Les questions migratoires seront les priorités de l’agenda européen jusqu’en 2023

Selon les derniers résultats de l'enquête de l’ECFR « EU28 Survey », les professionnels des politiques de l'Union européenne (UE) accordent aux sujets internes à l'UE la priorité par rapport à la politique étrangère traditionnelle.

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Selon les derniers résultats de l'enquête de l’ECFR « EU28 Survey », les professionnels des politiques de l'Union européenne (UE) accordent aux sujets internes à l'UE la priorité par rapport à la politique étrangère traditionnelle.

Actuellement, pour Berlin, la question européenne cruciale est le flux de migrants vers l'Europe et ses conséquences. Le problème menace de briser à la fois l'UE et le gouvernement d'Angela Merkel. La présidente de la CDU, Angela Merkel, et le président du CSU, Horst Seehofer, ont été au moins deux fois en difficulté depuis le début de la crise des réfugiés, risquant à chaque fois l'éclatement du bloc historique de centre droit des partis démocrates-chrétiens ; et accélérant à chaque reprise la désintégration du centre politique dans un pays qui ne semblait pas affecté par cette tendance il y a un an. Pour plus de détails du dilemme allemand, voir l'analyse d'Almut Möller sur le système des partis allemands publié fin juin 2018.

La nouvelle l'enquête de l’ECFR « EU28 Survey », sur les opinions des professionnels de la politique européenne dans les 28 États membres de l'UE confirme l'importance du sujet migratoire. Mais, elle met également en lumière des différences significatives entre les États membres. Sans surprise, la question de la « politique commune d'immigration et d'asile » est dominante dans les pays les plus directement touchés par l’immigration. Cependant, cette question s'est classée au premier rang de la liste de priorités pour les cinq prochaines années dans tous les gouvernements des États membres de l'UE et groupes de réflexion européens.

«  EU28 Survey »

L'enquête EU28 est un sondage semestriel mené par l'ECFR dans les 28 États membres de l'Union européenne. L'étude examine les préférences et les attitudes de coopération des professionnels de la politique européenne travaillant dans les gouvernements, la sphère politique, les groupes de réflexion, les universités et les médias afin de fournir un aperçu du potentiel de coalitions entre les États membres de l'UE. L'édition 2018 de l'enquête EU28 s'est déroulée du 24 avril au 12 juin 2018. 548 participants ont répondu à la question abordée dans cet article. Les résultats complets de l'enquête, y compris les données et leur visualisation interactive, seront publiés en octobre 2018. Les résultats de l'édition précédente, tenue en 2016, sont disponibles sur https://ecfr.eu/eucoalitionexplorer. Le projet s'inscrit dans le cadre de l'initiative « Rethink Europe » de l’ECFR sur la cohésion et la coopération dans l'UE, financée par la Fondation Mercator.

 

En général, les professionnels de la politique de l'UE donnent la priorité aux sujets internes à l'Union par rapport aux sujets traditionnels de politique étrangère. Parmi les cinq principales questions présentées dans le tableau, seule la cinquième concerne véritablement politique étrangère. La politique d'immigration et d'asile est en tête avec 12,2% des voix, suivie par les questions liées à la zone euro et au marché unique en 2ème et 3ème places. En quatrième, se trouve un autre sujet lié à l’immigration : la question d'une police des frontières commune et de la garde côtière avec 10% des voix.

EU28 Survey - government priorities 2018-2023

Regroupant les quatre thèmes de l'immigration, de l'asile, de la sécurité aux frontières et de la coopération dans la justice et les affaires intérieures, cette section représente 30% ou plus de tous les votes dans 12 des 28 Etats membres, avec les chiffres les plus élevés en Autriche (47,9%), suivie par la Grèce, Malte et la Bulgarie. Sont aux alentours de 32% l’Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Suède, la République tchèque, la Croatie, la Slovénie et la Hongrie. Comme le montre la carte ci-dessous, la rive sud et le centre (géographique) sont les plus concernés par leur lien avec l’immigration. Pendant ce temps, l'Allemagne et la Suède, les deux pays avec le plus grand afflux de demandeurs d'asile et de réfugiés, sont au pied de cette liste avec environ 30% des voix.

EU28 Survey - migration nexus

Alors que les questions migratoires occupent une place importante, en général les sujets de politique étrangère ne sont pas prioritaires pour les experts et les professionnels de la politique européenne. Le nombre total de votes pour les dix questions de politique étrangère (sur un total de 18 questions, voir le diagramme ci-dessus) ne représente qu'un peu plus du tiers du total. Pour une analyse détaillée de la coopération de l'UE en matière de sécurité et de défense, voir l’étude de l'ECFR « Les peurs sécuritaires : ce qui empêche les Européens de dormir la nuit ».

Les sujets relatifs au programme économique reçoivent un plus grand nombre de votes. Le groupe de questions économiques – politique budgétaire unique, marché unique pleinement achevé, politique énergétique commune, politique numérique commune et politique sociale commune – reçoit plus de 30% des voix partout sauf en Allemagne et au Royaume-Uni. En outre, le nombre combiné de voix pour les questions économiques dépasse nettement les questions liées à la migration en Slovénie, Espagne, Croatie, Bulgarie, République tchèque, Hongrie et Italie.

Après l’immigration, l'économie et les questions institutionnelles plus générales, la plupart des personnes interrogées attachent une grande importance à la question d'une approche commune vis-à-vis de la Russie. L'urgence d'une politique commune face à ce pays voisin se fait le plus sentir dans les pays baltes, en Pologne et au Royaume-Uni. Il est à remarquer que le pourcentage des votes au Danemark pour une approche commune de la Russie est élevé, alors qu'elle est étonnamment faible en Allemagne et en France. Cette question reste unique même lorsqu’elle est mise en perspective dans le contexte plus large des relations avec les grandes puissances géopolitiques actuelles : les États-Unis, la Chine et la Russie. Dans seulement six Etats membres, une politique commune vis-à-vis des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie représente plus de 20% des voix – en Pologne, dans les Etats baltes, au Danemark et au Royaume-Uni – avec la majorité de ces votes motivés par des préoccupations relatives à la Russie.

EU28 Survey - geopolitcal powers

Le message principal de cette section de l'enquête « UE28 » est que les questions internes l'emportent sur l'international. Cependant, il est difficile aujourd'hui de séparer les deux sphères qui s'influencent mutuellement de manière inévitable. Ce qui ressort clairement de cette étude, est que la politique étrangère trouve son chemin dans l'agenda politique à travers les problèmes décrits ici plutôt que par le biais d'un conflit ou d'une crise internationale traditionnelle. À l'heure actuelle, le consensus stratégique entre les capitales de l'UE semble être plutôt faible, car les priorités et les préférences diffèrent fortement en fonction de l'exposition des différents États membres aux différents sujets. Ce faible consensus ira à l’encontre d’un rôle international pour l'Europe tant que les gouvernements de l'UE ne partageront pas les mêmes perceptions des risques et des priorités stratégiques indépendamment de leur situation géographique ou de leur exposition au problème.

Cet article fait partie du projet « Rethink Europe », une initiative de l'ECFR soutenue par la Fondation Mercator, qui offre des espaces pour réfléchir et discuter des défis stratégiques de l'Europe. Pour plus d'informations sur le « EU28 Survey » et le « EU Coalition Explorer », l'outil présentant les résultats de l'enquête d'experts, veuillez cliquer ici www.ecfr.eu/eucoalitionexplorer.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.