Résister, endiguer et engager : pour une nouvelle approche européenne vis-à-vis de la Russie ?

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Principales conclusions :

  • Ces dernières années, l’Union européenne (UE) a basé sa politique vis-à-vis de la Russie sur des sanctions modestes, des offres périodiques de prise de contact, et un précautionneux accommodement avec les sensibilités stratégiques russes.
  • En revanche, l’approche russe de l’UE a été bien moins calibrée et a impliqué des tentatives délibérées de compromettre l’influence de l’Union européenne dans une grande partie de son voisinage.
  • L’Union européenne doit résister, endiguer et engager la Russie, tout en se préparant à avoir des échanges diplomatiques musclés avec elle.
  • Le bloc devrait revoir la façon dont il parle des droits humains et de la démocratie, tout en développant des liens militaires et sécuritaires plus proches avec certains de ses voisins des Balkans, de l’Est, du Moyen-Orient et de l’Afrique.
  • L’Union européenne doit continuer à coopérer, de façon sélective, avec le gouvernement et la société russes à travers des institutions multilatérales, une procédure de visa simplifiée, et un dialogue avec un large spectre d’organisations.  

Alors que les dirigeants européens se réunissaient dans le cadre du Conseil européen des 25 et 26 mars pour discuter des relations de l’Union européenne avec la Russie, l’ECFR produit une étude concise sur la façon dont l’Union européenne devrait aborder ses relations avec la Russie. Depuis son récent déplacement à Moscou, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell s’est exprimé en faveur d’une nouvelle triade politique pour relationner avec la Russie : résister, endiguer et engager. Comment l’Union européenne peut-elle transformer ce nouveau slogan en politique concrète ?

Le dernier rapport de l’ECFR co-écrit par Carl Bildt, Gustav Gressel, Kadri Liik et Nicu Popescu – Résister, endiguer et engager : pour une nouvelle approche européenne vis-à-vis de la Russie ? – définit plusieurs façons pour le bloc d’adapter sa politique vis-à-vis de la Russie à ces nouveaux impératifs et pour transformer des concepts en politiques concrètes.

Les Etats membres de l’UE devraient adopter une approche plus géopolitique vis-à-vis de la Russie, notamment à travers ces différentes actions :

  • Résister : Toute politique permettant à l’Union européenne de réaffirmer sa position – accroître sa puissance militaire, son intelligence, son indépendance énergétique – augmentera la capacité de l’Union européenne de parler aux autres puissances en position de force. Elever la voix pour le respect des droits humains et des valeurs démocratiques est une façon de projeter une Union européenne forte et confiante.
  • Endiguer : la Russie a fait usage d’un réseau croissant de partenariats et d’alliances pour compromettre l’influence de l’Union européenne dans des régions clés. En réponse, l’Union européenne et ses états-membres doivent : accroître la coopération entre l’Union européenne et les Etats-Unis vis-à-vis de la Russie ; renforcer la coopération sur les questions sécuritaires et militaires avec les pays d’Europe de l’Est ; et commencer à investir dans des partenariats militaires, sécuritaires et cyber avec des pays tels que l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.
  • Engager : l’Union européenne devrait aussi aspirer à dialoguer avec la Russie. Les efforts conjoints liés au changement climatique et à d’autres problématiques environnementales pourront avoir lieu dans un cadre multilatéral. La coopération dans la lutte contre le terrorisme doit continuer (même si elle est surtout bilatérale). La coopération sur les vaccins est également une initiative utile. Le Covid-19 n’a pas de nationalité ; les mesures pour le contenir ne devraient pas en avoir non plus.

Nicu Popescu, le directeur du programme Europe élargie à l’ECFR, souligne que :

« Une approche musclée ne fait pas partie de la culture stratégique de l’Union européenne ni de sa zone de confort diplomatique. Mais être mis à l’écart des rangs des puissances mondiales est certainement une perspective plus inconfortable encore pour l’Union européenne que d’essayer d’apprendre le langage de la puissance et d’agir comme une puissance. En d’autres mots, un meilleur dialogue avec la Russie sera possible lorsque l’Union européenne commencera à agir de façon plus musclée, domestiquement et internationalement. A ce moment-là, le dialogue sera relancé. Mais l’Union européenne doit venir à la table des discussions avec plus de cartes à jouer qu’elle n’en a à présent. »

Dans les relations internationales, la confrontation et la coopération ne sont pas des antonymes mais les deux faces d’une même pièce. De ce fait, l’Union européenne doit chercher à retrouver son influence régionale dans son voisinage et empêcher les capacités des autres puissances – qu’il s’agisse de la Russie, de la Chine ou même de la Turquie – d’aller contre ses intérêts. Pour atteindre cet objectif, le bloc doit appliquer la stratégie de Josep Borrell « résister, endiguer et engager » avec des politiques affirmées et à plus de partenaires que la seule Russie. 

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.