La crise de solidarité européenne en matière de migrations

L’approche de l’Union européenne en matière de migration a créé une crise de la solidarité, affirme Shoshana Fine dans une nouvelle publication

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Introduction

L'approche de l'Union européenne (UE) en matière de migration a créé une crise de la solidarité, affirme Shoshana Fine dans une nouvelle publication. En l'état actuel des choses, le bloc ne dispose pas d’un système permettant aux Etats membres de se partager équitablement la responsabilité de l'accueil des migrants. En conséquence, ils continuent à se disputer entre eux pour savoir à qui revient d’accueillir les demandeurs d'asile et personnes déplacées qui arrivent sur les côtes européennes. Ces différends sont au cœur de l'incapacité actuelle des États membres à se mettre d'accord sur la réforme du règlement de Dublin.

L'approche de l’Union sur la migration va saper la cohésion européenne sur d’autres sujets aussi. Approuver des politiques migratoires nationales qui tombent dans une zone grise du droit international aidera probablement à créer une culture dans laquelle les États se sentent autorisés à trier sélectivement leurs engagements internationaux. Cette culture pourrait s'étendre à des efforts européens plus larges de coopération avec les pays d'Afrique du Nord, affectant une priorité essentielle définie dans l’Instrument européen de voisinage et de partenariat en Afrique du Nord : la promotion de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'homme.

En outre, rien n’indique que l'approche actuelle de l'Europe en matière de migration ait contribué à endiguer le populisme sur le continent. Le nombre de migrants arrivant en Europe a diminué, mais l'inquiétude sur le sujet dans l'opinion publique reste relativement élevée. Pour trouver une voie d'avenir tenable sur le long terme, les décideurs politiques européens devraient se concentrer moins sur la réduction du nombre de migrants arrivant en Europe que sur la démystification du récit d’une « invasion », qui s'est installé chez de nombreux électeurs. 

Dans ce contexte, les Etats membres de l'UE peuvent renforcer la solidarité européenne et créer des politiques migratoires plus efficaces de plusieurs manières. Les Etats européens devraient donc :

  • Renforcer les capacités européennes de recherche et de sauvetage en créant une Mare Nostrum européenne permanente, conformément à l'appel d'Ursula von der Leyen pour « une nouvelle approche plus durable, fiable et permanente de la recherche et du sauvetage, en remplacement des solutions ad hoc existantes ».
  • Explorer la possibilité de créer une zone européenne de recherche et de sauvetage à travers la Méditerranée, afin de renforcer la coordination et la responsabilité européennes dans ce domaine. Les activités de recherche et de sauvetage peuvent s’européaniser, comme cela a été le cas du contrôle aux frontières au cours de la dernière décennie. 
  • Mettre en place un mécanisme temporaire permettant aux pays méditerranéens de partager la responsabilité du débarquement de manière planifiée et systématique. Cela devrait s'accompagner d'une réinstallation planifiée et rapide des migrants débarqués dans les Etats membres, quelle que soit leur nationalité. La participation à ce mécanisme devrait être volontaire.
  • Renforcer les mécanismes d'accueil et de traitement des demandes d'asile dans les points d'entrée, afin de garantir que les États membres remplissent leurs obligations de protection des demandeurs d'asile et des réfugiés en vertu du droit européen et international.
  • Explorer comment l'UE peut utiliser davantage l'Observatoire des migrations de l'Université d'Oxford pour informer le public sur les questions migratoires ; remettre en question les mythes existant sur les migrations, répondre aux craintes présentes dans l’opinion publique ; et élaborer des politiques publiques. 

Ces mesures sont nécessaires mais ne sont pas suffisantes en soi. Dans leurs relations avec les pays d'Afrique du Nord, les Etats membres de l'UE devraient :

  • S'engager à accroître de manière significative la réinstallation et à accélérer le traitement des demandes de migration et d'asile dans les pays d'accueil.
  • S'engager à « assurer la protection des droits de l'homme des migrants est au cœur de la politique migratoire de l'UE… avec les autorités libyennes » et à ne pas renvoyer les migrants en Libye.
  • S'abstenir de soutenir le retour des migrants et des réfugiés dans des lieux dangereux, que ce soit directement ou indirectement (à travers le financement, l'échange de renseignements ou la fourniture de matériel). 
  • Mettre en place des opérations de recherche et sauvetage européennes dans la zone précédemment couverte par la mission italienne Mare Nostrum. 
  • Fournir davantage de ressources contribuant au développement d'un cadre juridique et institutionnel de protection durable et complet pour les demandeurs d'asile et les réfugiés au Maroc et en Tunisie.
  • Soutenir la mise en œuvre des lois nationales en matière d'asile, en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Pour promouvoir la coopération, ces efforts devraient s'accompagner d'un engagement de la Commission européenne et des États membres à exclure la notion de « pays tiers sûr » dans la gouvernance de l'asile.

-FIN-

Presse : 

Pour les demandes d'interviews, veuillez contacter la directrice des communications de l'ECFR, Andreas Bock : [email protected] T: +49 (0) 30 3250510-27 M: +49 (0) 179 2535 900, ainsi que l’équipe de communication de l'ECFR : [email protected].

A propos de l'autrice :

Shoshana Fine est chercheuse invitée du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient de l’ECFR. Ses travaux portent sur les politiques de l'UE en matière de réfugiés et de migrations, en particulier sur la l’externalisation des frontières européennes.

A propos de l'ECFR :

L’ECFR est le premier centre de recherche et d’influence (think-tank) paneuropéen l'objectif est de promouvoir à travers l’Europe le développement d’une politique étrangère européenne intégrée, cohérente et efficace. Avec un réseau de bureaux dans sept capitales européennes, plus de 60 personnes originaires de plus de 25 pays différents et une équipe de chercheurs associés dans les 28 États membres de l'UE, l’ECFR est idéalement placé pour fournir des perspectives paneuropéennes sur les principaux défis et choix stratégiques auxquels les Européens sont aujourd'hui confrontés. L’ECFR est un organisme indépendant et financé par diverses sources. Pour plus de détails, veuillez visiter le site : www.ecfr.eu. 

L’ECFR ne prend pas de positions collectives. Ce rapport, comme toutes les publications de l’ECFR, ne représente que le point de vue de ses auteurs. 

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