Comment l’UE peut devenir une actrice d’envergure mondiale dans le domaine technologique

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  • Les luttes dans l’espace numérique sont maintenant au cœur des luttes de puissances. L’Union européenne (UE) ne peut pas rester sur le banc de touche.
  • Pour devenir une actrice géopolitique, l’UE doit apprendre les règles du jeu politique-technologique et doit adopter une stratégie diplomatique numérique ambitieuse.
  • Une stratégie diplomatique numérique permettra à l’UE de mieux défendre ses valeurs, d’améliorer sa sécurité et de favoriser les marchés numériques en Europe et dans le monde.
  • Pour contrer les influences russes et chinoises dans le domaine technologique, l’UE doit créer des alliances numériques avec des pays partageant les mêmes valeurs. L’UE doit chercher une plus grande convergence avec les Etats-Unis et d’autres alliés occidentaux et offrir au Sud une alternative attractive pour son développement numérique.
  • Pour que le Service européen pour l’action extérieure et la Commission européenne y parviennent, le soutien des institutions de l’UE, des Etats membres et d’une variété de partie-prenantes privées est essentiel.

Les principales puissances d’aujourd’hui mettent en place  des politiques technologiques mondiales.

  • La Chine plonge certains pays dans des dépendances technologiques, contrôle les contenus auxquels ses citoyens accèdent, se livre à des cyber-attaques et du cyber-espionnage, et déploie stratégiquement les technologies 5G pour contrôler les réseaux de télécom étrangers.
  • La Russie, de la même façon, utilise les médias de masse et les réseaux sociaux pour protéger ses intérêts, contrôler les contenus auquel sa population a accès, et nuire aux démocraties dans le monde.  
  • Et pendant que les Etats-Unis essayent de contrebalancer l’influence sino-russe, utilisant des intelligences artificielles militaires de pointe, l’UE est loin derrière ses rivaux en termes de sophistication, de stratégie, de ressources, et de vision.

Il est devenu encore plus urgent pour l’Europe de rattraper son retard depuis le début de la guerre en Ukraine. En accélérant des tendances et en accentuant des défis préexistants, les technologies sont véritablement devenues un champ de bataille international clé.  

Jusqu’ici, l’UE a commencé à promouvoir des partenariats numériques avec des pays partageant ses valeurs, en créant la « Global Gateway » pour répondre à la « Route de la soie numérique » de la Chine, et a plus récemment mis en place des sanctions technologiques contre la Russie. Mais si l’UE souhaite être une véritable puissance, elle doit commencer à jouer un rôle dans le jeu technologique mondial, avec une stratégie numérique intégrée qui puisse à la fois coopérer et être en concurrence avec la Chine, la Russie et les Etats-Unis.

Dans un nouveau rapport de l’ECFR, « Comment l’UE peut devenir une actrice d’envergure mondiale dans le domaine technologique », Julian Ringhof et José Ignacio Torreblanca étudient une possible stratégie diplomatique numérique pour l’UE. En prenant en compte divers aspects du numérique, ce rapport vise à aider l’UE à combler son actuel retard et à s’établir comme actrice technologique internationale pleinement engagée et capable. 

Les auteurs soulignent la vision et les objectifs derrière une telle stratégie, les précédents écueils de l’UE, les initiatives politiques d’ores-et-déjà en place, et les potentielles opportunités contenues dans les différentes dimensions de la diplomatique numérique, notamment les valeurs, la sécurité et les marchés. En tenant compte des réalités géopolitiques et sécuritaires contemporaines, le rapport propose de nombreux outils qui pourraient servir pour une diplomatie numérique, afin de mettre l’UE à niveau dans un ordre technologique sécuritaire avancé.  

Principales recommandations d’outils pour une diplomatie numérique pour l’UE: 

  • Créer un fonds de protection de la démocratie dans le monde. Cette initiative et ce fonds financier seront destinés à protéger les élections démocratiques dans le monde contre les opérations d’influence et les cyber-attaques.
  • Créer un fonds pour faciliter la convergence règlementaire internationale sur les droits numériques. Cela permettrait de financer la mise en place de standards pour la protection des données privées, de sécuriser les communications en ligne, de garantir l’éthique dans l’utilisation de l’intelligence artificielle par les organisations de la société civile, les agences indépendantes, les comités sur les droits numériques et les missions de recherche.
  • Etablir une alliance internationale pour une gouvernance technologique démocratique et éthique. Des sommets internationaux sur des standards technologiques éthiques, sûrs et inclusifs permettent de structurer la coopération et les dialogues politiques, d’empouvoirer les délégations du Service européen pour l’action extérieure pour coordonner des actions concertées, et de faciliter la mise en place d’un conseil des technologies démocratiques au sein des organisations multilatérales.
  • Mettre en place un fonds de cybersécurité au sein du réseau européen de cyberdiplomatie. Aider les pays partenaires à protéger leurs infrastructures clés, ainsi que les entreprises et les administrations publiques à travers le Centre de situation et du renseignement de l’UE permettra l’adoption de mécanismes d’alerte rapide, et un entraînement suffisant pour gérer les cyber-attaques à échelle mondiale.
  • Surveiller les investissements étrangers et mieux évaluer les risques associés avec les nouvelles technologies. Cette initiative technologique sûre permettra de réguler les risques sécuritaires et géopolitiques, de développer des stratégies pour contrebalancer les dépendances technologiques et de mettre à jour les accords internationaux sur le contrôle des échanges à double usage.
  • S’assurer une réelle mise en place des sanctions technologiques via une coopération internationale structurée pour leur déploiement, y compris pour les sanctions secondaires ou extraterritoriales.
  • Améliorer l’initiative « Global Gateway ». Une convergence conditionnelle des règles et des standards, en lien avec la société civile, permettra de garder les marchés du numérique ouverts, sûrs et inclusifs, en comblant les déficits de connectivité entre les pays et en rapprochant de l’UE les pays vulnérables aux influences chinoise et russe. 
  • Utiliser le Conseil du commerce et des technologies pour améliorer les relations transatlantiques. A la lumière de la guerre en Ukraine et du renforcement de l’alliance sino-russe, le Conseil du commerce et des technologiespourrait permettre d’améliorer les relations entre l’UE et les Etats-Unis et de rendre leurs régulations technologiques individuelles plus compatibles.

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