de mettre en place un réseau de pression, en collaboration avec d’autres organismes multilatéraux tels que l’Union Africaine et la Ligue arabe, afin de faire avancer un programme de réconciliation réalisable. 

Conclusion 

La guerre de la Russie contre l’Ukraine est un signal d’alarme pour les Européens, qui doivent revoir leurs politiques à l’égard de leur voisinage méridional et accroître leur influence pour construire des partenariats plus efficaces avec les puissances régionales. Ces partenariats peuvent agir comme des catalyseurs et aider les pays européens à protéger leurs principaux intérêts sécuritaires, économiques, géopolitiques et énergétiques. L’Algérie d’aujourd’hui offre à l’Europe l’occasion idéale de créer un partenariat de ce genre en s’appuyant sur des intérêts économiques et de politique étrangère communs. La dynamique entourant les prochaines élections présidentielles algériennes de 2024, qui pousse les décideurs politiques à mettre en avant leurs succès en répondant aux problèmes socio-économiques et de politique étrangère, est particulièrement propice à la mise en place de cette coopération. 

Bien que le scepticisme et les identités sociopolitiques différentes puissent ralentir les progrès entre l’Europe et l’Algérie, ils devraient être considérés comme des difficultés croissantes plutôt que comme un obstacle significatif. Des dossiers tels que l’énergie, l’économie, la sécurité et la politique étrangère ouvrent des voies pour consolider les relations et acquérir une influence durable dans toute l’Afrique du Nord. L’UE peut contribuer à consolider et à catalyser ce processus au moyen de cadres existants, tels que le Pacte vert et la stratégie Global Gateway, afin de renforcer les liens au-delà des accords énergétiques, vers les énergies renouvelables et les entreprises industrielles. Outre les relations économiques, l’histoire et les intérêts communs de l’Europe pourraient ouvrir la voie à un dialogue sécuritaire progressif sur la stabilité en Afrique du Nord et au Sahel. Les États membres de l’UE devront faire preuve de souplesse, de fermeté et de prévoyance pour faire face au désordre mondial et à la concurrence continue et multiforme avec la Russie. 

À propos de l’auteur 

Zine Labidine Ghebouli est chercheur invité dans le cadre du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord du Conseil européen pour les relations internationales. Il est consultant et spécialiste de la coopération euro-méditerranéenne et de la politique algérienne, notamment en tant que chercheur non-résident du groupe de réflexion Arab Reform Initiative. Auparavant, il a travaillé pour le Middle East Institute et l’Asfari Institute for Civil Society and Citizenship

Remerciements 

L’auteur souhaite remercier ses collègues de l’ECFR, Tarek Megerisi et Julien Barnes-Dacey, pour leur soutien constant et leurs commentaires perspicaces, sans oublier Flora Bell pour sa révision consciencieuse et ses suggestions. Enfin, ce document a pu être réalisé grâce à la précieuse contribution d’experts et de fonctionnaires qui ont généreusement donné de leur temps. 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.