Un coup dur pour les Palestiniens, mais pas une surprise. La reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël, mercredi, en dépit des protestations de nombreuses chancelleries, mettent en relief l'impuissance et l'isolement des Palestiniens.

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"Le geste de Donald Trump affaiblit un peu plus les Palestiniens dans leur rapport de force inégal avec Israël", souligne Hugh Lovatt, analyste au Conseil européen des relations internationales (ECFR).

La plupart des dirigeants de la planète ont dénoncé ce geste qui ignore la question du "statut final" de Jérusalem, l'une des plus épineuses du conflit entre Israéliens et Palestiniens. Une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies a été convoquée. L'annexion de Jérusalem-Est par Israël en 1980, est en effet qualifiée de "violation du droit international" par une résolution de l'ONU. "On était habitués à ce que ce soit Israël qui viole les résolutions des Nations unies, souligne Majed Bamya, diplomate à la mission de la Palestine à l'ONU. Cette fois ce sont les États-Unis eux-même qui s'en chargent."

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Une fois passée l'indignation de ces quelques jours, qu'en restera-t-il? Malgré une série de succès diplomatiques récents à l'Unesco, par exemple, la question palestinienne est plus que jamais reléguée au second plan au Proche-Orient, en raison notamment des tensions régionales nées des soulèvements des Printemps arabes.

Les pays arabes préoccupés par d'autres crises régionales

La plupart des pays de la région qui apportaient leur soutien aux Palestiniens ont d'autres préoccupations plus urgentes: la guerre a dévasté Syrie, Yémen, Libye et une partie de l'Irak. L'Egypte n'entend pas renoncer à l'aide militaire américaine de 1,3 milliard de dollars par an.La Turquie est occupée à mater les Kurdes et à étouffer son opposition. Sous l'influence de Riyad et d'Abou Dhabi, les pays du Golfe sont déchirés. Ces préoccupations régionales excluent toute rupture avec Washington pour les monarchies du Golfe et expliquent la condamnation à minima de la décision américaine.

Par dessus tout, c'est l'influence croissante de Téhéran dans la région -Irak, Syrie, Liban- qui est devenue pour l'Arabie saoudite et les Émirats la menace principale. Et l'homme fort de Riyad, le prince héritier Mohammed Ben Salman, partage avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu la volonté de contrer l'Iran. Sur cette base, il multiplie les signes de rapprochement. Il a par ailleurs noué une relation personnelle avec Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, proche du Likoud et en charge de nouveaux pourparlers sur la question israélo-palestinienne.

La fin du rôle de médiateur des Etats-Unis?

"Trump n'a pas tué le processus de paix, mercredi. Il s'est juste incliné sur sa tombe", diagnostique Zvi Barel, spécialiste des territoires palestiniens au quotidien Haaretz. Il y a en effet plusieurs années que ces pourparlers n'étaient plus qu'un théâtre d'ombres.

"Les États-Unis n'ont jamais été impartiaux dans le conflit israélo-palestinien, observe Hugh Lovatt, ils s'efforçaient seulement d'en donner l'apparence. La décision de Trump fait surtout tomber le masque". Washington ne peut plus faire semblant d'être le médiateur neutre (honest broker) qu'on lui prêtait.

L'enterrement des négociations de paix impliquées par la politique de Trump n'est d'ailleurs pas sans poser problème aux pays de la région: pour poursuivre leurs agendas respectifs, note Hugh Lovatt, "les dirigeants arabes avaient besoin de la couverture du "processus de paix", même s'il n'en avait que le nom".

Impuissance

La Russie pour sa part, est focalisée sur la Syrie et la Libye. Si elle s'est impliquée dans la politique inter-palestinienne, elle se désintéresse du processus de paix. L'Europe, de son côté, première pourvoyeuse d'aide aux Palestiniens, est divisée. La plupart des grands pays d'Europe de l'Ouest, condamnent régulièrement les annonces de nouvelles colonies. L'UE demande régulièrement la fin de la démolition de structures et projets qu'elle finance; elle a pris des mesures formelles pour distinguer les produits en provenance des colonies de Cisjordanie. Mais aucune de ces actions n'a permis de freiner l'occupation des terres et la poursuite de la colonisation, qui s'est accélérée depuis l'arrivée de Trump à la Maison Blanche.

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"Dans les autres conflits, des mesures sont prises contre les États qui ne respectent pas le droit international: rappel d'ambassadeurs, sanctions", indique Majed Bamya. Mais alors que plusieurs résolutions de l'ONU exigent d'Israël de s'abstenir "de toutes nouvelles actions qui tendent à modifier le statut de Jérusalem", la légalisation des expropriations de Palestiniens par la justice israélienne, la poursuite des détentions arbitraires sans charge, dont celle du Franco-Palestinien Sahah Hamouri, entraînent peu de réactions de la communauté internationale.

Le vote de la résolution 2234 condamnant la colonisation, en décembre 2016 -grâce à l'abstention des États-Unis, à quelques jours de la prise de fonction de Donald Trump- est restée lettre morte et la perspective d'une solution à deux États tient du mirage. "La persistance de l'impunité, déplore Majed Bamya, rend la colonisation indolore pour Israël".

"Jusqu'à présent, les mesures contraignantes de l'UE, comme la différenciation entre Israël et les colonies, étaient repoussées par la haute représentante Federica Mogherini, au prétexte qu'elles pouvaient nuire au "processus de paix", note Hugh Lovatt. La décision de Trump pourrait amener Bruxelles à changer d'approche.

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