Espagne : Podemos veut devenir la première force de gauche
Le parti de la gauche radicale noue une alliance avec la Gauche unie en vue des élections du 26 juin. Approchés, les socialistes déclinent l’invitation.
- Publié le 12-05-2016 à 07h06
- Mis à jour le 12-05-2016 à 07h07
Le parti Podemos (gauche alternative) a signé avec la formation Izquierda unida (IU, Gauche unie, qui rassemble d’anciens communistes et d’autres minorités) un pacte qui n’avait pu se nouer en 2015. Les deux partis vont présenter des listes communes, pour les élections législatives anticipées du 26 juin 2016, mais Podemos et IU mèneront la campagne électorale chacun de leur côté, avec de rares meetings ensemble. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas une nécessité absolue. Le système électoral tend en effet à favoriser l’accumulation de bulletins, sans tenir compte de la campagne préalable.
Parmi les 50 points du programme Podemos-IU, on trouve la priorité pour lutter contre la fraude fiscale et une augmentation substantielle des revenus par l’impôt, mais en gardant le ratio actuel entre dépenses publiques et PIB. Les deux partis ont cependant glissé sous le tapis les potentiels points de conflit. Par exemple, Podemos ne réclame plus la sortie de l’Espagne de l’Otan, tandis qu’IU continue de la mentionner dans son projet.
Pour Alberto Garzón, principal dirigeant d’IU, et surtout pour Pablo Iglesias, secrétaire général de Podemos, l’objectif est de devancer dans les urnes le Parti socialiste et ouvrier espagnol (PSOE) de Pedro Sánchez. Selon une enquête du quotidien "Público", proche de la nouvelle alliance de gauche, Podemos et IU peuvent espérer conquérir ensemble six millions d’électeurs. Cela pourrait leur offrir 92 députés, et les placerait devant le PSOE qui obtiendrait une vingtaine de sièges de moins. Mais Podemos-IU resterait à 25,2 % des voix, en deçà du Parti populaire (PP, droite) au pouvoir, qui en récolterait 27,8 %. Pablo Iglesias, secrétaire général de Podemos, ne cherche pas seulement à s’approcher du pouvoir, mais à s’assurer la suprématie sur les forces de gauche. Pour illustrer l’accord, Iglesias est allé vers la Puerta del Sol (berceau du mouvement des Indignés) à Madrid, avec Alberto Garzón, dont une partie des troupes redoute "d’être anéantie par Podemos", selon le député Gaspar Llamazares.
Podemos se ferme-t-il des portes ?
"C’est une coalition de radicaux et d’extrémistes qui ne convient pas au progrès de notre pays", a déclaré le chef du gouvernement en affaires courantes, Mariano Rajoy, tête de liste du PP. Albert Rivera, candidat de Ciudadanos (centre droit) a pour sa part dénoncé "la vieille politique des anciens communistes". Rivera croit que Podemos a perdu ce qui lui restait de "transversalité" électorale.
Iglesias a offert au PSOE la possibilité de candidatures communes seulement pour le Sénat, où on choisit des personnalités précises et non de listes. Le PP est toujours majoritaire à la Chambre haute à cause de divisions des différentes gauches. Cette proposition a provoqué des remous publics entre socialistes (surtout à Valence) contre Sánchez, qui a vite refusé l’idée.
Pour José Ignacio Torreblanca, professeur de sciences politiques, l’alliance Iglesias-Garzón, qui n’a pas encore de nom précis, va se retrouver face à des défis imprévus. Pourtant, Torreblanca a une idée bien claire : "Podemos base son succès sur son caractère de caméléon capable de muter".