Istanbul, les enjeux derrière une élection capitale

Dimanche, les Stambouliotes sont invités à voter. Le parti d'Erdogan, l'AKP, serait distancé. Une perte majeure pour le parti au pouvoir.

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L'AKP, le parti d'Erdogan, avait réussi à faire annuler les dernières élections à Istanbul. Un nouveau tour se joue donc dimanche.

L'AKP, le parti d'Erdogan, avait réussi à faire annuler les dernières élections à Istanbul. Un nouveau tour se joue donc dimanche.

© Hristo Rusev / NurPhoto

Temps de lecture : 4 min

« Nouveau sondage : 99 % des électeurs veulent que tout ça se termine. » Sur Twitter, la pointe d'ironie de ce journaliste résume bien l'état d'esprit des millions de Stambouliotes qui doivent revoter dimanche pour l'élection municipale : la lassitude. Car c'est la 2e élection de l'année. La septième en cinq ans. Cela fait désormais six mois que les stands électoraux tentent de convaincre les indécis à Istanbul alors qu'à certains carrefours, les concurrents se font même face, rivalisant de sons poussés à plein volume, dans une cacophonie totale.

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Alors qu'à la surprise générale, l'élection municipale d'Istanbul du 31 mars a été remportée d'une courte tête (13 000 voix) par le candidat de l'opposition, Ekrem Imamoglu (CHP, parti républicain du peuple), elle a ensuite été annulée à peine trois semaines plus tard, le 6 mai dernier. Et la campagne est repartie de plus belle. Dire qu'elle a été tendue est un euphémisme. Invectives, accusations de tricherie, agressions de journalistes, suspensions de comptes Twitter, revirements surprises, autant de drames qui ont ponctué la campagne. « Cette campagne s'est déroulée dans une atmosphère très chargée », admet Asli Aydinbatas, spécialiste de la Turquie au Conseil européen des relations internationales. C'est aussi une façon de ne pas parler d'économie, qui est un point faible pour Erdogan. »

Primordiale Istanbul

Et alors que durant les mois de février et mars, Erdogan multipliait les meetings, allant jusqu'à en enchaîner cinq par jour, il est resté en retrait jusqu'à ces derniers jours. « Erdogan est seulement rentré dans la campagne parce qu'il a réalisé que Yildirim (le candidat de l'AKP, Parti de la justice et du développement, à la mairie d'Istanbul, NDLR) pouvait perdre, analyse la politologue. C'est clairement plus qu'une simple élection locale, c'est un référendum sur son pouvoir, sa force. » De fait, si Erdogan était particulièrement confiant il y a deux mois, les jours passant, l'électorat a semblé lui échapper. Un sondage publié dans la semaine donnait au candidat de l'opposition, Ekrem Imamoglu, 8 % d'avance.

Alors en l'espace de quelques jours, Recep Tayyip Erdogan a induit qu'Imamoglu ne pourrait pas être élu maire, du fait d'une plainte en justice, l'a comparé au dirigeant égyptien Sissi ou l'a accusé de terrorisme. « C'est un message envoyé aux électeurs conservateurs, qui pourraient hésiter à voter pour l'AKP, comprend Asli Aydinbatas. Une façon de leur dire “ne votez pas pour lui, il ne sera probablement pas maire très longtemps”. »

« Qui gagne Istanbul gagne la Turquie », répétait Erdogan

Car Istanbul est primordiale pour l'AKP. Erdogan y a lui-même été maire de 1994 à 1998 avant d'entamer son ascension politique. Son parti y a ensuite régné sans partage. « Qui gagne Istanbul gagne la Turquie », se plaisait-il d'ailleurs à répéter. « La ville a un budget énorme, elle héberge de nombreuses entreprises ou des fondations proches du gouvernement, distribue des subventions colossales… L'AKP y a bâti un empire. Le perdre serait un vrai signal. Ça serait bien plus important que perdre une élection municipale », explique Asli Aydinbatas. En effet, réunissant un tiets du PIB et plus de 16 millions d'habitants, l'orientation de la « ville monde » est cruciale, d'autant plus que l'AKP ne gouverne pas les deux autres principales villes du pays, Izmir et la capitale, Ankara.

Le vote kurde, décisif

Autre revirement dans la campagne, l'importance donnée à l'électorat kurde. Et si la « première partie » de l'élection exacerbait le sentiment nationaliste des Turcs, la deuxième, au contraire, a tenté de les brosser dans le sens du poil. Yildirim s'est rendu au début du mois dans leur « capitale », Diyarbakir, n'hésitant pas à parler de « Kurdistan ». Erdogan les a désignés comme des « frères » et, surtout, a brandi jeudi une lettre de leur leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis des années, dans laquelle il indique à ses électeurs qu'il penche pour la neutralité dans l'élection. « Ces derniers jours de campagne ont été un peu comme le dernier épisode de Game of Thrones, ironise sur Twitter un observateur de la vie politique. Il n'y a plus assez de temps alors on essaie de faire passer un contenu chaotique et des rebondissements que plus personne ne comprend. »

En effet, le parti au pouvoir rechigne généralement à faire le moindre appel du pied à cette population. Mais quelques jours avant l'élection, toutes les stratégies semblent bonnes. « Même l'extrême droite, alliée d'Erdogan, n'y accorde pas d'importance, tant qu'ils remportent Istanbul », indique Asli Aydinbatas. Une nouvelle qui n'a pas fait varier le HDP, ouvertement prokurde. Il y a quelques jours, son leader emprisonné appelait à voter Imamoglu pour faire barrage à Erdogan. Et plusieurs membres du parti lui ont depuis réitéré leur soutien. Et si l'importance de « la lettre » reste encore inconnue, un nouveau sondage vient de sortir : il donne le candidat de l'opposition à 4 % devant.

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Commentaires (3)

  • libéral avancé

    Ce serait un rude contre le théocratique Erdogan. Mais accepterait il le verdict des urnes ?

  • lebeurah!

    En cas de défaite : une solution, annulation du scrutin !

  • guy bernard

    C'est tout simplement une opposition et cette dangereuse rivalité peut etre une rampe de lancement pour les futures élections présidentielles.
    Les opposants se sont fait condamner par centaines ces jours derniers pour ne pas avoir compris qu'ayant le meilleur président il n’était pas utile d'avoir une opposition.
    il en est ainsi de ce peuple aveugle qui revotera jusqu'à ce qu'il le comprenne et donne enfin la bonne réponse.