Compromis à Vilnius : Le chemin de l’Ukraine vers l’adhésion à l’OTAN

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Une alliance transatlantique divisée

L’Ukraine insiste sur son besoin de garanties de sécurité occidentales et sur son adhésion à terme à l’OTAN pour se protéger d’une future agression russe. Les alliés de l’OTAN sont très divisés sur cette question clé, mais ils ressentent un besoin important de préserver leur unité, tant en apparence que dans les faits, lors du sommet de l’alliance qui se tiendra à Vilnius le mois prochain.

L’adhésion « moins »

Au sommet de Vilnius, l’OTAN n’invitera pas l’Ukraine à adhérer à l’Alliance, mais lui proposera une voie vers l’adhésion, une sorte de « Bucarest plus » qui s’appuie sur la promesse faite lors du sommet de Bucarest en 2008, selon laquelle l’Ukraine adhérera éventuellement à l’OTAN.

  • La formulation sera originale, longuement négociée et donc sujette à l’interprétation. En fin de compte pourtant, il s’agira d’une forme de compromis qui offrira à l’Ukraine (et, par extension, à la Moldavie) une perspective lui permettant de comprendre la feuille de route pour adhérer à l’avenir.
  • La position américaine tacite sera que l’adhésion n’interviendra que lorsque la guerre actuelle, ou du moins les combats actuels, prendront fin. Toutefois, cette condition ne sera probablement qu’implicite dans le communiqué du sommet.

Des promesses inexorables

Les divisions entre les alliés au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN sont profondes :

  • Les États-Unis et l’Allemagne estiment que l’adhésion entraînerait un conflit avec la Russie et pourrait donc provoquer une guerre directe entre la Russie et l’OTAN, avec possiblement un risque nucléaire.
  • Les pays de l’Est, les pays nordiques et même aujourd’hui la France estiment que le conflit est déjà verrouillé. L’adhésion dissuadera la Russie de lancer de nouvelles attaques ou de s’étendre à d’autres régions de l’Ukraine. Ces pays souhaitent un processus d’adhésion accéléré qui dispense l’Ukraine de certaines des conditions habituelles d’adhésion.
  • La plupart des autres alliés ne s’expriment pas sur la question, mais redoutent probablement la perspective du passage du conflit russo-ukrainien au domaine de l’OTAN. Néanmoins, ils ne feront pas obstacle à un accord entre les États-Unis et les pays de l’Est.
  • Sans surprise lorsqu’il s’agit de questions relatives à l’OTAN, les positions de la Turquie et de la Hongrie restent imprévisibles.

Toutefois, cette lutte pour l’adhésion de l’Ukraine n’est pas si différente des précédents cycles d’élargissement de l’OTAN. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont mené une politique de non-élargissement de l’OTAN qui s’est avérée remarquablement infructueuse.

À chaque nouvelle adhésion, une combinaison de partisans parmi les alliés de l’OTAN et de partisans au sein du Congrès américain convainc le président américain que, dans l’intérêt de l’unité des alliés et de sa position politique intérieure, il doit aller de l’avant. Il cherche alors généralement un compromis dans le modèle du « Partenariat pour la paix » des années 1990 ou du « Plan d’action pour l’adhésion » des années 2000, qui cherche à préserver l’unité tout en évitant la question finale de l’adhésion. De manière concomitante, cette action renforce l’élan vers l’adhésion jusqu’à ce qu’elle devienne inévitable.

Aujourd’hui, les conséquences d’une adhésion de l’Ukraine sont potentiellement plus graves, mais le besoin d’unité est capital et la pression intérieure pour afficher un front uni et fort face à l’agression russe est encore plus importante. Le président Joe Biden trouvera un compromis à Vilnius, mais il ne pourra pas freiner l’élan que l’accord créera.

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