Emmanuel Macron lors d'un discours devant les ambassadeurs, le 29 août 2017 à L'Elysée, à Paris

Emmanuel Macron lors d'un discours devant les ambassadeurs, le 29 août 2017 à L'Elysée, à Paris.

afp.com/YOAN VALAT

Emmanuel Macron, chantre du multilatéral? Pour son premier discours lors d'une Assemblée générale de l'ONU, ce mardi, le président français compte "réaffirmer le rôle central du multilatéralisme". Et ce "dans un contexte de crises internationales faisant le lit du terrorisme (Syrie, Libye, Sahel), et de menaces contre la sécurité collective telles que la crise avec la Corée du Nord", promet l'Elysée.

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Son intervention devrait s'inscrire dans la droite ligne de son discours aux ambassadeurs du 29 août dernier. "Si nous ne sommes pas au rendez-vous du multilatéralisme, d'autres grandes puissances se saisiront de ces instruments" (comme l'ONU), avait-il alors indiqué.

"Le contexte est nettement défavorable au multilatéralisme. La conjoncture est marquée par un retour très fort à l'unilatéralisme, avec le Brexit, Trump ou encore l'affirmation de la Chine. Tout va vers une restriction", estime pourtant Bertrand Badie, professeur de Relations Internationales à Sciences-Po Paris. Défendre le multilatéralisme actuellement, revient en l'occurrence à reconnaître sa perte de vitesse dans les relations internationales.

"Le climat est à une remise en cause du multilatéralisme, avec un retour du discours protectionniste et le recours à la force non-concertée" (comme la Russie en Syrie), abonde Manuel Lafont-Rapnouil, directeur du Conseil européen des relations internationales à Paris.

Le multilatéralisme, la France y trouve son compte

Pour Macron, les formats multilatéraux possèdent cependant l'avantage de garantir une place au premier rang à la France, bientôt seul pays de l'Union européenne, après le Brexit, à posséder l'arme nucléaire et un droit de veto au Conseil de sécurité. Est-ce cependant compatible avec sa volonté d'une plus grande mobilisation européenne sur le terrain diplomatique?

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"Ce n'est pas parce que la France et l'UE ont deux objectifs différents qu'ils sont contradictoires. Dans le cas du G5 Sahel, on constate une approche complémentaire qui marche", rappelle Manuel Lafont-Rapnouil, citant également l'accord climat et celui sur le nucléaire iranien.

"Mais il y a des cas plus difficiles, nuance-t-il. Sur la Libye, les Italiens étaient fâchés de ne pas être dans la boucle. Sur la Syrie [Macron prône la création d'un "groupe de contact" des cinq membres permanents du Conseil de sécurité], on ne voit pas émerger une position européenne commune qui permettrait à la France d'avoir plus de poids, notamment dans les échanges avec la Russie et l'Iran. Le réflexe premier de la France au niveau diplomatique est rarement européen, mais le discours de Macron à l'Assemblée générale pourrait donner un premier signe."

Le président Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump au défilé du 14 juillet 2017 à Paris

Emmanuel Macron et Donald Trump, au défilé du 14 juillet 2017, à Paris.

© / afp.com/ALAIN JOCARD

Après le discours aux ambassadeurs, celui de l'ONU doit permettre de voir où il place son curseur diplomatique sur l'échelle du multilatéralisme. Car depuis le début de son mandat, entre ses intentions et certains symboles, le chef d'Etat français a pu paraître contradictoire. "Les invitations à Trump et Netanyahu de Macron sont-elles compatibles avec des objectifs européens? La France parle-t-elle seule ou non? s'interroge Bertrand Badie. Son discours nous en dira plus."

Le multilatéralisme, quelques succès

N'en déplaise au chef d'Etat français, le monde s'est rarement montré multilatéral. "Le multilatéralisme onusien défini à la sortie de la Seconde Guerre mondiale a été étouffé, par les vetos au Conseil de sécurité, l'atténuation du chapitre 7 [celui sur les actions pour maintenir la paix, notamment l'engagement armé] et la Guerre froide, rappelle Bertrand Badie, qui dirigé la livraison 2018 de L'Etat du Monde, En quête d'alternatives, aux éditions La Découverte. Après la chute du mur, on pouvait espérer un redémarrage du multilatéralisme, comme le laissait espérer l'intervention internationale après l'invasion du Koweït par l'Irak."

"Mais c'est l'unilatéralisme et les initiatives individuelles qui dominent, comme l'a montrée l'intervention américaine en Irak en 2003. On constate même un retour au bilatéralisme, ajoute-t-il. Deux exemples: les Etats-Unis pratiquant des accords avec certains Etats pour se mettre à l'abri de la Cour pénale internationale et les multiples accords bilatéraux pour contourner l'Organisation mondiale du commerce."

Table de négociations entre les grandes puissances et l'Iran pour parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, à Vienne le 13 juillet 2015

Table de négociations entre les grandes puissances et l'Iran pour parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, à Vienne, le 13 juillet 2015.

© / afp.com/JOE KLAMAR

L'approche multilatéraliste a cependant permis d'obtenir quelques probants résultats ces dernières années, au cas par cas. "L'accord climat ou celui sur l'Iran [pour faire cesser son programme nucléaire] sont des succès récents du multilatéralisme", mentionne Manuel Lafont-Rapnouil. Des succès qu'Emmanuel Macron compte défendre mordicus, malgré le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris par Donald Trump, qui ne cesse également de critiquer l'accord iranien.

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