La rivalité entre la Turquie et les Emirats arabes unis et la refonte du Moyen-Orient

Abu Dhabi’s Crown Prince Sheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan is welcomed by Recep Tayyip Erdogan as he arrives for a meeting in Ankara in 2012
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Résumé

  • Depuis une dizaine d’années, la Turquie et les Émirats arabes unis sont engagés dans une querelle qui rebat les cartes de l’ordre géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
  • Chacun considère l’autre comme un adversaire existentiel et tous deux se livrent à une série de guerres par procuration entre la Corne de l’Afrique et la Méditerranée orientale.
  • Cette rivalité se déroule également dans les couloirs de Washington et de Bruxelles, dans le discours médiatique mondial, dans le secteur de l’énergie et, dernièrement, dans les ports et en haute mer.
  • L’Europe devrait éviter de se laisser entraîner dans cette lutte de pouvoir pour redéfinir le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
  • Au lieu d’utiliser les Émirats arabes unis pour manifester son hostilité à la Turquie ou inversement, l’Europe devrait élaborer sa propre stratégie face à cette rivalité.
  • L’Europe devrait mettre en place un mécanisme de déconfliction de l’OTAN, mettre à exécution le processus politique en Libye et concevoir un nouveau cadre constructif afin d’isoler les relations entre l’UE et la Turquie de cette rivalité.

Introduction

En dépit de leur asymétrie en superficie, population et prouesses militaires, la Turquie et les Émirats arabes unis sont engagés dans une querelle vieille de dix ans qui rebat les cartes de l’ordre géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cette confrontation n’alimente pas seulement l’instabilité dans des régions qui ont un impact immédiat sur les intérêts européens, comme la Libye et la Corne de l’Afrique, mais s’infiltre également en Europe même, en Méditerranée orientale. Cette rivalité intensifie les divisions européennes et de ce fait il est encore plus difficile pour l’Union européenne et ses États membres d’élaborer une politique homogène au sujet de la Méditerranée.

Aussi bien la Turquie que les Émirats arabes unis sont très désireux de mettre en avant des thèses contradictoires sur le caractère prétendument idéologique du conflit, et de trouver diverses plateformes sur lesquelles présenter leurs visions divergentes au sujet de la région. Toutefois ces efforts masquent la véritable nature du conflit. Même si les deux pays ont été dans des camps opposés dans pratiquement chaque conflit régional depuis 2011, on peut se demander dans quelle mesure l’idéologie – « modérée contre islamiste » pour Abou Dhabi, et « démocratie pluraliste contre monarchie autoritaire » pour Ankara – façonne leur rivalité. Ce conflit est compliqué mais, fondamentalement, comprend essentiellement une lutte pour une consolidation du régime interne et une influence régionale.

Par le passé, la Turquie s’est révélée proche des partis des Frères musulmans. Or depuis l’échec des « Printemps arabes » de 2011 – et notamment depuis 2016 – Ankara a suivi une ligne de conduite nationaliste revancharde dans sa politique étrangère. Cette politique visait largement à renforcer le soutien intérieur du Président Recep Tayyip Erdogan, mais elle a été également marquée par un fort désir de leadership régional. Il ne s’agit pas de la propagation de l’islam politique en soi. Pendant ce temps, Abou Dhabi s’est présenté comme le porte-flambeau de la modération contre les forces islamistes. Cependant, cette stratégie vise à contenir et à affronter une Turquie sûre d’elle qu’ils considèrent comme une menace pour son influence dans la région.

La Turquie et les Émirats arabes unis se sont engagés dans une série de conflits politico-militaires par procuration entre la Corne de l’Afrique et la Méditerranée orientale. Plus largement, leur rivalité se déroule également dans les couloirs de Washington et de Bruxelles, dans le discours médiatique mondial, dans le secteur de l’énergie et, dernièrement, dans les ports et en haute mer.

Paradoxalement, les dirigeants turcs et émiratis ont bénéficié de cette confrontation sur le plan politique, en l’utilisant pour conforter leurs positions intérieures et internationales. Pour les Émirats arabes unis, contrer la Turquie a ouvert la porte à de nouvelles alliances avec des acteurs occidentaux, notamment des pays européens comme la France et la Grèce, et a renforcé sa position à Washington. Pour Ankara, sa description des Émirats arabes unis comme étant résolus à déstabiliser Erdogan, a alimenté la thèse officielle selon laquelle des forces extérieures essayent de saboter une Turquie en plein essor – thème clé des dirigeants turcs lorsqu’ils expliquent leurs objectifs de politique étrangère aux électeurs.

Quel que soit son caractère idéologique, la querelle ancestrale entre Turcs et Émiratis a été préjudiciable à l’Europe – en exacerbant l’instabilité régionale et en divisant l’UE lorsqu’elle tente de se repositionner dans un Moyen-Orient en pleine évolution. Par exemple, le conflit libyen a permis de rapprocher la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis de la frontière sud de l’Europe. Comme les deux pays ont alimenté la guerre libyenne, la France appuyait les forces soutenues par les Émiratis du général Khalifa Haftar et l’Italie s’était alignée sur la Turquie en soutenant le gouvernement el-Sarraj (ou gouvernement d’union nationale). De même, en apportant un solide soutien politique et militaire à Chypre et à la Grèce dans leur querelle avec la Turquie au sujet des frontières maritimes en Méditerranée orientale, les Émirats arabes unis ont attisé une situation déjà explosive et exploité l’hostilité entre Paris et Ankara – rendant pratiquement impossible pour l’UE l’élaboration d’une politique commune face à la position déterminée de la Turquie. Ces dynamiques conflictuelles ont également touché l’OTAN : le veto de la Turquie a empêché l’Alliance atlantique de coopérer davantage avec les Émirats arabes unis et, par conséquent, de renforcer son rôle dans le Golfe.[1]

Le présent article retrace les origines du conflit entre la Turquie et les Émirats arabes unis et explique comment l’UE peut éviter qu’il ne déstabilise la politique sécuritaire et étrangère européenne. Les Européens ne devraient pas se laisser entraîner dans le tourbillon de cette querelle régionale et devraient définir leurs intérêts communs. Jusqu’à présent, l’Europe n’a pas été en mesure de déterminer ou de protéger ces intérêts dans des conflits de voisinage qui ont fourni une tribune à la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis, tels que ceux de la Libye, de la Syrie et de la Méditerranée orientale. L’Europe devrait trouver des idées pour contenir et gérer les effets de contagion du conflit. Entretenir une relation relativement stable et constructive avec la Turquie est un impératif stratégique pour l’Europe, pour des raisons qui vont de la politique migratoire au commerce. Et les Émirats arabes unis devraient rester un acteur essentiel en Méditerranée et dans l’ensemble de la région – quelque chose qui implique un engagement au niveau européen. L’Europe devrait se tenir à égale distance des deux pays.

Un beau jour, la Turquie et les Émirats arabes unis décideront peut-être de poursuivre une politique de détente – ou au moins d’atténuer cette hostilité manifeste en vue de construire de nouvelles coalitions ou, dans le cas d’Ankara, de briser l’isolement régional. Mais l’Europe ne peut pas se permettre d’attendre que les deux pays se réconcilient avant de fixer son propre cap dans le voisinage. Elle devrait se préparer de manière proactive à cette rivalité constante.

Ce n’est pas dans l’intérêt de l’UE ou de ses États membres que le conflit s’intensifie au Moyen-Orient et dans leur sphère d’influence. Les Européens ne seront peut-être pas capables de résoudre le conflit turco-émirati mais ils peuvent trouver des moyens d’atténuer, de gérer et de contenir cette rivalité et ses répercussions – en évitant ainsi que les différends entre l’UE et la Turquie soient mis sur le même plan, et accentués par cette rivalité qui existe dans la région.

Les visions divergent pour la région après les soulèvements arabes

Les origines du conflit remontent aux « Printemps arabes » de 2011 – qui furent pour Ankara l’occasion non seulement d’ébranler l’ancienne structure du pouvoir dans la région mais également d’étendre sa propre influence. Pendant que des gouvernements amis entraient en fonction au Yémen, en Tunisie et en Égypte, le Parti de la justice et du développement de mouvance islamiste d’Erdogan (AKP) – qui est favorable aux Frères musulmans – espérait que le nouvel ordre régional allait remodeler le monde arabe à l’aune de l’AKP, en inaugurant une ère de gouvernements sunnites élus alliés à la Turquie à la place des élites ou monarchies laïques.

Dès 2011, les élites de l’AKP avaient commencé à exprimer des sentiments néo-ottomans et voulaient que la Turquie joue un plus grand rôle sur la scène mondiale. Ils considéraient que la doctrine du ministre des Affaires étrangères d’alors Ahmet Davutoglu de « zéro problème avec les voisins » et son souhait d’étendre le soft power (pouvoir d’influence) de la Turquie au Moyen-Orient étaient les meilleurs instruments pour aider la Turquie à devenir une locomotive géopolitique. Un ancien ambassadeur turc a décrit comment en 2012 Erdogan « croyait que toute la région allait bientôt tomber sous l’influence de la Turquie, à l’exception d’Israël ».[2] Durant les soulèvements arabes, Ankara a noué des liens politiques étroits avec le gouvernement dirigé par les Frères musulmans de Muhammad Morsi en Égypte et le gouvernement d’Ennahdha en Tunisie, en les soutenant publiquement. En 2011, Erdogan adopte une position ferme en faveur du changement de régime en Syrie, et Ankara pèse de tout son poids derrière les groupes d’opposition dans la guerre qui ravage ce pays.

Tout cela annonçait un danger pour plusieurs monarchies du Golfe. Elles connurent une opposition interne limitée mais ont vu la vague révolutionnaire de la région comme un défi potentiel lancé à l’équilibre autoritaire de leurs propres sociétés. Dans les Émirats arabes unis, la forme très limitée de contestation qui a émergé durant les soulèvements arabes était liée au chapitre local des Frères musulmans, Islah.

Dans ce contexte, les Émirats arabes unis ont fait l’évaluation stratégique que l’ordre régional était en train d’être redessiné, que les États-Unis et l’Europe étaient réticents à en prendre la direction et que, comme l’analyste des Émirats arabes unis Mohammed Baharoon l’explique, « l’ordre mondial unipolaire allait être remplacé par un ordre mondial de réseaux, où les acteurs régionaux pourraient devenir des catalyseurs ». (Ce concept fait référence à un ordre géopolitique dans lequel de grandes puissances comptent et s’appuient sur des alliés régionaux interposés pour avoir accès aux réseaux politiques et économiques et les influencer.)[3] Abou Dhabi a considéré avec inquiétude qu’Ankara était dans une position forte pour agir comme un de ces catalyseurs. Le seul pays de la région qui était gouverné avec succès par un parti islamiste, la Turquie, était le leader naturel des mouvements dissidents islamistes qui ont émergé à la suite des soulèvements.

De plus, Ankara pouvait unir ses efforts à un riche partenaire, le Qatar – qui, contrairement aux autres monarchies du Golfe, voyait les mouvements islamistes comme un moyen de renforcer son influence en Égypte, en Libye, en Syrie et au-delà. Les Émiratis craignaient qu’Ankara et Doha ne se positionnent eux-mêmes au cœur d’un réseau islamiste à l’échelle régionale, et que les Émirats arabes unis soient coincés. Dès 2020, la Turquie est apparue comme un rival plus important que les autres acteurs de la région – tels que l’Iran, que les Émirats arabes unis considéraient comme affaibli à la fois par la covid-19 et par les sanctions prises sous le gouvernement de Trump lors de la campagne « pression maximum ».

Ces dernières années, aux Émirats arabes unis, tant le discours public que celui des media a adopté un ton belliciste anti-Turquie, initiative menée par des Émiratis très médiatisés et influents. En 2017, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdullah bin Zayed Al Nahyan a partagé un tweet qui accusait les troupes turques d’avoir pillé la ville sainte de Médine il y un siècle, causant ainsi un incident diplomatique avec Ankara. En 2020, le ministre émirati alors chargé des Affaires étrangères, Anwar Gargash, parlait de la nécessité d’affronter l’agenda expansionniste de la Turquie autant dans les media que dans les réunions diplomatiques. Dans un entretien avec le journal allemand Die Welt, il invitait l’Europe à suivre la France en prenant une position commune contre le projet idéologique islamiste d’Erdogan de « faire revivre leur empire ». La même année, l’ancien chef de la police de Dubaï, Dhahi Khalfan, appelait à boycotter la Turquie, en proclamant : « lorsque vous voyagez en Turquie aujourd’hui dirigée par Erdogan, vous voyagez dans un État répressif ».

Tandis que les Émirats arabes unis se présentaient comme une alternative modérée à la « Turquie islamiste » devant les publics nationaux et étrangers, Ankara décrivait les monarchies du Golfe comme une force déstabilisatrice dans la région – en vertu de ce qui caractérise leur gouvernance. « Nous avons des perspectives fondamentalement différentes des Émirats arabes unis », a déclaré un haut responsable turc.[4] « Ils aiment les dictatures militaires. Nous sommes différents. Même si notre démocratie n’est pas parfaite, nous sommes tout de même une démocratie. En étant ce que nous sommes, nous représentons déjà une menace. Il y a des élections et une opposition ainsi qu’un système pluraliste ici. Cela existe-t-il dans le Golfe ? »

Ces deux récits manquent de rigueur aux yeux des décideurs européens et américains, étant donné que la Turquie a rapidement défait des décennies de réformes libérales et que les monarchies du Golfe ne se sont guère affichées comme des parangons de liberté démocratique.

La chute de Morsi et le commencement de la discorde

Les véritables répercussions entre Ankara et Abou Dhabi ont commencé en 2013, lorsque l’armée égyptienne a destitué Morsi lors d’un coup militaire soutenu par les monarchies du Golfe et dirigé par le général Abdel-Fattah al-Sisi. Erdogan et d’autres leaders de l’AKP furent scandalisés par la suppression d’un gouvernement ami ; ils exprimèrent souvent leur ressentiment en public. Erdogan a popularisé ce sentiment en utilisant le signe de Rabia dans sa plateforme politique – en l’honneur des individus tués alors qu’ils protestaient contre le coup d’Etat place Rabia-El-Adaouïa au Caire.

La chute de Morsi a coïncidé avec Gezi, mouvement de protestation qui s’est généralisé en Turquie contre le gouvernement d’Erdogan. En exhibant le signe de Rabia en toute occasion, le leader turc consolidait sa base conservatrice contre les manifestants laïques de la rue – en établissant souvent des parallèles entre les détracteurs de Morsi et les manifestants turcs, tout en suggérant que les manifestations turques étaient pilotées par des forces extérieures essayant de renverser Erdogan. Les accusations selon lesquelles les opposants intérieurs sont les pions des puissances extérieures ont constitué la pierre angulaire du programme de politique intérieure d’Erdogan depuis 2013, en constituant le fondement de ses campagnes de réélection. Sa vive opposition à la junte égyptienne lui a permis de construire un récit dans lequel l’AKP était le gardien de la démocratie contre des forces anti-démocratiques à l’intérieur et à l’extérieur de la Turquie – la justification de sa répression contre les ennemis intérieurs.

Ironiquement, cela ressemblait fortement au récit et à la stratégie politique du leadership émirati, qui entre 2011 et 2013 utilisait les mêmes arguments pour justifier une répression draconienne à grande échelle à l’égard du petit mouvement d’opposition intérieure liée à Al-Islah. En établissant des liens entre les Frères musulmans égyptiens et Islah, les Émirats arabes unis justifiaient également leur soutien au coup d’Etat contre Morsi en Égypte en avançant qu’il s’agissait d’une question de sécurité nationale.

Les chefs de l’AKP croyaient que l’objectif du coup militaire en Égypte était en partie d’endiguer l’influence croissante de la Turquie dans la région, et que leur position renforçait la popularité de la Turquie et d’Erdogan dans la « rue arabe ». Ces deux points font partie des quelques points sur lesquels Ankara et Abou Dhabi étaient d’accord. Depuis 2013, les Émirats arabes unis avaient la mission de ne faire que cela. Ayant permis le succès de Sisi, Abou Dhabi a essayé de coopter le gouvernement tunisien, notamment ses éléments islamistes, dans l’espoir de le persuader de se maintenir à une saine distance d’Ankara.

La tentative de coup d’Etat de 2016 en Turquie

Si le coup militaire égyptien avait commencé à porter atteinte aux relations turco-émiraties, la tentative de coup d’Etat de juillet 2016 en Turquie fut le véritable point de rupture. Seulement deux semaines après que des éléments de l’armée turque tentent de renverser Erdogan, les hauts responsables turcs du renseignement déclarèrent que « le gouvernement des Émirats arabes unis avait collaboré avec des putschistes en Turquie avant le lancement de la tentative infructueuse, en utilisant le chef du Fatah en exil Mohammed Dahlan comme intermédiaire avec l’imam turc résidant aux Etats-Unis accusé par la Turquie d’avoir orchestré le complot ». Des histoires semblables sont relayées dans des organes de presse turcs. Officiellement, la Turquie a dirigé sa colère contre son allié de longue date, les Etats-Unis, pour avoir accueilli Fethullah Gülen, le présumé cerveau du coup d’Etat. Mais en privé, les dirigeants turcs affirmaient que les Émirats arabes unis avaient soutenu le putsch – alléguant que Gülen était en contact avec Dahlan, et en citant Sky News Arabia et Al Arabiya qui, le soir du coup d’Etat, annonçaient que le putsch avait réussi.

Pendant des mois, les commentateurs turcs pro-gouvernementaux menèrent une campagne suggérant que les Émirats arabes unis – et en particulier son leader de facto, le Prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed bin Zayed – était à la tête d’un projet régional contre la Turquie qui était derrière la tentative de coup d’Etat. En 2017, le ministre des Affaires étrangères de la Turquie, Mevlut Cavusoglu, a déclaré à un groupe de journalistes que les Émirats arabes unis avaient versé 3 milliards de dollars américains au mouvement Gülen pour le putsch – affirmation que Sabah, journal proche de la famille d’Erdogan, a également souligné. Depuis 2016, les officiels turcs ont continué à reprocher aux Émirats arabes unis d’avoir soutenu le mouvement Gülen en exil, de se livrer à un lobbying antiturc à Washington et de financer des publications qui critiquent le gouvernement turc, comme par exemple le site internet Ahval, qui est dirigé par des journalistes turcs exilés. En décembre 2019, peu de temps avant que la Turquie signe un traité de sécurité avec le gouvernement Fayez el-Sarraj et déploie des troupes en Libye, la Turquie délivrait un mandat d’arrêt à l’encontre de Dahlan, le décrivant comme un « pion régional des Émirats arabes unis » et l’accusant d’avoir « organisé la tentative de coup du 15 juillet avec la structure d’État parallèle/organisation terroriste Fethullah Gülen [FETO] ». En 2020, la Turquie publiait une notice rouge contre Dahlan via Interpol.

Ce positionnement a permis à Ankara de construire son récit selon lequel la tentative de coup ratée et l’isolement de la Turquie dans la région qui en a résulté étaient les produits d’une vaste conspiration mondiale contre Erdogan et ses alliés – et non le résultat de tensions intérieures ou de la dérive de la Turquie par rapport à l’Occident. Cette rhétorique du « siège » a également aidé Erdogan à considérer ses opposants intérieurs comme des intermédiaires des puissances extérieures. Dans un article intitulé le « US-UAE Plan », un éditorialiste dont le travail reflète souvent l’opinion de l’AKP a écrit que la tentative de coup d’Etat « n’était pas seulement un projet des Etats-Unis, d’Israël et des Européens qui donnent asile à des gülénistes, mais également des puissances régionales. Il y a des commanditaires et des États terroristes qui sont missionnés. La FETO était financée par des gülénistes ; ils étaient au centre de l’attaque, avec leurs tueurs à gage, leurs organisations terroristes et leurs accords secrets avec Dubaï. Ils sont toujours au centre des opérations contre la Turquie et les encouragent et les organisent. Tout comme Israël, tout comme les Etats-Unis, ils veulent régner en Turquie. »

Les chefs et cadres militaires turcs qui ont pris part au putsch avorté n’avaient pas vraiment besoin d’un État étranger pour organiser leurs opérations internes – et aucune procédure judiciaire ne prouve que les Émirats arabes unis ont joué un rôle direct. Mais le gouvernement d’Erdogan pense que la tentative de coup a été encouragée par une coterie de puissances extérieures. Ce qui est indéniable c’est que, dès 2016, Abou Dhabi considérait Erdogan comme son principal rival dans la lutte pour l’influence régionale et comme un personnage dangereux et imprévisible.[5]

Une rivalité grandissante

Avec l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis en novembre 2016, la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis s’est envenimée. Les deux factions se sont senties encouragées par ce qui ressemblait à un feu vert de la part de Trump et la fin de la pression américaine exercée sur les acteurs régionaux pour les inciter à trouver des solutions négociées aux différentes crises. Animée du désir de mettre fin aux « Guerres éternelles » de l’Amérique et de par son manque d’intérêt pour la diplomatie, la présidence Trump a indiqué de manières séparées aux Émirats arabes unis et à la Turquie qu’il y avait un vide régional à combler.

Cela a incité les Émirats arabes unis à entraîner l’Arabie Saoudite, Bahreïn et l’Égypte dans un embargo coordonné politique et économique contre le Qatar en juin 2017, dans le but de limiter la capacité de Doha à financer des politiques islamistes et l’aventurisme turc dans la région. Résultat, le Qatar a redirigé une partie de ses vastes ressources financières vers des questions de politique intérieure – entre 2017 et 2018, au moins. Or, dernièrement, la menace croissante émanant de ses voisins a beaucoup rapproché le Qatar de la Turquie et a transformé leur alliance diplomatique en un partenariat militaire. Ankara a élargi la capacité de sa base militaire à Doha et déployé plus de 5 000 soldats sur ce site, en assurant une couche vitale de dissuasion supplémentaire. De son côté, une fois remis du choc initial du boycott et de l’embargo, Doha a doublé la mise de son soutien financier à la Turquie, en apportant des milliards en conventions d’échange de devises et en prêts à l’investissement au pays à court d’argent entre 2018 et 2020.

Pendant ce temps, les Émirats arabes unis luttaient contre les Frères musulmans sur de nouveaux théâtres d’opérations. Par exemple, après avoir participé à la guerre menée par les Saoudiens contre les rebelles Houthis au Yémen depuis 2015, Abou Dhabi s’est employé à convaincre Riyad qu’il était nécessaire d‘affronter la branche yéménite Islah, dont les plus jeunes leaders ont noué des relations avec Ankara et Doha.

En Syrie, entre temps, Abou Dhabi prenait prudemment contact avec les Kurdes et encourageait une vive campagne contre les incursions successives de la Turquie dans le pays. Les Émirats arabes unis, rejoints par l’Arabie Saoudite, condamnèrent fortement les opérations militaires de la Turquie à Afrin en 2018 et dans le nord-est de la Syrie en 2019. Les Émiratis et les Saoudiens collaborèrent même avec les principaux rivaux de la Turquie dans le nord de la Syrie – les Unités de protection du peuple et les Forces démocratiques syriennes (dominées par les Kurdes) (FDS) – en proposant de prendre à leur charge l’aide à la stabilisation américaine pour les zones détenues par les FDS. En 2019, des rumeurs couraient selon lesquelles, peu de temps avant l’incursion turque dans le nord-est de la Syrie, le chef des FDS, Mazloum Kobane, s’était rendu à Abou Dhabi. Un diplomate turc de haut rang a déclaré que le soutien des Émiratis aux Kurdes syriens « n’atteignait pas un niveau qui nous posait un véritable problème mais que c’était pénible. Leur seule raison d’être en Syrie est de s’opposer à la Turquie. »[6]

En 2020, sous prétexte de diplomatie humanitaire liée au coronavirus, les Émirats arabes unis ont renoué avec le président syrien Bashar al-Assad, renforçant ainsi sa capacité à résister à l’influence croissante des Turcs dans le nord de la Syrie. Apparemment, les Émirats arabes unis encourageaient Assad à rompre la trêve arbitrée par les Russes à Idlib pour lutter contre les rebelles soutenus par les Turcs.

Depuis 2018, les Émirats arabes unis ont investi du temps et des ressources en cultivant des liens avec l’Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie pour réduire l’influence turque ou affronter les chefs soutenus par les Turcs là-bas, tels que le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed. Les Émirats arabes unis ont ramené le Soudan sous leur influence incontrôlée en tirant parti de la révolution de 2018 et de 2019 qui a mis fin au régime d’Omar al-Bashir, qui était proche de la Turquie et du Qatar. Le journal turc Yeni Safak, qui reflète souvent les points de vue d’Ankara, interprétait le coup soudanais comme un effort visant à réduire l’influence politique et économique de la Turquie au Soudan, et à installer une administration proche de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis.

La Libye et la Méditerranée orientale

Sur le vaste échiquier du conflit entre la Turquie et les Émirats arabes unis, ce sont la Libye et la Méditerranée orientale qui ont les répercussions les plus directes sur les intérêts et la politique européenne.

La Libye est devenue le champ de bataille clé de la guerre par procuration entre la Turquie et les Émirats arabes unis. Les Émiratis ont été actifs en Libye depuis le commencement de l’intervention de l’OTAN en 2011 dans le pays. En 2013, avec l’assentiment des Etats-Unis et en coordination avec la France et l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis se sont imposés en Libye, en fournissant un appui militaire à la campagne antiterroriste autoproclamée de Haftar. Cela lui a permis de conquérir l’est de la Libye et, finalement, de lancer une campagne militaire pour prendre la capitale de la Libye au gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU et dirigé par Fayez al-Sarraj. Cela a incité la Turquie et le Qatar à redoubler leur soutien au GNA, dans l’espoir d’empêcher l’établissement d’un autre régime soutenu par les Émirats arabes unis en Afrique du Nord (et, dans le cas de la Turquie, de réclamer certaines dettes de la Libye à des entreprises turques).

En avril 2019, les conseillers militaires turcs aident à repousser l’attaque de Haftar contre la capitale. En décembre de la même année, la Turquie signe un accord de compétence sécuritaire et maritime avec le GNA, avant de déployer des troupes turques en Libye. Pendant des mois, l’intervention de la Turquie change la dynamique du conflit, repoussant les forces de Haftar hors des villes clé de la Libye occidentale. En août 2020, suite à une attaque par un avion non identifié de la base aérienne d’Al-Watiya contrôlée par les Turcs en Libye, Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense, déclare à Al Jazeera que « les Émirats arabes unis soutiennent des organisations terroristes hostiles à la Turquie avec l’intention de nous faire du mal ». Il les menace de représailles.

Le conflit libyen a suscité la formation d’une ligne de bataille sur la frontière méridionale de l’Europe, la Turquie soutenant le GNA tandis que l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Russie et la France étaient du côté des forces de Haftar. Le conflit s’est propagé jusqu’en Méditerranée orientale en 2020, et s’est transformé en confrontation entre les pays européens et la Turquie au sujet des questions de souveraineté territoriale et de ressources énergétiques. Après la découverte de vastes gisements de gaz au large d’Israël, de Chypre et de l’Égypte, les acteurs de la Méditerranée orientale voulurent rapidement tirer profit de ces opportunités pour y avoir accès et effectuer des échanges commerciaux. En 2019, la Grèce, Israël et Chypre signaient un accord pour construire un gazoduc reliant les champs gaziers d’Israël (Léviathan) et de Chypre (Aphrodite) à l’Europe continentale. Le gazoduc traverserait la Grèce et, notamment, contournerait la Turquie. En janvier 2020, l’Égypte dirigeait la création du Forum du gaz de la Méditerranée orientale, organisation internationale qu’elle a présidée avec Chypre et la Grèce, avant d’être rejointe par Israël, la Palestine et l’Italie – les Émirats arabes unis devenant observateurs en 2021.

Le Forum du gaz de la Méditerranée orientale était particulièrement attrayant pour Abou Dhabi étant donné que, une fois le nouveau gazoduc construit, il pourrait concurrencer directement les exportations de gaz du Qatar en Europe, en fournissant une alternative moins chère et plus stable. Surtout, il empêcherait la Turquie de devenir un hub stratégique reliant l’Asie, la Méditerranée et l’Europe – et, par conséquent, un catalyseur d’énergie dans l’ordre mondial de réseaux. Le projet du gazoduc EastMed a également permis aux Émiratis de nouer des relations plus fortes avec les États membres de l’UE qui partagent les mêmes inquiétudes au sujet de la Turquie – Chypre, Grèce et France – et des acteurs méditerranéens tels qu’Israël. L’accord conclu en août 2020 entre les Émirats arabes unis et Israël en vue de normaliser les relations s’appuie dessus, en fournissant un moyen supplémentaire de se coordonner contrer la Turquie et d’autres rivaux.

La Turquie considérait le Forum du gaz de la Méditerranée orientale et le siège de Tripoli par Haftar comme faisant partie intégrante de la même politique – une initiative pour chasser la Turquie et ses alliés de la Méditerranée. La réponse ferme et inébranlable de la Turquie a pris la forme d’un soutien militaire au GNA et d’une posture affirmée et unilatérale en Méditerranée orientale.

Entre temps, l’évolution de la situation militaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord semblait confirmer les craintes d’Ankara au sujet de la formation d’un front anti-Turquie. Depuis 2017, les Émirats arabes unis ont participé à Iniohos,  des manœuvres militaires menées par la Grèce dans le Péloponnèse, aux côtés des Etats-Unis et d’Israël – et dernièrement de Chypre, de l’Italie et de l’Égypte. La Turquie a considéré cela comme un front commun destiné à confiner la Turquie sur ses propres côtes géopolitiquement et militairement. Les Émirats arabes unis ont envoyé des avions de combat F-16 en Grèce pour participer à l’exercice avec la Force aérienne grecque, tandis que la France envoyait des Rafale en Crète dans le même but. En 2020, les Émirats arabes unis, la France, Chypre, la Grèce, et l’Égypte renforcent leur coopération militaire en menant leur premier exercice aéronautique multinational conjoint. Surnommé « Méduse », cet exercice s’est déroulé à Alexandrie. Même si officiellement son objectif était de renforcer la coopération opérationnelle et la défense, cet exercice a donné aux participants l’occasion de montrer leur puissance militaire à la Turquie. Début 2021, Chypre et la Grèce signaient des accords de coopération en matière de défense avec les Émirats arabes unis.

En février 2021, la Grèce cherche à institutionnaliser cet alignement flexible contre la Turquie, en invitant les Émirats arabes unis, Chypre, l’Égypte, la France, Bahreïn et l’Arabie Saoudite à participer à un forum diplomatique à Athènes appelé « Philia » (amitié). Le communiqué final de la réunion fait état de la tentative des pays de mettre en place un front antiturc global concernant plusieurs crises impliquant la Turquie, notamment la question chypriote, la Syrie, la Libye et les litiges maritimes et autour du gaz en Méditerranée.

L’établissement d’un front antiturc en Méditerranée orientale a exacerbé les divisions internes de l’UE parce que les tentatives successives de la France, de la Grèce et de Chypre pour obtenir des mesures punitives contre la Turquie au Conseil européen se sont heurtées à la résistance d’États membres tels que l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, qui prônent une approche plus équilibrée à l’égard d’Ankara.

Géopolitique des espaces maritimes

La Méditerranée est censée rester un point de convergence de la confrontation géopolitique entre Ankara et Abou Dhabi, étant donné que le domaine maritime pourrait facilement devenir le prochain grand théâtre d’affrontements entre plusieurs parties. Lorsque la Turquie rééquilibre sa rhétorique géopolitique en s’éloignant de l’islamisme et se rapprochant de l’hyper-nationalisme, ses rivaux régionaux s’adaptent. Par exemple, le calcul stratégique et le discours des Émirats arabes unis tiennent compte régulièrement maintenant de la doctrine de « Mavi Vatan » (la Patrie bleue) de la Turquie – concept nationaliste où Ankara, entouré d’une alliance hostile, n’a d’autre option que de devenir une puissance maritime hégémonique.[7] Les Émirats arabes unis ont leur propre plan pour devenir un acteur maritime mondial.

Au cours de ces dernières décennies, le pays a énormément investi pour devenir un hub international de commerce et d’infrastructure maritime. Dubaï Port World (DP World) est désormais un leader mondial dans la gestion des ports et le développement des infrastructures. Même si c’est une entreprise privée installée à Dubaï motivée par des intérêts commerciaux, DP World a signé des contrats qui peuvent devenir des mécanismes de renforcement des liens politiques des Émirats arabes unis. Effectivement, DP World a souvent mené des opérations qui se recoupent avec la politique étrangère émiratie. Cette multinationale a maintenant un accès privilégié aux installations côtières du Yémen du sud, de l’Érythrée, de la Somalie, du Soudan, de l’Égypte, de la Libye, de Chypre et d’ailleurs. Dans la plupart de ces endroits, les Émirats arabes unis se sont ouvertement installés en tant qu’alternative à la Turquie. Au Soudan, Abou Dhabi a fait avorter les négociations entre Ankara et Khartoum pour développer et gérer le port de Suakin, sur la mer Rouge.

Les Émirats arabes unis pourraient renforcer la position de DP World en Méditerranée orientale au-delà du terminal chypriote de Limassol en obtenant un accès privilégié à davantage de ressources côtières locales. Cela permettrait à Abou Dhabi d’établir un « rang de perles » partant du port de Jebel Ali à Dubai jusqu’au cœur de l’Europe, en contournant la Turquie.

Pour un pays de cette taille, la Turquie a pris du retard par rapport à ses rivaux dans la course géopolitique des espaces maritimes – en partie parce que son secteur privé est indépendant et n’a pas été intégré dans les objectifs de la politique étrangère du gouvernement. Néanmoins, en 2019, la Turquie et l’Italie se sont mis d’accord pour former un réseau de transport qui « coupe transversalement la Méditerranée, en créant un arc de liens commerciaux allant du Maghreb à la mer Noire au sens large », comme l’expliquent les scientifiques politiques Dimitar Bechev et Michaël Tanchum. Cela a rapproché la Turquie et l’Italie dans le conflit libyen (suite à un investissement turc considérable dans le port de Taranto, à la pointe sud de l’Italie) et pourrait entraîner la création d’un couloir commercial majeur Turquie-Italie-Afrique et d’une nouvelle porte d’entrée vers l’Europe.

L’escalade de la rivalité turco-émiratie sur des questions maritimes pourrait exacerber la tension politique entre les parties en Méditerranée orientale. Elle pourrait renforcer l’idée selon laquelle le voisinage du sud de l’Europe est un théâtre où Ankara et Abou Dhabi peuvent se confronter, quel qu’en soit l’impact sur la stabilité.

La guerre d’influence mondiale

Étant donné que la concurrence entre la Turquie et les Émirats arabes unis s’est accentuée, les deux camps se sont ouvertement engagés dans une guerre de propagande. Ils se battent pour obtenir le soutien populaire des pays arabes et l’aval politique des acteurs internationaux. Les Émirats arabes unis sont largement gagnants dans cette lutte, grâce à l’efficacité de leur machine à relations publiques et à la colère internationale largement répandue envers la Turquie sur nombre de sujets. Comme des États membres de l’UE tels que la France, Chypre et la Grèce se sont sentis menacés par des actions unilatérales et la rhétorique belliqueuse de la Turquie, les efforts des Émirats arabes unis pour s’insérer dans un différend européen sont largement passés inaperçus.

Les Émirats arabes unis ont constamment stigmatisé les média qataris et turcs, comme Al Jazeera et la TRT (Radio-télévision de Turquie) respectivement, en tant qu’instruments de gouvernements autoritaires qui répandent la propagande islamiste afin d’endoctriner les masses arabes et déstabiliser les régimes en place. Selon Abou Dhabi, les différences entre les partis islamistes qui varient suivant un large spectre politique étaient vaines ou sans importance, et les groupes islamistes ou les partis politiques soutenus par la Turquie et le Qatar constituaient une menace existentielle à la stabilité de la région – même lorsqu’ils semblaient épouser la politique parlementaire. Ce message constant trouvait un écho favorable à Paris plus que dans toute autre capitale européenne.

Comme l’image de la Turquie se détériorait en raison de son recul démocratique, les efforts des Émirats arabes unis pour se donner une image de puissance moderne et de pionnier arabe de l’exploration de l’espace a fait des adeptes en Occident. Abou Dhabi annonçait dans sa campagne promouvoir la « tolérance » – plus précisément décrite comme un « pluralisme religieux » – en opposition directe à un front islamiste représentant une longue tradition d’obscurantisme religieux. En accueillant le Pape François et en construisant une synagogue monumentale en 2019, les Émirats arabes unis embrassaient le christianisme et le judaïsme avant d’embrasser Israël pour des raisons géopolitiques et géoéconomiques. Les Émiratis ont souvent comparé et opposé ces mouvements à une certaine rhétorique des Islamistes sur les non-musulmans, en l’utilisant comme l’un des principaux éléments de leur argumentation selon laquelle les Frères musulmans sont une « drogue introductive » au radicalisme d’Al-Qaeda et de l’organisation État islamique.

Les Émirats arabes unis ont promu ces mêmes messages pendant une décennie par le biais d’efforts de lobbying intenses en Europe et aux Etats-Unis. Depuis novembre 2019, les lobbys employés par les Émirats arabes unis ont incité les législateurs américains à approuver la loi « Protect Against Conflict by Turkey Act » adoptée par la Chambre – demandant des sanctions pénales contre le pays et Erdogan. Les Émirats arabes unis ont également fait pression sur les Etats-Unis afin de punir la Turquie d’avoir utilisé la loi « Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act » (pour lutter contre les adversaires des Etats-Unis par le biais de sanctions), en représailles de l’achat par Ankara du système de défense aérienne russe S-400. Le gouvernement Trump annonçait en décembre 2020 qu’il l’avait fait.

Pendant ce temps, en faisant pression sur l’UE et ses États membres pour lutter contre la Turquie, les Émirats arabes unis se sont concentrés sur un message anti-islamiste. Emmanuel Macron, le président français, en particulier, a accepté la version des Émirats arabes unis du schisme au sein du monde musulman, positionnant la Turquie comme une force qui prône des idées et des organisations anti-laïques en Europe. La France a noué des relations politiques et diplomatiques plus proches avec les Émirats arabes unis – souvent au détriment de celles nouées avec la Turquie. La France a également adopté une position similaire à l’égard des Émirats arabes unis en Libye et en Méditerranée orientale. En 2020, Erdogan et Macron ont eu plusieurs prises de bec diplomatiques qui ont dégénéré en un bras de fer naval entre les navires militaires turcs et français dans la Méditerranée.

« L’effet Biden » et l’avenir de la rivalité

L’arrivée d’un nouveau gouvernement à Washington va sans aucun doute adoucir la rivalité turco-émiratie. Effectivement, peu de temps avant l’investiture de Joe Biden, l’Arabie Saoudite et le Qatar normalisaient leurs relations, mettant fin à la crise de trois ans qui a rapproché encore plus l’État du Golfe de la Turquie. Cela a été suivi d’un dégel dans les relations entre l’Arabie Saoudite et la Turquie, premier dégel d’une rivalité qui avait provoqué une compétition géopolitique au Moyen-Orient pendant plusieurs années.

Or, jusqu’à présent, il n’y a eu aucune perspective véritable de réconciliation entre la Turquie et les Émirats arabes unis. La décision de l’Arabie Saoudite de rechercher une détente avec le Qatar ainsi qu’avec la Turquie n’a pas été bien reçue à Abou Dhabi, qui reste sceptique à l’égard des ambitions géopolitique d’Ankara et du président turc en particulier.[8] Abou Dhabi reconnaît que la détente est le moyen pour Riyad de mettre un terme à son isolement international et de viser l’aval de Biden, car il été critique à l’égard de l’Arabie Saoudite et de la conduite des relations américano-saoudiennes sous Trump. Les Émiratis craignent qu’Ankara et Doha fassent tout leur possible pour transformer cette détente en un dialogue géopolitique plus chaleureux, ce à quoi ils s’opposent fermement – particulièrement en ce qui concerne, par exemple, le soutien qatari-turc à l’Arabie Saoudite au Yémen, où les stratégies saoudienne et émiratie ne sont pas complètement sur la même ligne.

L’importance que Biden accorde à la diplomatie et sa réticence à soutenir sans équivoque les monarchies du Golfe dans leurs conflits au Moyen-Orient oblige d’ores et déjà les puissances régionales à ajuster leurs politiques. Selon un intellectuel émirati de renom : « le nom du jeu pour 2021 est désescalade ». Abou Dhabi s’efforce maintenant de conserver ses solides relations avec Washington, soucieux de rester un partenaire régional proche des Etats-Unis. Cela demandera aux Émirats arabes unis de prendre un peu de recul par rapport à leur assurance sur la ligne des conflits (comme en Libye et au Yémen), d’affiner leurs déclarations sur la modération et de muscler leurs qualifications comme médiateur, y compris en soutenant la diplomatie américaine avec l’Iran. Toutefois, on ne sait pas encore s’il s’agit d’une simple tactique provisoire.

Washington s’inquiète des répercussions de la rivalité turco-émiratie en Syrie, en Libye et en Méditerranée orientale mais n’a montré jusqu’à présent, aucun signe comme quoi elle envisagerait de jouer un rôle important dans ces régions. Pendant ce temps, ayant atteint nombre de ses objectifs en matière de politique étrangère en 2019 et 2020, la Turquie doit faire face à une pression internationale sur plusieurs fronts, notamment en Méditerranée orientale. Ankara voit d’un mauvais œil la ligne plus dure du gouvernement Biden en matière de droits humains et concernant son achat de S-400. Comme telle, la Turquie aimerait une remise des compteurs à zéro avec ses partenaires occidentaux, y compris avec les Etats-Unis. Cependant, même si la Turquie ainsi que les Émirats arabes unis veulent avoir de bonnes relations avec l’Ouest, aucun des deux ne semble impatient d’avoir de meilleures relations l’un avec l’autre.

Recommandations pour l’Europe

Malgré le climat d’apaisement qui règne actuellement dans le conflit turco-émirati, il y a de fortes chances que cet effet Biden se dissipe et que la rivalité finisse par se rallumer en Libye, en Syrie, en Méditerranée orientale et dans la Corne de l’Afrique. Il est important que l’Europe évite de se laisser entraîner dans la compétition ou en subisse des contrecoups. Les Européens ont échoué sur ces deux points ces dernières années, étant donné que des pays comme la France et Chypre ont constitué une alliance avec les Émirats arabes unis à partir d’un front antiturc. Cela a empoisonné la politique interne de l’UE, créé des divisions entre les États membres et entravé sa capacité à mettre au point des politiques cohérentes vis-à-vis de la Turquie.

Ce ne fut pas anodin lorsque, l’été dernier, les marines des alliés de l’OTAN, la France et la Turquie, se sont affrontées au sujet de leurs prétentions rivales en Méditerranée orientale. Cet incident, et le débat en cours sur la Turquie au sein du Conseil européen, montrent combien la rivalité turco-émiratie est néfaste aux intérêts de l’Europe. L’alignement européen avec les Émirats arabes unis a mis en exergue les tensions entre la France, la Grèce et Chypre d’une part, et la Turquie d’autre part. Elle a également compromis la capacité de l’UE à concevoir des moyens de dissuasion et de motivation pour Ankara – même s’il est généralement admis chez les responsables politiques européens que la Turquie est un partenaire essentiel pour l’Europe sur un grand nombre de questions, allant de la migration à la lutte antiterroriste.

Il n’est pas dans l’intérêt de l’Europe de se couper de la Turquie. C’est la raison pour laquelle, après maintes discussions entre les capitales européennes, les réunions successives du Conseil européen se sont traduites par de faibles avertissements à la Turquie – et non par des sanctions plus dures contre le pays pour la fermeté de son attitude sur le plan naval en Méditerranée ou la fin de son accord d’union douanière avec l’UE.

Si aucune mesure n’est prise, l’instabilité qui découle de la rivalité turco-émiratie pourrait engendrer une nouvelle escalade militaire en Libye, marginaliser la Turquie, et mettre à mal le deal sur la migration entre Ankara et l’UE. Par ailleurs, importer un conflit du Moyen-Orient dans l’espace européen affiche la faiblesse de l’UE à un moment où elle essaye de renforcer sa souveraineté stratégique.

Séparer les relations entre l’Europe et la Turquie de la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis

L’Europe devrait éviter de se laisser aspirer dans cette lutte pour redéfinir le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, et devrait être lucide quant à son incidence sur les intérêts stratégiques européens. Pour l’Europe, les Émirats arabes unis représentent un partenaire important dans la région du Golfe et un acteur essentiel dans les efforts du gouvernement Biden pour relancer la diplomatie régionale avec l’Iran. De même, en tant que membre de l’OTAN, la Turquie est un élément clé de la Communauté euro-atlantique et un « fournisseur de sécurité » pour les États membres de l’UE en Afghanistan, Irak, Syrie (à Idlib) et dans la mer Noire. La Turquie reste l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Europe et, compte tenu de son accord sur l’immigration de 2016 avec l’UE, elle joue un rôle fondamental dans le contrôle des flux migratoires vers le continent. Malgré les défis que posent les relations entre les différents camps, Ankara est liée à l’UE par le processus d’adhésion et le Conseil de l’Europe.

Pour toutes ces raisons, les Européens doivent rejeter l’influence toxique de la querelle turco-émiratie sur l‘élaboration de leur politique autonome à l’égard de la Turquie. En restant en dehors du conflit, les Européens peuvent limiter la probabilité de son intensification à la périphérie de l’UE mais ils devraient également mettre au point des mécanismes destinés à contenir ses répercussions.

Pour y arriver, il faudrait par exemple contester les thèses trompeuses et rivales de la Turquie et des Émirats arabes unis au sujet du rôle de l’islam dans la société. Une autre solution est de limiter le rôle de défense des Émirats arabes unis en Méditerranée orientale. L’Europe devrait garantir à Chypre et à la Grèce la protection de leur intégrité territoriale par les Européens – et non par les Émirats arabes unis, dont l’implication alimente l’agressivité turque. Il ne fait aucun doute que la Turquie a participé à des actes de déstabilisation à la périphérie de l’Europe. Or les Européens devraient répondre non pas en choisissant un camp mais en établissant leur propre dissuasion militaire crédible, et en intensifiant leur engagement diplomatique aussi bien avec la Turquie qu’avec les Émirats arabes unis.

La conduite de la France à l’égard de la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis est un exemple à ne pas suivre pour les responsables politiques européens. En traitant Abou Dhabi comme un partenaire utile pour contenir Ankara, Paris a incité le gouvernement turc à adopter une mentalité de siège en Libye, en Syrie et en Méditerranée orientale. Cela compromet les tentatives de l’Europe de nouer des relations constructives avec la Turquie. De même, Chypre et la Grèce ont été séduits par la perspective d’utiliser leurs relations bilatérales avec les Émirats arabes unis contre la Turquie tout en en sous-estimant peut-être les conséquences long-terme. Même s’il est important pour la Grèce et Chypre de conserver de bonnes relations avec une monarchie du Golfe riche et puissante, il n’est pas dans leur intérêt de provoquer l’hostilité de la Turquie – ou de l’éloigner de l’Europe – de peur que cela n’alimente le nationalisme turc. Des alliances militaires ou politiques avec les Émirats arabes unis ne sont pas la panacée aux problèmes avec la Turquie. Pour séparer l’Europe des querelles du Moyen-Orient, la France, Chypre et la Grèce doivent se tourner vers l’UE et trouver une solution européenne pour protéger leurs intérêts géopolitiques clé et répondre aux préoccupations de la Turquie.

Ne choisissez pas de camp en Libye

L’absence de diplomatie européenne sur la Libye pendant 2018 et 2019 a créé une vacance du pouvoir, permettant à la Turquie et aux Émirats arabes unis de s’installer dans le pays et de devenir les forces d’impulsions des parties adverses de la guerre civile qui s’y déroulait. L’Europe doit renforcer sa primauté en tant qu’acteur mondial en stabilisant la Libye. Le conflit libyen a été mené par des acteurs extérieurs, en particulier la Turquie et les Émirats arabes unis. Quant aux Européens, ils n’ont pas réussi à leur mettre la pression pour qu’ils arrêtent de régler leurs comptes à la porte de l’Europe. Les Européens ont été trop divisés pour rappeler à la Turquie et aux Émirats arabes unis leurs rôles respectifs dans ce conflit – a fortiori pour les bloquer par le biais d’un embargo neutre et exécutoire sur les armes.

Le Processus de Berlin et les pourparlers des Nations unies de 2020 qui sont nés de cette initiative ont été des démarches visant à corriger certaines des erreurs antérieures de l’Europe. Or les Européens doivent en faire davantage. Ils devraient envoyer un message fort tant à Ankara qu’à Abou Dhabi en expliquant que les événements en Libye ont une incidence sur les intérêts européens – et que le pays ne peut pas servir de base à une guerre par procuration et déstabilisante. Pour cela, il est crucial pour les Européens d’éviter directement de soutenir les forces soit de Haftar soit du GNA dans le conflit, et de prôner un processus politique inclusif sous l’égide des Nations unies qui ait une chance de créer un gouvernement représentatif, minimisant le conflit militaire et instaurant une paix durable.

Inviter la Turquie au Forum du gaz de la Méditerranée orientale

La Turquie a répondu à la formation du Forum du gaz de la Méditerranée orientale – qu’elle considère comme une menace directe à la présence turque en Méditerranée – de manière belliqueuse, en se déployant davantage en Libye et en montrant ses muscles dans la Méditerranée. En procédant ainsi, elle a rendu un futur gazoduc qui contourne la Turquie politiquement et militairement non viable. Les participants du forum doivent être pragmatiques. Cette organisation, où les Émirats arabes unis sont observateurs, détient les clés pour réduire les tensions en Méditerranée. En tant qu’importateur net d’énergie, la Turquie peut devenir un gros acheteur de gaz méditerranéen ou conclure des arrangements (condominium) avec d’autres acteurs pour ses entreprises d’exploration énergétique. Les Européens devraient soit inviter la Turquie à se joindre au Forum – en tant qu’observateur ou membre – soit créer un accord d’association suivant lequel le pays pourrait acheter du gaz à ses membres ou s’engager dans des co-entreprises.

Organiser une conférence méditerranéenne

Compte tenu du nouvel intérêt que la Turquie et les Émirats arabes unis portent au monde maritime, la Méditerranée restera un champ de bataille clé pour la compétition géopolitique entre les deux pays. Dans cet environnement, l’Europe a besoin d’établir son propre processus de déconfliction de la région et d’y minimiser les conséquences de la rivalité turco-émiratie. C’est dans l’intérêt à long terme de l’UE de créer ses propres mécanismes de désescalade.

Le Processus de Berlin sur la Libye est un bon exemple d’un processus de l’UE qui est arrivé à inclure des organisations multilatérales. Même s’il n’est pas parfait, ce processus a donné aux Européens un mécanisme leur permettant de coordonner la désescalade, en contribuant au cessez-le feu et à un processus politique redynamisé sous l’égide des Nations unies.

L’UE devrait organiser maintenant une conférence pan-méditerranéenne qui pourrait devenir un cadre multilatéral semblable au Processus de Berlin. Cette conférence discuterait des frontières maritimes et des ressources d’hydrocarbure. En incluant des participants des pays côtiers – y compris Chypre – et des représentants de la communauté chypriote turque, la conférence créerait un nouvel espace pour faciliter les négociations autour du règlement de la question chypriote. Cela pourrait également servir de plate-forme pour harmoniser la concurrence des hydrocarbures conformément aux normes du Pacte vert pour l’Europe – considération qui est absente de la lutte géopolitique actuelle. Ce genre d’initiative gagnerait probablement l’adhésion du gouvernement Biden et réduirait les divisions internes de l’Europe.

Déconfliction : utiliser la plate-forme de l’OTAN

L’OTAN est un instrument important et sous-estimé pour ses membres pour aider à contenir la rivalité entre la Turquie et les Émirats arabes unis. Ces derniers, surnommés « Petite Sparte » à cause de l’intérêt qu’ils manifestent pour les prouesses militaires, veulent développer leurs relations avec l’OTAN depuis longtemps. Le pays, membre de l’Initiative de coopération d’Istanbul de l’OTAN depuis 2004, fait partie des premiers membres de cette initiative à avoir signé un Programme de partenariat et de coopération individuel (en 2016) et était actif dans les missions dirigées par l’OTAN en Bosnie, en Libye et en Afghanistan. Le développement des relations des Émirats arabes unis avec l’OTAN s’est ralenti depuis 2016, en partie à cause du veto turc de cette organisation consensuelle. Comme un fonctionnaire de l’OTAN l’a récemment déclaré : « nous avons des problèmes avec les Émirats arabes unis parce que la Turquie a des problèmes avec les Émirats arabes unis. »[9]

Dans la perspective du désengagement américain au Moyen-Orient et de l’accent mis sur le multilatéralisme de la part du gouvernement Biden, l’OTAN risque de prendre un nouvel élan dans les années à venir – tout comme l’intérêt des Émirats arabes unis pour une coopération plus étroite avec l’organisation. Étant donné que l’OTAN est de plus en plus attentive aux questions de sécurité sur le flanc sud de l’Europe, les Européens ont une occasion de persuader les Émirats arabes unis et la Turquie d’établir une ligne dédiée à la déconfliction (deconfliction hotline) au sein de l’Alliance atlantique, ainsi qu’une plate-forme en vue de définir des protocoles militaires de déconfliction.

Conclusion

La rivalité turco-émiratie est un problème insoluble qui influe désormais sur la dynamique interne de l’Europe. Le conflit, qui relève davantage de la géopolitique que de l’idéologie, permet aux deux régimes d’étendre leur périmètre dans la région et de consolider leur soutien national. La Turquie et les Émirats arabes unis ont essayé de défendre leurs propres thèses dans les capitales européennes et à Washington, en mettant en exergue leurs prétendus forces et moyens de pression contre la partie adverse. En fait, tout deux visent à étendre leur influence sur les voisins de l’Europe d’une manière qui est fortement problématique pour les intérêts européens.

Au lieu d’utiliser un acteur pour lutter contre l’autre – en associant de ce fait la politique européenne aux conflits régionaux et à une rivalité à somme nulle – les Européens devraient mettre en place leur propre agenda et stratégie indépendante, et devrait veiller à gérer les effets déstabilisants de cette rivalité en Méditerranée. Si l’UE veut développer son autonomie stratégique chez ses voisins méridionaux, elle aura besoin de créer un mécanisme d’élimination des conflits propre à l’Europe en Méditerranée, poursuivre le Processus de Berlin en Libye et élaborer un nouveau cadre constructif pour ses relations avec la Turquie.

Remerciements

Les autricess tiennent à remercier l’équipe Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ECFR pour leurs encouragements collectifs quant à l’étude de la politique du Moyen-Orient et de l’Europe sous un autre angle. Elles sont particulièrement reconnaissantes à Julien Barnes-Dacey pour ses conseils tout au long du projet et à Ellie Geranmayeh pour ses commentaires relatifs à une version antérieure. Leurs remerciements s’adressent également à Tarek Megerisi pour son analyse lucide sur la Libye et à Kelly Petillo pour son soutien. Plusieurs diplomates anonymes, turcs, émiratis et occidentaux ont pris le temps de nous faire part de leurs réflexions et les autrices les remercient pour leur aide. Enfin, un énorme merci à notre éditeur, Chris Raggett, pour l’intérêt qu’il a manifesté à l’égard de notre rapport et pour l’avoir rendu plus lisible – et, espérons-le, plus agréable.

À propos des autrices

Asli Aydıntaşbaş est chercheuse au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au de l’ECFR, et une experte de la Turquie. Avant de rejoindre l’ECFR, Asli Aydintasbas a eu une longue carrière dans le journalisme : elle a notamment travaillé comme chroniqueuse pour les quotidiens turcs Cumhuriyet et Milliyet et a animé une émission de débats sur CNN Türk. Elle écrit dans les pages « Global Opinions » du Washington Post et a souvent contribué à des publications telles que le New York Times, Politico et le Wall Street Journal. La plupart de ses travaux portent sur l’interaction entre les dynamiques internes et externes de la Turquie. Asli Aydintasbas est diplômée de Bates College et de l’université de New York (maîtrise).

Cinzia Bianco est chercheuse invitée à l’ECFR, où elle travaille sur la politique, la sécurité et le développement économique dans le Golfe, ainsi que sur les relations entre cette région et l’Europe. Elle est titulaire d’une maîtrise en études sur le Moyen-Orient du King’s College de Londres et d’un doctorat en études sur le Golfe de l’Université d’Exeter. Entre 2013 et 2014, Cinzia Bianco a été chargée de recherche pour Sharaka, projet de la Commission européenne sur les relations entre l’UE et le CCG (Conseil de Coopération du Golfe). Elle a déjà publié pour l’ECFR : « Comment l’Europe peut inciter les monarchies du Golfe à œuvrer pour la paix avec l’Iran ».


[1] Entretien avec un représentant de l’OTAN, Bruxelles, 2019.

[2] Entretien avec un diplomate turc, Istanbul, 2017.

[3] Entretien avec Mohammed Baharoon, janvier 2021.

[4] Entretien avec un haut fonctionnaire turc, janvier 2021.

[5] Entretien avec un diplomate émirati, 20 janvier 2021.

[6] Entretien avec un diplomate turc de haut rang, janvier 2021.

[7] Entretien avec un haut fonctionnaire émirati, 25 janvier 2021.

[8] Entretien avec un diplomate saoudien, janvier 2021.

[9] Conversation avec un haut fonctionnaire de l’OTAN, 2021.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.