La route des réfugiés qui ne mène nulle part : les Balkans occidentaux.

La crise des réfugiés met à rude épreuve cette région fragile, et un afflux plus important pourrait être très déstabilisant et destructif pour ces pays.

Elle devenue un corridor, cette route que des milliers de réfugiés empruntent quotidiennement, de la Macédoine à travers la Serbie jusqu’aux frontières avec la Hongrie et la Croatie. Au-delà se trouvent la Slovénie et l’Autriche, et enfin l’Allemagne et la Suède. 

Cette route est devenue une routine, avec des centres d’accueil sous forme de tentes où les réfugiés sont comptés, et leurs empreintes digitales relevées avant qu’ils ne montent dans des bus qui les emmènent à plusieurs centaines de kilomètres au nord. Près de 300 000 réfugiés ont traversé les Balkans occidentaux depuis le début de l’année; à présent plus de 6 000 font ce voyage tous les jours.

Pendant ce temps, des clôtures sont érigées et des frontières se ferment. La Hongrie a été la première à commencer à empêcher les réfugiés d’entrer sur son sol. Puis la Croatie et la Slovénie lui ont emboîté le pas. Si l’Allemagne ou l’Autriche recouraient à de telles mesures, un nombre croissant de personnes – des dizaines de milliers – seraient susceptibles de se retrouver piégées dans les Balkans occidentaux au début de l’hiver. Aujourd’hui, la Serbie n’a pas la capacité d’accueillir plus de 800 réfugiés.

Cette crise humanitaire est en train de mener à la détérioration rapide des relations entre les pays de la région, avec les politiciens qui canalisent les animosités avec impatience et remportent des victoires électorales grâce aux échanges rugueux avec leurs voisins.

Le mini-sommet convoqué par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s’est accordé dimanche dernier sur un plan en 17 points, mais n’a pas fourni de réponses aux deux grandes questions : comment aider à protéger les frontières le long de la route des Balkans, et comment payer pour des abris et des centres d’inscription pour les réfugiés. La question de la relocalisation des réfugiés bloqués dans les Balkans occidentaux a également été contournée.

La plupart des pays des Balkans occidentaux peinent à assurer la gestion ordonné des flux de réfugiés. Compte tenu d’un manque de capacité au sein de la police des frontières, ils ont parfois recours au déploiement d’unités militaires, ce qui exacerbe les tensions avec leurs voisins. Les 400 policiers supplémentaires qui ont été promis à la Slovénie par Bruxelles dimanche n’ont pas soulagé le pays de l’état de panique déclenché par l’augmentation du nombre de réfugiés. A présent, Ljubljana envisage également de construire sa propre barrière.

La dimension lucrative du trafic d’êtres humains a fait renaître des réseaux mafieux datant de l’époque de Milosevic, et renforcé les secteurs gris des économies des Balkans occidentaux, qui, dans tous les cas, souffrent de faibles niveaux d’investissement et d’une faible compétitivité. Tandis qu’un engagement plus conséquent et visible de Frontex aiderait à stabiliser la situation sur le court terme, une approche européenne globale à l’égard des frontières extérieures de l’UE, qui prendrait en compte les faiblesses institutionnelles des Etats des Balkans non-membres de l’UE, devrait être l’objectif à long terme.

Jusqu’ici, la Macédoine et la Serbie ont été largement constructives dans leur gestion de la crise, ont envoyé les bons messages et gardé leurs frontières ouvertes. Mais elles pourraient facilement tomber sous la pression de l’effet domino plus important engendré par la fermeture des frontières de leurs voisins du nord.

Les Balkans occidentaux, en particulier la Macédoine et la Serbie, doivent faire partie d’une solution à la crise plus large. Le mini-sommet était un pas dans la bonne direction. Mais les pays des Balkans occidentaux devraient être traités comme des partenaires égaux, et avoir un siège à la table des discussions la prochaine fois que les 28 membres de l’UE se rencontreront pour faire face à la crise. Ce sont de futurs membres de l’UE mais qui devraient déjà être, par leur géographie, inclus dans la prise de décision. Ils ne peuvent être traités comme une pensée après coup/arrière-pensée. L’ampleur de la crise nécessite une action collective qui aille au-delà des 28 Etats-membres.

Les Balkans occidentaux devraient être intégrés aux mécanismes institutionnels de l’UE pour faire face à la crise, en particulier le mécanisme proposé de réinstallation et les structures de points de contrôle clés de traitement des demandes d’asiles. Cela permettrait de s’occuper de façon humaine et ordonnée des réfugiés qui se retrouveront coincés en Macédoine, en Serbie, et ailleurs dans la région. Cela diminuerait également la pression sur les frontières avec la Hongrie et la Croatie.

En intégrant les Balkans occidentaux dans le mécanisme de réinstallation, l’UE gagnerait des récipiendaires supplémentaires pour les réfugiés. Les pays comme l’Albanie et le Kosovo ont en réalité une capacité d’accueil de réfugiés limitée. Quelques dirigeants ont déjà indiqué que leur pays était prêt à accueillir des réfugiés. Le mini-sommet a accepté de soutenir l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés dans la construction de camps au long de la route avec une capacité d’accueil de 50 000 personnes. Cela est une bonne chose. Mais la question est de savoir si ce chiffre sera assez élevé et qui va payer pour cela.

La crise des réfugiés met à rude épreuve cette région fragile. Un afflux plus important pourrait être très déstabilisant et destructif pour ces pays. La méchante rhétorique qui a fait surface à la suite de la crise a montré que les tendances nationalistes ne sont pas loin. Négliger la région se fait aux risques et périls de l’UE.

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