L'Irak, cadeau (empoisonné) des Américains à l'Iran

Les États-Unis laissent désormais au gouvernement irakien et à son allié iranien le soin d'affronter les djihadistes d'al-Qaida, en pointe sur le terrain.

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Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif serrant la main de son homologue américain John Kerry après la signature de l'accord sur le nucléaire à Genève.
Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif serrant la main de son homologue américain John Kerry après la signature de l'accord sur le nucléaire à Genève. © AFP

Temps de lecture : 5 min

C'est le signe de la déliquescence de l'État irakien. Plus de dix ans après l'invasion américaine, une ville irakienne est tombée pour la première fois entre les mains d'al-Qaida. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de l'une des plus grandes du pays : Fallouja, cité de plus de 300 000 habitants, située à 60 kilomètres à l'ouest de Bagdad. Une prise ô combien symbolique puisque la ville avait été en partie détruite par l'armée américaine après deux sièges militaires menés en avril et novembre 2004, faisant de nombreux morts parmi les civils, dont certains victimes de bombes à l'uranium appauvri. "Fallouja est de fait devenue la ville martyr de l'occupation", souligne Myriam Benraad, chercheuse à Sciences po et analyste au Conseil européen des Affaires étrangères (ECFR).

Plus grande ville de la province sunnite d'al-Anbar, Fallouja s'est transformée en bastion des insurgés irakiens opposés à la présence américaine en Irak. "Il s'agissait au départ d'un mouvement armé hétérogène, dont la plupart des combattants étaient d'anciens membres du parti Baas de Saddam Hussein", explique Karim Pakzad, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Puis la rébellion a été peu à peu infiltrée par les islamistes, sous l'influence de djihadistes étrangers en provenance de la région".

Recréer le califat islamique

La conquête, samedi dernier, de Fallouja a été revendiquée par l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Cette filiale d'al-Qaida a profité des violences provoquées par le démantèlement par la police, en début de semaine dernière, d'un camp de protestataires antigouvernementaux à Ramadi, à 80 kilomètres à l'est de Fallouja. Créé en 2004, au lendemain de l'intervention américaine, l'EIIL se nommait tout d'abord al-Qaida en Irak. En 2006, il englobe plusieurs groupes d'insurgés et devient l'État islamique en Irak.

L'éclatement du conflit syrien en mars 2011 offre à l'organisation une nouvelle sphère d'influence : l'État islamique en Irak devient l'État islamique en Irak et au Levant en 2012. "Cette mouvance, composée à l'origine de combattants étrangers, a pour but de restaurer le califat islamique, ses membres considérant les frontières nationales comme une création de l'Occident, explique la chercheuse Myriam Benraad. Elle a ensuite greffé à son combat la lutte armée contre les États-Unis et le gouvernement irakien."

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Commentaires (17)

  • atropos

    L'Irak a été dirigée par la minorité sunnite pendant des décennies. Saddam tenait les Chiites et les Kurdes d'une main de fer et ne reculait devant rien pour conserver le pouvoir.
    Retournement de situation : les Chiites, qui ont toujours été soutenus par l'Iran, rendent la monnaie de la pièce et font aujourd'hui ce qu'ils reprochaient aux Sunnites hier.
    L'Irak est livrée à une guerre civile qui n'est pas à la veille de s'arrêter.
    Ce pays potentiellement si riche, est livré à la misère, au chaos, au crime. Une minorité en profite comme toujours, une majorité en meurt.
    Les Kurdes sont ceux qui s'en sortent le moins mal mais jusques à quand ?

  • mesha zimri

    Quand on voit le traitement qui leur est réservé dans tout le proche-orient ; eux qui y sont bien avant l'apparition de l'islam? les occidentaux les accueilleront-ils ou se contenteront-ils de ne voir que d'indésirables arabes de plus ?

  • gnafron

    Soutien officiel ou non de dictatures, engagement de conflits sanglants ils sont responsables depuis 50 ans de nombreuses guerres dans le monde, sous la houlette de présidents acoquinés aux lobbies économico-guerriers.
    Ceci permet aussi au travers des peuples engagés de se confronter à la Chine et à la Russie et d'expérimenter les nouveaux armements. Mais force est de reconnaitre qu'ils n'avaient jamais été aussi loin dans la mascarade et la négation des véritables raisons d'engagement essentiellement pétrolières. Enfin nous attendions beaucoup d'Obama, il a été à la hauteur de notre déception.