Pourquoi l’Etat doit vendre maintenant ses entreprises

Il est temps pour l'Etat de rendre totalement au privé des entreprises où une poignée de salariés peuvent prendre un pays en otage.

Que retenir de la grève des pilotes d'Air France ? Qu'il est temps pour l'Etat de rendre totalement au privé des entreprises où une poignée de salariés peuvent prendre un pays en otage. La période boursière est idéale.

Photo: les Echos

La grève des ultraprivilégiés pilotes de ligne d'Air France (pour mémoire : salaire moyen annuel de 168.000 euros, treize jours de repos mensuel, retraite pleine à 60 ans et une pénibilité du travail très relative) est un modèle du genre. Elle a ruiné en quelques jours des années d'efforts et de sacrifices considérables – à commencer par la suppression de 8.000 postes – entrepris pour assurer la survie de cette entreprise leader européen, projetant l'image et la réalité de la France dans le monde.

Que faire face à de tels actes de terrorisme économique, par lesquels une poignée d'individus surpayés, âpres au gain et bien organisés prend en otage une société de 70.000 personnes, contribue à faire chuter le pays, et perturbe gravement la vie et l'organisation de milliers de familles et d'entreprises ?

Un terrorisme économique qui devrait faire des émules : hier, ce furent les professions libérales du droit et de la santé qui manifestèrent leur mécontentement. A qui le tour, demain : les sapeurs-pompiers ? La police ? La magistrature ? La SNCF ? La RATP ? Les taxis parisiens, infirmiers, dockers, routiers ?

Certains desmembres de l'exécutif ne s'en cachent plus, confiant leur certitude qu' « on ne tiendra pas jusqu'en 2017 ».

On fera crédit à l'exécutif actuel d'être conscient de la gravité de la situation : épuisé après deux années de navigation à vue, d'échecs répétés (réforme éducative, courbe du chômage, résorption des déficits) sauf dans l'exacerbation des clivages nationaux (chasse aux riches, mariage pour tous), l'exécutif multiplie les signes de burn-out. Certains de ses membres ne s'en cachent plus, confiant leur certitude qu' « on ne tiendra pas jusqu'en 2017 ».

Faut-il en arriver à souhaiter que cet exécutif-là abrège son mandat, d'une manière ou d'une autre, alors que la France est engagée sur plusieurs théâtres d'opérations militaires et que les menaces terroristes sur son territoire se précisent ? Ce n'est pas le moment, pour l'appareil d'Etat, de lâcher prise sur l'essentiel, c'est-à-dire le régalien, où il montre encore une vraie compétence, malgré un manque de moyens parfois stupéfiant.

Or, tel n'est pas le cas dans le domaine économique et social, où l'action de l'Etat renvoie une image diamétralement opposée : une rare incompétence doublée d'une débauche de moyens ; des budgets pantagruéliques, en augmentation constante, que personne n'est capable de contrôler (les 64 milliards d'euros de l'Education nationale, les 580 milliards de la Sécurité sociale, les 32 milliards de la formation professionnelle), surtout quand les syndicats s'en mêlent, au nom d'une cogestion paritaire qui cache de plus en plus difficilement ses pratiques de système à l'italienne.

Par où commencer ce nécessaire lâcher-prise de l'Etat ? On comprend que ce gouvernement n'osera pas s'attaquer au coeur du problème français, en abrogeant ces tueurs d'emplois et de confiance que sont le Code du travail, celui de la Sécurité sociale, et l'empilement des statuts et prébendes. Seul un pouvoir fort, relégitimé par les urnes, pourra entreprendre cette oeuvre de salut public, par séries d'ordonnances. En attendant ce moment de vérité, l'exécutif actuel, dans le temps qu'il lui reste, pourrait commencer par une action plus facile, et aux bénéfices plus immédiats. La grève chez Air France l'a montré : à l'instar de la SNCM, les syndicats savent que, avec l'Etat actionnaire, ils ont affaire à un interlocuteur faible, d'autant plus capable de reculades qu'il ne se sent pas comptable de l'argent qu'il distribue.

L'exécutif actuel, dans le temps qu'il lui reste, pourrait commencer par une action plus facile, et aux bénéfices plus immédiats.

Dont acte. Il est temps pour l'Etat de se désengager de la plus grande partie des entreprises dans lesquelles il est présent. A travers les innombrables participations de la Caisse des Dépôts et Consignations, de l'Agence des participations de l'Etat, de la BPI, des centaines de milliards d'euros sont actuellement mal gérés par l'Etat. Mal gérés, car l'Etat n'a plus de politique d'actionnaire claire ou efficace, naviguant entre l'immobilisme d'un banquier privé en préretraite et l'aventurisme d'un capitalisme de connivence. A ce titre, la multiplication récente des investissements tous azimuts de certaines institutions d'Etat rappellent les pires heures du Crédit Lyonnais – et fournissent à nos partenaires européens toutes les bonnes raisons de freiner le projet, pourtant si nécessaire, du plan Juncker d'investissements paneuropéens à 300 milliards d'euros. L'investissement, oui ; l'arrosage d'argent public à la française, non.

D'EDF à Air France en passant par GDF Suez, Aéroports de Paris, Renault, Orange, la Française des Jeux, la CNP, les aéroports régionaux, l'inventaire à la Prévert des participations de la BPI, le moment est idéal pour tout mettre en vente. Il faut profiter des valorisations boursières actuelles, artificiellement gonflées par les politiques de « quantitative easing » des différentes banques centrales – BCE désormais enfin incluse – et qui ne dureront pas éternellement. Plusieurs centaines de milliards d'euros pourraient ainsi venir réduire le montant écrasant de notre dette publique – avant que les taux d'intérêt, eux aussi artificiellement bas, ne remontent et n'asphyxient nos finances publiques. Un tel programme de privatisations et de cessions de gré à gré, au bénéfice des entreprises et des investisseurs français, européens et mondiaux, enverrait un signe enfin rassurant à nos partenaires – en particulier européens.

Bien sûr, un tel programme entraînerait la suppression automatique de nombreux postes et sinécures enviables pour une poignée de hauts fonctionnaires. Mais, si c'est le prix à payer pour que la France sorte de sa spirale d'échec, et retrouve son rang, sa dynamique et sa confiance en elle-même, alors allons-y et sans tarder.

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