L’assassinat le 27 novembre de Mohsen Fakhrizadeh, figure majeure du programme nucléaire iranien, le rappelle à point nommé : les Européens ont des moyens d’action limités, mais ils ne peuvent demeurer passifs, en attendant l’entrée en fonctions de Joe Biden en janvier 2021. Ils doivent mettre en place une stratégie afin de tenter de revitaliser l’accord sur le nucléaire iranien (JCPoA), sur une base transatlantique. Tel est le sens de la lettre ouverte publiée lundi 30 novembre sur le site du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), un cercle de réflexion, par six anciens diplomates européens de haut rang. Ceux-ci ne mentionnent même pas deux autres signataires de l’accord, la Chine et la Russie, et se concentrent sur la feuille de route que pourraient suivre Paris, Berlin et Londres.
Après s’être démenés pendant quatre ans pour résister aux coups de boutoir de l’administration Trump, qui s’est retiré de l’accord en 2018, les pays de l’E3 (Royaume-Uni, France, Allemagne) doivent, selon les signataires, appeler Washington et Téhéran à se conformer de nouveau au JCPoA. La question du séquençage des étapes sera évidemment cruciale. Ensuite, pourrait être abordée, éventuellement, la question plus large de la sécurité régionale et du programme balistique iranien. L’équipe rassemblée par le président américain élu, Joe Biden – dont son futur conseiller à la sécurité nationale, Jack Sullivan, très familier du dossier iranien –, ne veut pas se contenter d’un simple renversement de la décision de Donald Trump.
Les signataires de la lettre représentent plusieurs pays de l’UE. Il s’agit de l’ancien premier ministre suédois Carl Bildt ; de l’ex-ministre d’Etat britannique pour le Moyen-Orient Alistair Burt ; du président de la Conférence sur la sécurité de Munich, Wolfgang Ischinger, qui fut vice-ministre des affaires étrangères ; de Jean-David Levitte, ancien ambassadeur de France à Washington et « sherpa » des présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ; d’Andrzej Olechowski, ancien chef de la diplomatie polonaise ; et, enfin, de Javier Solana, qui fut notamment secrétaire général de l’OTAN.
Dérapage contrôlé
Le texte constate l’échec de la « campagne de pression maximum » conduite par Washington contre l’Iran, et ses « sanctions sans précédent ayant touché négativement les Iraniens ordinaires ». Les signataires mettent en garde au sujet de la période de transition aux Etats-Unis, d’un président à l’autre. « Le temps restant du mandat de l’administration Trump risque d’être turbulent, de nouvelles mesures étant spécifiquement évoquées pour compliquer un retour de Biden dans le JCPoA, notent-ils dans leur lettre, rédigée avant l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh. De récents rapports suggèrent aussi qu’il existe un risque de tensions militaires accrues entre les Etats-Unis et l’Iran. »
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