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Analyse

Pourquoi la Chine ne comble pas le vide créé par Trump

Sur le climat comme sur le libre-échange, Donald Trump offre à la Chine une opportunité sans précédent de s'afficher comme un leader mondial responsable. Mais Pékin ne veut pas trop s'engager dans cette voie et privilégie ses intérêts régionaux plutôt que l'ordre international.

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Par Frédéric Schaeffer

Publié le 12 juin 2017 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

« Now, China leads. » Le constat s'est imposé à Emmanuel Macron lors du sommet du G7 à Taormina, en Sicile. Réunis autour de Donald Trump, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays les plus riches du globe ont désespérément tenté de convaincre le président américain de ne pas sortir de l'Accord de Paris sur le climat. Le président français a argumenté que le changement climatique était réel. La chancelière allemande, Angela Merkel, a fait valoir qu'un retrait américain laisserait le champ libre à la Chine, indique le compte rendu obtenu par « Der Spiegel ». Mais quand tout le monde a compris que Donald Trump ne changerait pas de position, Emmanuel Macron en a tiré la conclusion : « Maintenant, la Chine mène le jeu. »

Si Donald Trump espère ainsi « rendre sa grandeur à l'Amérique », il offre surtout une opportunité unique à la Chine de s'afficher comme un leader mondial responsable. Ce cadeau n'est pas le premier fait par le président américain à son homologue chinois Xi Jinping. Rejetant le multilatéralisme, accélérant le repli des Etats-Unis, l'administration Trump s'est retirée dès janvier de l'accord de libre-échange en Asie-Pacifique (TPP) visant à isoler la Chine. Le président a maintes fois critiqué l'OMC ou l'Otan, refusant même de réitérer auprès de ses alliés l'engagement américain à les défendre.

Forcément, les partenaires historiques perdent pied. Le temps de la confiance avec les Etats-Unis est « quasiment révolu », avait lâché Angela Merkel, de retour d'un sommet du G7 au goût amer. « La Chine est devenue un partenaire plus important et stratégique », poursuivra la chancelière quelques jours plus tard, à côté d'un Li Keqiang, le chef du gouvernement chinois, buvant du petit-lait.

Face à des Etats-Unis abandonnant leur hégémonie mondiale, la Chine se voit offrir un boulevard dans sa longue marche pour revenir au premier rang sur la scène internationale. Donald Trump promeut le protectionnisme ? Xi Jinping se pose en héraut du libre-échange, en janvier, à Davos. Il vante l'isolationnisme ? Pékin organise, en mai, un grand sommet pour promouvoir ses nouvelles « routes de la soie », énorme projet commercial et d'infrastructures reliant l'Asie à l'Europe. Donald Trump se retire du TPP ? Xi Jinping pousse son propre projet d'accord de libre-échange, le RCEP. Les Etats-Unis dénoncent l'Accord de Paris ? La Chine, le plus gros pollueur de la planète, se précipite pour assurer qu'elle tiendra, pour sa part, ses engagements.

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Chaque fois, l'occasion est trop belle pour le régime communiste de redorer son image à bon prix, d'étendre son influence et de se présenter comme une force de stabilité face à un président des Etats-Unis imprévisible et à une Amérique repliée. En cela, Trump est un facteur d'accélération de l'intégration de la Chine sur la scène mondiale. Une intégration qui a déjà été spectaculaire ces quinze dernières années, à mesure que le pays s'est mué en deuxième puissance économique mondiale.

Un marché largement fermé

Mais croire que le géant asiatique est capable de prendre le leadership abandonné par les Etats-Unis paraît peu réaliste. « Son modèle de gouvernance est fondamentalement incompatible avec l'ordre libéral international, estime le chercheur François Godement, du « think tank » European Council on Foreign Relations. La Chine poursuivra son approche sélective, choisissant où s'engager et où rester en retrait. » Sur le commerce, la Chine veut apparaître comme un adepte du libre-échange, mais son marché intérieur reste largement fermé aux entreprises étrangères. Sur le climat, sa récente conversion tient davantage à la politique intérieure qu'à une volonté de s'inscrire dans le concert des nations : Pékin ne peut plus ignorer le mécontentement croissant d'une population confrontée à une pollution endémique.

De même, la Chine est devenue un ardent défenseur des Nations unies et elle prend une part plus active dans les missions de maintien de la paix, mais reste en retrait quand il s'agit de venir en aide aux réfugiés ou d'envisager une intervention militaire en Syrie ou en Libye. Surtout, la Chine n'hésite pas à « purement et simplement rejeter l'ordre international quand ses intérêts régionaux sont concernés », relève François Godement (*), comme elle l'a démontré l'an dernier en rejetant l'arbitrage contre ses revendications territoriales en mer de Chine du Sud.

Pékin continue donc de tenir son propre agenda, refusant de se lier les mains par des accords internationaux trop contraignants. Ce qu'il propose dans le RCEP, par exemple, est bien en deçà du TPP, dont l'ambition ne se limite pas aux droits de douane (droits du travail, de l'environnement, de la propriété intellectuelle). Pas sûr non plus que son influence croissante soit du goût de tous ses voisins. Et, par-delà les sourires de façade, l'incapacité de la Chine et de l'Union européenne à s'entendre sur un communiqué, à l'issue de leur récent sommet à Bruxelles, en dit long sur leurs divergences persistantes. La perspective d'un tandem Europe-Chine venant combler le vide créé par les Etats-Unis n'est pas pour demain.

La Chine inscrit ses ambitions internationales dans le temps long. Sa priorité reste son développement intérieur, notamment le maintien d'une croissance économique suffisamment forte. La fin du leadership américain n'est pas forcément annonciatrice du leadership chinois.


Les points à retenir

La sortie des Etats-Unis de l'Accord climat crée en Europe une défiance à l'égard de son allié historique.

La position de la Chine, deuxième puissance économique mondiale, en est renforcée.

Mais Pékin, malgré ses plaidoyers en faveur du libre-échange, du climat et des Nations unies, conservera une approche très sélective, réservée, divergente.

Correspondant à Pékin Frédéric Schaeffer

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