Si l’Europe était un pays
Imaginer un présent différent est le seul moyen de construire un futur meilleur.
Cetarticle a été initialement publié en Espagne par El País le 2 septembre 2015
Les conséquences de l’inaction de l’Europe sont aussi choquantes que les images des réfugiés qui inondent les informations. À la tragédie des noyés ou asphyxiés s’ajoute la détermination inébranlable des familles qui traversent l’Europe à pieds, dans des conditions extrêmement difficiles. Ces parents qui font passer leurs enfants sous les barrières sont ceux qui nous révèlent ce que l’Europe signifie aujourd’hui : une zone de paix, de liberté et de sécurité à laquelle des millions d’êtres humains aspirent. Mais au lieu d’être fiers de ce message, nous interprétons cette aspiration comme une menace. Au lieu de saisir l’opportunité de rendre l’Europe plus forte, nous l’affaiblissons à travers des divisions internes pathétiques, disséminons le doute dans l’opinion publique et encourageons les xénophobes qui demandent moins d’Europe, plus de frontières nationales et moins d’étrangers.
Presque tout a déjà été dit à propos de la myopie et de l’avarice de beaucoup des gouvernements européens. Cet état d’esprit semble également restreindre le flot d’idées sur comment gérer la situation actuelle. A cette vitesse, la crise migratoire va être reléguée à la catégorie des questions dont on ne veut pas s’occuper : la catégorie des « tragédies ». Mais avant d’abandonner et de conclure que le problème n’a pas de solution, il existe un remède infaillible : changer la perspective depuis laquelle on aborde ledit problème.
Imaginez juste un instant que l’Europe soit un pays. Dans cette Europe, le Gouvernement aurait convié le parlement à demander des fonds extraordinaires et à approuver des mesures d’urgence. Sa police des frontières et ses gardes côtes sauveraient les migrants en danger. Ses forces armées construiraient des camps en Grèce et en Hongrie afin d’héberger les réfugiés, d’organiser la réunion des familles ainsi que le processus de leurs demandes d’asile. Ses services consulaires mettraient en place les sauf-conduits nécessaires aux réfugiés afin d’empêcher qu’ils ne tombent aux mains de gangs criminels. Et ses diplomates se mobiliseraient aux Nations-Unies et feraient pression sur la Russie pour qu’elle force le régime d’Assad à mettre fin à la guerre et à ouvrir des négociations pour la paix.
Imaginer un présent différent est le seul moyen de construire un futur meilleur.
L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.