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« Make America great again » : comment Donald Trump compte renverser l’ordre mondial

Dans ses clips de campagne, le candidat républicain joue à Monsieur Muscle et promet de redistribuer les cartes des relations internationales. Souvent jugées caricaturales, ses propositions rencontrent un vif écho dans la classe moyenne blanche.

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Publié le 21 juin 2016 à 18h38, modifié le 23 juin 2016 à 13h24

Temps de Lecture 10 min.

Donald Trump, le 22 juin, à New York.

En janvier, une étude commandée par la chaîne NBC montrait qu’une ligne de partage divise assez nettement les préoccupations des électeurs démocrates et républicains. Si l’économie est la priorité des premiers, le terrorisme est l’inquiétude numéro un des seconds. Et sur la politique étrangère en général, les républicains sont également plus attentifs que les démocrates. Donald Trump l’a bien compris. « Make America great again », son slogan, vaut à la fois pour la perception que les Américains ont d’eux-mêmes et pour l’image qu’ils projettent sur la scène internationale.

Le candidat républicain a consacré une large part de son − maigre − programme à des propositions musclées pour redéfinir le rôle des Etats-Unis sur la scène internationale. Il a développé une vision que les observateurs ont jugé très datée des relations internationales et de l’équilibre des forces. On retrouve ce « discours » dans une série de clips vidéo, qui, en privilégiant la surenchère sécuritaire, s’adressent aux angry white men (« hommes blancs en colère »), dont les spécialistes ont pointé le rôle-clé dans la formation de l’opinion.

  • S’installer en homme fort

Dans la majorité des clips produits par le camp Trump, celui-ci apparaît en homme fort face aux « faibles », en l’occurrence Hillary Clinton et Barack Obama, accusés de ne pas avoir pris la mesure du problème. Dans son premier spot de campagne, au début de janvier, Donald Trump s’affichait comme le seul candidat sans illusion face aux menaces : « Les “politiciens” [“politicians” est un terme généralement péjoratif aux Etats-Unis] peuvent bien faire comme s’il s’agissait d’autre chose, mais Donald Trump appelle ça le terrorisme de l’islam radical. » Et de préconiser « une interdiction temporaire des entrées de musulmans sur le territoire, jusqu’à ce qu’on comprenne ce qui se passe ».

Le spot égrène des solutions en apparence simples pour réussir là où les autres ont, selon lui, échoué : « Il coupera rapidement la tête de l’Etat islamique et prendra leur pétrole. » « Il arrêtera l’immigration illégale en construisant un mur à la frontière sud, que les Mexicains financeront. » Les moyens de tenir ces engagements ne sont toutefois pas expliqués. L’important n’est pas là, il s’agit de marquer les esprits.

Pour ce faire, le spot enchaîne des images en noir et blanc volontairement anxiogènes et sans finesse : le couple terroriste de San Bernardino, des vidéos de propagande de l’Etat islamique, des bombardements par drone, une foule d’immigrants franchissant soi-disant la frontière mexicano-américaine (les médias relèveront qu’il s’agit en fait d’images de migrants africains tentant d’entrer à Melilla, enclave espagnole au Maroc)…

  • Se présenter en protecteur

Dans cette vidéo, diffusée au plus fort du duel entre Ted Cruz et Donald Trump pour l’investiture, en décembre 2015, le businessman dénonce les compromis de son adversaire sur l’immigration et juge nécessaire de fermer les frontières :

« Les gens veulent récupérer leur pays, ils veulent le faire avec humanité, mais nous devons avoir un pays, nous n’avons pas de pays en ce moment. Ce que nous avons, ce sont des gens qui arrivent en masse chez nous et qui font beaucoup de mal, si vous regardez la criminalité, si vous regardez l’économie. Nous voulons des frontières, et à l’heure actuelle nous n’en avons plus. »

Alors que l’immigration illégale aux Etats-Unis est à son plus-bas depuis vingt ans, Donald Trump veut faire croire que l’ordre mondial désavantage les Etats-Unis, et qu’il a pour mission de rétablir la balance. « Le président doit toujours donner l’impression qu’il contrôle la situation et qu’il protège les Américains des dangers extérieurs », rappelle Jeremy Shapiro, chercheur attaché à l’European Council on Foreign Relations (Londres) et à la Brookings Institution (Washington), et ancien conseiller d’Hillary Clinton.

Dans un autre clip, sans parole, destiné à moquer son adversaire démocrate, l’équipe Trump désigne deux de ces dangers : la Russie, sous la forme d’un Vladimir Poutine au sourire narquois, envoyant un adversaire au tapis lors d’un combat de judo, et l’organisation Etat islamique, par l’image d’un djihadiste encagoulé pointant une arme face caméra. Pour y répondre, Hillary Clinton est caricaturée en roquet seulement capable d’aboyer. « Nous n’avons pas à être le dindon de la farce ! », peut-on lire à la fin.

  • User d’un vocabulaire simple, voire simpliste

Dans cette vidéo, face caméra, diffusée le 16 mars, le candidat républicain explique que « quand il s’agit de négocier avec le Congrès ou d’autres pays, il faut une certaine dose de sens commun, il faut avoir de la personnalité, être à la hauteur de l’adversaire… Négocier avec la Russie peut être différent de négocier avec la Chine ».

« Quand on a affaire au Congrès, il faut mettre tout le monde dans la même pièce et dire “les mecs, on y va”, c’est pour le bien des gens. Il faut s’occuper des gens. Ça fait longtemps. Ça fait des décennies que ce n’est pas arrivé. On va s’occuper des gens. On va faire les choses. On va réduire vos impôts. On va remettre l’économie sur pied. Et, bien sûr, l’armée et tout le reste, ça va se faire. »

Au-delà de l’absence d’évocation des moyens pour tenir les promesses, la pauvreté linguistique du candidat a été pointée par la presse. Pour Politico, « Trump parle comme un élève de CE2 » : les mots qu’il emploie le plus sont vagues − « very », « great » −, il abuse du « moi, je », qualifie tous ses ennemis de « losers » et est affublé d’une vision binaire de la vie : « Tout ce qui est dans son champ de vision est soit génial, soit pourri », écrit le site d’actualité américain. 

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« Le problème, explique Jeremy Shapiro, c’est que Trump pense que l’ignorance est un avantage. » De fait, pour un certain nombre de politologues, les formulations à l’emporte-pièce du candidat républicain, son antiélistisme et son rejet du politiquement correct « inspirent confiance » aux angry white men, cette classe moyenne qui pense être la grande perdante du système, et font de lui l’ultime gardien de l’American way of life.

Pour une analyse poussée de la langue « trumpienne », voir le décryptage (ci-dessous) du youtubeur Evan Puschak (« The Nerd Writer »).

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