Benyamin Netanyahu a obtenu une éclatante victoire aux législatives israéliennes, mardi. Il devrait être appelé à former le prochain gouvernement. Daniel Levy, directeur du programme Moyen Orient au Conseil européen des relations internationales (ECFR), analyse pour l'Express, le nouveau rapport de force au sein de l'échiquier politique israélien.

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Que vous inspire le résultat surprise du Likoud de Netanyahu, avec 30 sièges contre 20 dans la Knesset sortante ?

Le succès de Netanyahu renvoie une image des plus troublantes de la société israélienne. Les discours ouvertement racistes proférés par la droite et l'extrême droite au cours de cette campagne, n'ont pas été dénoncés par le centre et le centre gauche. Imagine-t-on un chef de gouvernement d'un pays européen avertir, le jour du scrutin, ses concitoyens, du danger représenté par le vote des électeurs juifs (ou noirs ou arabes) qui "arrivent en masse aux bureaux de vote, avec des membres de l'opposition qui les amènent en bus." En soit, ces propos sont parfaitement répugnants, mais l'absence de réaction de la classe politique du centre ou du centre gauche est tout aussi affligeante.

Que traduisent les résultats de l'élection de l'équilibre politique en Israël? Les grands blocs politiques n'ont pas tellement changé...

En effet. Le Likoud de Netanyahu a tout simplement cannibalisé les autres partis du bloc de la droite: Les grands perdants sont deux partis d'extrême droite, le Foyer juif de Naftali Bennett et Israel Beitenou d'Avigdor Lieberman. Les partis ultra-orthodoxes ont aussi reculé en raison des divisions au sein du parti Shass.

L'autre constat est que la formation d'un bloc de centre gauche est impossible tant que l'on refuse de prendre en compte l'électorat arabe. Quant au petit parti de gauche, le Meretz (passé de 6 à 4 sièges), il a sans doute pâti du réflexe de vote utile en faveur de l'Union sioniste d'Isaac Herzog et Tzipi Livni.

Comment va se traduire le succès de la Liste commune des partis arabes ?

Cela va en partie dépendre de la façon dont ces quatre partis vont continuer à travailler ensemble, malgré leurs fortes divergences politiques et idéologiques. La victoire des partis arabes devrait empêcher la société israélienne de continuer à ignorer cette partie de la population. En tant que troisième formation politique du pays, la Liste jointe doit avoir une plus grande représentation dans les commissions parlementaires, par exemple. La visibilité de ces élus devrait être renforcée. Mais il y a fort à craindre que le reste du pays continue de se comporter à leur égard comme s'ils n'existaient pas. Lors de la soirée électorale de mardi soir, les télévisions les ont largement ignorés.

Et pour les Palestiniens des territoires occupés?

Là aussi cela va dépendre de l'attitude de l'Autorité palestinienne. En proclamant à la veille du scrutin qu'il n'y aurait pas d'Etat palestinien s'il était réélu, Netanyahu a très clairement signifié son refus de la paix. Plus sûr de lui que jamais, il estime que ses adversaires n'ont aucune marge de manoeuvre, qu'il est seul à dicter les règles. Mahmoud Abbas doit être conscient qu'il n'y a rien à négocier avec ce cabinet. Quelle conséquence va-t-il en tirer?

La position renforcée de Netanyahu changera-t-elle la donne dans les relations avec l'Europe et les Etats-Unis?

Cela devrait être le cas. Mais la défiance dont il a fait preuve vis-à-vis de ses partenaires occidentaux, aussi grossière soit-elle, a été couronnée de succès. Jusqu'à présent, le Premier ministre israélien a bénéficié d'une totale impunité pour tous ses agissements: la colonisation, les discriminations, le siège et la guerre de Gaza. Fort de son succès électoral, il pourrait bien être tenté de renchérir plus encore dans la provocation. Netanyahu prend un risque calculé: les occidentaux sont obligés de 'faire avec' lui. Mais la passivité de l'Europe et des Etats-Unis face à sa politique incendiaire les rend complices de cette mise en place d'un régime d'apartheid.


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