Les relations florissantes de la Chine avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis

In this photo made available by Saudi Press Agency, SPA, Chinese President Xi Jinping, left, is greeted by Saudi Crown Prince and Prime Minister Mohammed bin Salman, after his arrival at Al Yamama Palace, in Riyadh, Saudi Arabia, Thursday, Dec. 8, 2022. (Saudi Press Agency via AP)
Le président chinois Xi Jinping, à gauche, est accueilli par le prince héritier et Premier ministre saoudien Mohammed bin Salman, après son arrivée au palais d’Al Yamama, à Riyad, en Arabie saoudite
Image par picture alliance / ASSOCIATED PRESS | Untitled
©
  • Les relations florissantes mais encore immatures entre la Chine et les deux principaux États du Golfe, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont des implications qui vont bien au-delà du Moyen-Orient.
  • L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont en train de devenir des puissances moyennes de premier plan, tandis que le rôle de la Chine dans le Golfe s’inscrit dans le cadre de son affirmation et de son ambition croissantes sur la scène mondiale.
  • Ces relations sont motivées par les changements structurels du marché international de l’énergie, la multipolarité croissante de la distribution mondiale du pouvoir et l’effet de la concurrence croissante entre les États-Unis et la Chine sur la géopolitique.
  • L’UE et ses États membres n’apparaissent guère dans cette dynamique, mais ils ont clairement des intérêts en jeu et des cartes à jouer. Ils ne devraient pas chercher à contrer directement l’influence chinoise dans le Golfe, mais plutôt à construire leurs propres partenariats efficaces avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

L’image du dirigeant chinois Xi Jinping présidant à une importante avancée diplomatique entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux grands rivaux, en mars 2023, est devenue emblématique de l’évolution de l’ordre mondial et du déclin du rôle des États-Unis au Moyen-Orient. Autrefois simple client énergétique discret et peu enclin à se mêler de la politique du Moyen-Orient, la Chine est devenue, au cours des deux dernières décennies, un acteur clé dans le paysage géopolitique du Golfe, qui évolue rapidement. Dix ans après le lancement de l’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR) en 2013, les relations entre la Chine et les deux principales puissances du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – ont parcouru un long chemin, se développant au-delà du commerce de l’énergie pour s’étendre à un large éventail de nouveaux secteurs.

La relation florissante entre ces deux États du Golfe et la Chine est le symptôme d’une évolution plus large du contexte géopolitique et a des implications qui vont bien au-delà du Moyen-Orient. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont devenus des puissances moyennes de premier plan, motivées par leur ambition de jouer un rôle dans un ordre mondial en mutation et dans la concurrence géopolitique croissante entre la Chine et les États-Unis. Dans le même temps, le changement de perspective de la Chine sur le Golfe s’inscrit dans le cadre de son affirmation et de son ambition croissantes sur la scène internationale.

Les guerres en Ukraine et surtout à Gaza ont accéléré ces tendances. Elles ont renforcé les récits d’un ordre occidental en déclin et alimenté les débats croissants dans le Golfe sur la nécessité de diversifier les partenariats économiques et sécuritaires. Mais ces guerres ont également mis en évidence les contradictions de la position de la Chine. Malgré son influence croissante, Pékin a maintenu une approche réservée à l’égard des récentes attaques des Houthis dans la mer Rouge et, plus généralement, du conflit entre Israël et le Hamas. Au-delà du battage médiatique, les relations entre la Chine et le Moyen-Orient restent relativement superficielles, toujours guidées par des interactions transactionnelles et un manque de compréhension mutuelle.

Ce document cherche à comprendre les relations entre la Chine et deux des puissances les plus importantes du Moyen-Orient dans toute leur complexité. Cette double étude de cas en dit long sur la manière dont le Moyen-Orient et le monde évoluent sous la pression d’une fragmentation et d’une concurrence géopolitiques croissantes. À cette fin, elle examine tout d’abord la réalité complexe des liens entre la Chine et les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, révélant une relation naissante qui commence à aborder des questions géopolitiques, mais qui n’a pas encore dépassé le stade de l’enfance économique. L’article cherche ensuite à situer ces liens dans le cadre d’évolutions géopolitiques et géoéconomiques plus larges, en particulier les changements structurels sur le marché international de l’énergie, la montée de la multipolarité et la concurrence croissante entre les États-Unis et la Chine. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ressortent de ce récit comme de nouvelles puissances à part entière, protectrices de leur souveraineté, soucieuses de tracer leur propre voie dans leur région et cherchant à naviguer entre leurs diverses dépendances à l’égard de la Chine et des États-Unis.

Le document se termine par quelques recommandations sur la manière dont l’UE et ses États membres peuvent tirer profit d’une compréhension de ces dynamiques pour calibrer leur politique étrangère au Moyen-Orient et au-delà. Il convient de noter que les pays européens n’entrent guère dans le récit des changements spectaculaires survenus dans la région. Mais ils ont clairement des intérêts dans le résultat, et ils ont des cartes à jouer. Le document conseille à l’UE et à ses États membres de ne pas contrer directement l’influence chinoise dans le Golfe. Ils devraient plutôt établir des partenariats efficaces dans des domaines où les Européens disposent d’un avantage comparatif par rapport à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et peuvent tirer parti du désir de ces pays de maintenir la diversité dans leurs relations géopolitiques et d’éviter une dépendance excessive à l’égard d’une seule superpuissance.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.