La guerre oubliée au Yémen empire de jour en jour

Le pays est en train de sombrer dans l’anarchie et de se transformer en Etat failli, une réalité que l’Europe ne peut plus ignorer

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Un nouveau rapport du European Council on Foreign Relations souligne que la « guerre oubliée » au Yémen est devenue aussi dévastatrice que le conflit syrien qui ne cesse de faire la une des journaux, une réalité que les gouvernements européens ne peuvent plus ignorer.

Le conflit a vu émerger la plus grande crise humanitaire que le Moyen-Orient ait connue, avec 86% de la population au « bord de la famine » et nécessitant une aide humanitaire de toute urgence. Un embargo aérien et maritime mené par l’Arabie saoudite a coupé les importations nécessaires au pays qui importe 90% de sa nourriture.

 Dans ce contexte, l’effondrement des institutions, la fragmentation toujours plus importante des pouvoirs, et l’émergence de milices armées (qui incluent Al-Qaida et l’Organisation Etat Islamique (Daech) qui revendique l’attentat à la bombe de dimanche dernier qui a fait 49 morts à Aden) accélère l’effondrement total du pays. Le Yémen approche le point de non-retour, ce qui pourrait accroitre de manière dramatique la magnitude du défi que représente la région pour l’Europe.

Le pays doit maintenant faire face à une « génération sacrifiée » d’enfants ayant grandi sans avoir accès à l’éducation, mal nourris et avec peu de perspectives d’avenir à part rejoindre les milices, ce qui en font des recrutements de choix pour les mouvements extrémistes. Et avec trois millions de déplacés internes, le conflit pourrait bientôt produire une nouvelle vague de réfugiés vers l’Europe.

Ainsi, l’Europe a une obligation morale et stratégique d’adopter une position plus ferme vis-à-vis du conflit, de relancer un processus politique enlisé, et d’augmenter de manière significative l’aide humanitaire dont le pays a désespérément besoin.  La position européenne a pendant trop longtemps été caractérisée par sa complaisance envers les acteurs belligérants ou par son indifférence apparente. Mais l’élection de Trump a de forte chance de contraindre le continent à intensifier son engagement politique dans la région, et les Etats européens – à l’exception du Royaume-Uni, perçu par une majorité comme un élément déstabilisateur dans le conflit en raison de son soutien à la coalition saoudienne –  doivent à présent se saisir de leur rôle afin d’empêcher le pays de devenir un Etat failli.

Dans ce but, l’Europe doit focaliser ses efforts sur un processus de paix plus large et multisectoriel qui aurait pour fin d’élargir le soutien local à un processus de paix mené par l’ONU, afin d’inclure à la fois les forces houtistes et anti-houtistes, ainsi que les autres membres du Mouvement du Sud. Le rapport de l’ECFR appelle les Etats européens à faire pression sur la coalition d’Etats afin de mettre fin à l’embargo maritime et aérien qui s’est révélé catastrophique pour la situation humanitaire au sol. En raison de la relation étroite du pays avec Riyad, le rôle du Royaume-Uni pourrait pourrait être déterminant. 

L’auteur Adam Baron explique :

« Le Yémen n’a reçu qu’une fraction de l’attention internationale dédiée à la Syrie. De bien des manières, la situation actuelle est maintenant pire qu’en Syrie, en termes de situation humanitaire et en l’absence de tout contrôle étatique qui laisse le champ libre aux groupes extrémistes. Le pays est en train de sombrer dans l’anarchie et de se transformer en Etat failli, une réalité que l’Europe ne peut plus continuer d''ignorer, en partie à cause de la vague de réfugiés yéménites qui pourrait venir chercher refuge le long des côtes européennes. L’indifférence a depuis trop longtemps caractérisée la réponse européenne à cette crise atroce mais les impératifs moraux et stratégiques doivent à présent inciter les gouvernements à agir, avant qu’il ne soit trop tard ». 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.