Déchirés : La guerre entre Israël et le Hamas divise la société française

Riot police arrest a protester during a demonstration in solidarity with Palestine at the Place de la Republique in Paris, France, on October 14, 2023, amid the recent military escalation between Hamas militants and the Israeli army around the Gaza Strip. Photo by Firas Abdullah/ABACAPRESS.COM
La police anti-émeute arrête un manifestant lors d’une manifestation de solidarité avec la Palestine sur la place de la République à Paris, France, le 14 octobre 2023
Image par picture alliance / abaca | Abdullah Firas/ABACA
©
Texte complet également disponible en

Le conflit qui oppose actuellement le Hamas et Israël à Gaza déchire une société française déjà polarisée, et fait écho à certaines des division plus profondes du pays.

L’attaque terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre a ravivé le traumatisme des attentats de Paris de novembre 2015 pour de nombreux membres de la société française. Mais l’impact de l’attaque et de la guerre qui s’en est suivie est bien plus profond, résonnant avec les profondes divisions politiques, sociales et religieuses de la France – et les décideurs politiques craignent que les retombées actuelles de la guerre n’aggravent ces tensions. Avec ses importantes communautés juives et musulmanes et son passé colonial difficile au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la France est déchirée par les événements de Gaza et d’Israël. Alors que la guerre en Ukraine a généré un rare consensus au sein de la population et de la classe politique françaises, la guerre à Gaza risque d’exposer les fortes divisions qui la sous-tendent.

La France compte une population d’environ six millions de musulmans, dont la plupart sont d’origine nord-africaine. La cause palestinienne tient depuis longtemps à cœur aux musulmans français, qui s’identifient souvent aux souffrances des Palestiniens à travers leur propre expérience de discrimination. Ainsi, les destructions continues causées par le siège israélien de Gaza ont déclenché une colère personnelle et profonde au sein de la communauté musulmane de France. Trois mois seulement après les violentes émeutes qui ont suivi l’assassinat d’un jeune musulman français par la police, les autorités françaises craignent qu’une nouvelle flambée de violence ne soit imminente.

En particulier, on craint que la communauté juive de France, qui est la plus importante d’Europe, ne soit prise pour cible. Plus d’une centaine d’actes antisémites ont été signalés dans les cinq jours qui ont suivi l’attaque du Hamas. Plus marginalement, les autorités françaises craignent que certains groupes extrémistes n’instrumentalisent les événements actuels à Gaza pour radicaliser des individus vulnérables et commettre des actes terroristes sur le territoire français. Bien qu’il n’y ait pas de lien confirmé avec les événements de Gaza, un nouvel attentat terroriste islamiste a frappé la France quelques jours seulement après les événements en Israël, ce qui fait craindre que d’autres attentats puissent suivre. À l’inverse, de nombreux musulmans français craignent que les actes horribles perpétrés par le Hamas n’alimentent l’islamophobie et ne renforcent la montée des discours d’extrême droite en France, qui associent l’islam et l’immigration à un risque de terrorisme.

De nombreux musulmans français craignent que les actes horribles perpétrés par le Hamas n’alimentent l’islamophobie et ne renforcent la montée des discours d’extrême droite en France, qui associent l’islam et l’immigration à un risque de terrorisme.

Dans ce contexte, les réactions du public aux événements de Gaza et d’Israël sont devenues un sujet de fortes divisions politiques dans le débat public français. Alors que le gouvernement et la plupart des partis politiques ont fermement condamné l’attaque du Hamas et soutenu le droit d’Israël à se défendre, certaines voix politiques d’extrême gauche ont été violemment critiquées pour avoir attribué une partie de la responsabilité de l’attaque à l’occupation israélienne du territoire palestinien. Le parti d’extrême gauche La France Insoumise, qui dispose d’une base électorale importante au sein de la minorité musulmane française, s’est abstenu de qualifier l’événement d’attentat terroriste, ce qui a mis l’alliance politique des partis de gauche – le NUPES – au bord de l’implosion. En revanche, le parti d’extrême droite, le Rassemblement national (RN), a condamné vocalement l’attentat, trouvant là l’occasion de dissimuler son propre bagage antisémite et négationniste. La position du RN vise également l’électorat juif qui, selon des études récentes, se déplace de plus en plus vers la droite, voire l’extrême droite, après avoir longtemps voté à gauche.

Craignant que les débats n’attisent davantage les tensions en France, le président Emmanuel Macron a prononcé un discours présidentiel solennel à la nation le 12 octobre, appelant le pays à « rester uni » et déclarant que « ceux qui confondent la cause palestinienne avec la justification du terrorisme commettent une triple erreur : morale, politique et stratégique ». En établissant une distinction entre le soutien à la cause palestinienne et le soutien au Hamas, M. Macron a tenté de s’adresser à la fois aux communautés musulmane et juive. Mais alors qu’Israël poursuit son offensive à Gaza, provoquant une crise humanitaire majeure, il pourrait devenir de plus en plus difficile pour Macron de maintenir cet équilibre.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.