Thématique : La Chine, avec François Godement

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Avec
  • François Godement Historien et sinologue, conseiller pour l’Asie à l’Institut Montaigne, membre associé du Carnegie Endowment for International Peace

Les trois dernières décennies ont été marquées par un développement économique sans précédent, souvent qualifié de « miracle économique ». En 1978, à l’initiative de Deng Xiaoping, le Parti communiste chinois s’est ouvert à l’« économie socialiste de marché », selon la formulation officielle consacrée. Une seconde phase de réformes a relancé au début des années 1990 le processus d’ouverture économique qui a permis une croissance record et abouti à l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001. Fin 2010, le pays est devenu la deuxième puissance mondiale derrière les Etats-Unis et devant le Japon. D'après la Banque mondiale, il pourrait être la première puissance économique de la planète d’ici à l’horizon 2020 - 2030. Il est aussi le premier exportateur mondial devant l’Allemagne, et un détenteur de réserves de changes considérable (près de 3.200 milliards de dollars mi-2011), notamment grâce à la sous-évaluation du yuan, monnaie non complètement convertible. Si la Chine a été moins affectée que ses partenaires par la crise financière de 2008, sa croissance a connu un ralentissement en 2012. Alors que le PIB avait progressé de 10,3% en 2010 et de 9,2% en 2011, elle est tombée au premier trimestre 2012 à 8,1%. En outre, le déficit commercial du pays a atteint le montant record de 31,5 milliards de dollars en février, un seuil jamais atteint depuis 1989. Après un développement essentiellement tourné vers les exportations et tiré par l’investissement, Pékin entend désormais réorienter sa production vers le marché national, concilier ses objectifs de croissance avec la maîtrise de l’inflation et des prix de l’immobilier. Si le revenu moyen a considérablement augmenté et la pauvreté globalement reculé, ce développement économique est marqué du sceau de l’inégalité et ses conséquences dévastatrices sur l’environnement sont impressionnantes.

La croissance économique du pays s’est accompagnée d’un renforcement de son poids sur la scène internationale. La Chine est le 2ème partenaire commercial de l’Union européenne après les Etats-Unis, son premier fournisseur et son 2ème client. Depuis 2008, le pays est le premier détenteur de bons du trésor américain, ce qui rend la coopération stratégique entre les deux pays indispensable. Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine s’est en février opposée à un projet de résolution visant à condamner la répression en Syrie.

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Le 18ème congrès du Parti communiste en octobre marquera la fin du règne du président Hu Jintao et du premier ministre Wen Jiabao. Les favoris pour les remplacer sont Xi Jinping et Li Keqiang. Le succès d’une révolte rurale et populaire dans la région de Wukan fin 2011, le limogeage brutal de Bo Xilai, ancien dirigeant de la section locale du Parti communiste dans la ville-province de Chongqing, l’immolation d’une trentaine de moines tibétains, ou encore la spectaculaire fuite aux Etats-Unis du dissident Chen Guangcheng cette année ont témoigné d’un climat de tension à l’approche de cette transition politique. Selon le rapport publié en mars par China Human Rights, une ONG basée à Hong Kong, « la répression n’a jamais été aussi forte depuis au moins dix ans », et près de « 4.000 militants politiques » ont été détenus cette année, la plupart dans des prisons non officielles.

François Godement, vous êtes professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, et dirigez la stratégie d’Asia Centre, institution de recherche et de débats sur l’Asie. Vous êtes l’auteur de nombreux ouvrages consacrés au continent asiatique, parmi lesquels La Renaissance de l’Asie (Odile Jacob, 1993), *Dragon de feu, dragon de papier : l’Asie a-t-elle un avenir ? * (Flammarion, 1998), ou encore Chine - Etats-Unis. Entre méfiance et pragmatisme (La documentation française, 2001). Dans un article publié en avril dernier dans Le Monde , l’économiste Nicolas Baverez analysait en ces termes la situation de la Chine : « Au terme de ses « trente glorieuses », la Chine n'a jamais été aussi puissante au plan extérieur, ni aussi fragile sur le plan intérieur. ». François Godement, cette caractérisation paradoxale vous semble-t-elle pertinente pour décrire la situation économique, politique et sociale du pays ? Pouvez-nous éclairer sur les enjeux de la transition politique qui aura lieu en octobre prochain, et sur la place qu’occupe le pays dans l’équilibre mondial ?

**Invités : **

François GODEMENT, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

Michaela WIEGEL, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung

Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

Max GALLO, romancier et historien

**Références : **

  • Simon Leys, « Anatomie d’une dictature post-totalitaire. La Chine d’aujourd’hui », Commentaire , n° 137, printemps 2012
  • China Analysis , publication électronique (dir. François Godement), accessible à www.centreasia.eu

**Programme de la prochaine émission thématique d’été : **

  • 26 août : Le Brésil, avec Jean-Pierre Langellier

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