Après la COP26, comment l’UE et le Royaume-Uni peuvent être le moteur de l’effort pour atteindre l’objectif des 1,5°

Le premier ministre britannique Boris Johnson à la COP26, le 1er novembre 2021
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L’objectif principal de la présidence britannique de la COP26 était de parvenir à un accord qui maintiendrait comme cap l’objectif de 1,5°C de l’accord de Paris de 2015. A-t-elle réussi ? À peine, car l’objectif ne tient qu’à un fil, le plus fragile qui soit. Malgré les nouveaux engagements annoncés lors de la réunion de Glasgow, les émissions doivent encore être réduites d’environ 20 gigatonnes d’ici à 2030 par rapport aux prévisions actuelles. C’est pourquoi le résultat le plus important de la COP26 a été la demande faite à tous les pays de revenir avec des contributions déterminées au niveau national (CDN) plus fortes pour réduire les émissions mondiales d’ici la COP27. Mais le feront-ils ?

Nous sommes déjà passés par là. Après la COP16 en 2010, des efforts similaires ont été déployés pour accroître l’ambition à l’horizon 2020. Des réunions ministérielles, des bilans et des tables rondes ont eu lieu. Mais en fin de compte, aucun des principaux pays émetteurs n’a formellement augmenté ses engagements pré-2020, l’attention s’étant concentrée sur les négociations en vue de l’Accord de Paris et de son premier cycle de CDN post-2020. Une décennie a essentiellement été perdue dans le renforcement de ces engagements à court terme.

Beaucoup de choses ont changé, ce qui signifie que la décennie qui s’ouvre pourrait être différente. Les prix des énergies renouvelables ont chuté, les engagements du secteur privé ont proliféré et la grande majorité des émissions mondiales sont désormais couvertes par des objectifs d’émissions nettes nulles d’ici au milieu du siècle (même si beaucoup sont dangereusement vagues). Plus important encore, la mobilisation de la société civile est de plus en plus forte, tout comme le soutien de l’opinion publique à l’action climatique dans de nombreux pays.

Mais pour traduire ces tendances positives en un changement radical des engagements internationaux en matière de climat au cours de l’année prochaine, la présidence britannique devra redoubler d’efforts avant de passer le relais à la présidence égyptienne de la COP27. Aussi épuisante qu’ait été la préparation de la COP26 pour les fonctionnaires britanniques, le vrai travail commence maintenant.

Nous avons déjà vu des signes inquiétants de la part de certains gouvernements qui semblent exclure toute augmentation de leurs CDN. L’envoyé américain pour le climat, John Kerry, a informé les journalistes avant de quitter Glasgow qu’il ne pensait pas que les États-Unis devaient augmenter leur objectif. Le gouvernement australien a publié une déclaration écrite dans les 24 heures suivant la fin de la COP, affirmant que l’objectif australien pour 2030 est « fixe ». Il est difficile d’imaginer que des pays à revenu intermédiaire comme l’Inde et la Chine décident de changer leurs positions si les plus grands émetteurs historiques et par habitant du monde refusent de le faire.

Cela signifie que la présidence britannique a encore du pain sur la planche. La première leçon que le gouvernement britannique peut tirer de la présidence française de la COP21 est donc de ne pas commencer l’année 2022 en réduisant les ressources de la diplomatie climatique. Au contraire, il doit soutenir des dialogues nationaux plus approfondis avec les gouvernements, la société civile et les parties prenantes du secteur privé sur la mise en œuvre du Pacte de Glasgow. Le monde entier aura les yeux rivés sur le gouvernement britannique dans les mois à venir pour voir si les avancées qu’il a défendues se concrétisent.

Mais, de manière tout aussi importante, le Royaume-Uni et ses partenaires de l’Union européenne devront examiner les possibilités pour accroître encore leurs propres CDN et structurer des montages financiers pour débloquer des engagements renforcés de la part d’autres pays. Un grand acteur mondial devra agir en premier pour montrer que l’ère de l’augmentation continue des ambitions climatiques est en marche. Lors de la dernière séance plénière de la COP26, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, en charge du Green Deal européen, a déclaré que « si l’UE doit en faire plus, nous le ferons ». Il est essentiel que ces paroles soient suivies d’effets dans les mois à venir.

Lors de la COP26, un accord a été trouvé sur certains éléments de base qui pourraient être utiles. L’engagement de réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2020 est le bienvenu, mais le manque d’attention des gouvernements pour les réductions nécessaires dans l’agriculture, et en particulier dans l’élevage, compromet sérieusement ces efforts. L’UE pourrait utiliser les plans stratégiques nationaux de sa politique agricole commune pour y remédier si les États membres choisissent de les aligner sur les objectifs climatiques.

Les engagements pris à Glasgow en matière de soutien financier sont peut-être les plus importants pour renforcer l’équité climatique qui doit compléter une ambition accrue. Il s’agit notamment des promesses des pays riches de doubler l’apport de fonds pour l’adaptation et des promesses de l’UE, de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis de soutenir une transition juste permettant l’abandon du charbon en Afrique du Sud. Malgré toute l’attention médiatique portée au changement de dernière minute dans le texte de Glasgow, qui est passé de « l’élimination progressive » à « la réduction progressive » du charbon, ce sont des paquets de financement concrets comme celui-ci qui détermineront la vitesse et l’équité de la sortie du charbon dans le monde.

L’UE et le Royaume-Uni devraient s’atteler immédiatement à la mise en place de partenariats similaires avec les pays tributaires du charbon et concrétiser les promesses d’augmentation du financement de l’adaptation. Pour l’UE, l’engagement d’une part des revenus de son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour le financement international du climat contribuerait à renforcer la confiance. Cela pourrait également créer un précédent pour tout système similaire qui pourrait être développé, que ce soit au Canada ou ailleurs.

Enfin, aucun des pays riches ne devrait douter, après Glasgow, que les nations en développement sont unies dans leurs demandes et leurs attentes quant à l’engagement de financements lors de la COP27 pour les pertes et dommages liés au climat. Des acteurs infranationaux du Royaume-Uni et de l’UE – l’Écosse et la Wallonie – ont été félicités pour avoir mis sur la table à Glasgow le premier financement public pour les pertes et dommages. Le Royaume-Uni et l’UE doivent maintenant suivre leur exemple. Une première étape serait de répondre officiellement à la proposition faite lors de la COP26 par la première ministre de la Barbade, Mia Mottley, d’utiliser les droits de tirage spéciaux, combinés à une offre d’allègement de la dette. Il sera essentiel de s’attaquer à ces inégalités climatiques profondes d’ici à la COP27 pour permettre une action d’atténuation du changement climatique plus forte dans le monde entier.

Aucun accord de la COP ne peut fournir tout ce qui est nécessaire pour lutter contre la crise climatique, mais le véritable test auquel sera soumis l’accord négocié à Glasgow est encore à venir. La présidence britannique, ainsi que l’UE, devront être à l’avant-garde au cours de l’année prochaine si l’on veut maintenir comme cap l’objectif de 1,5°C.

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Céline Charveriat est la directrice du Institute for European Environmental Policy (IEEP), et membre du conseil de l’ECFR.

Tim Gore est le directeur du programme climat et économie circulaire au Institute for European Environmental Policy (IEEP), et membre du conseil de l’ONG Climate Action Network Europe.

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