Macron en Inde : une opportunité manquée pour l’Europe ?

Le message de Macron à Modi était « Choisissez la France » plus que « Choisissez l'Europe ».

Le message de Macron à Modi était « Choisissez la France » plus que « Choisissez l'Europe ».

Depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron s’est fait remarquer par son enthousiasme pour le multilatéralisme et pour une place retrouvée pour la France sur la scène internationale. Sa visite en Inde ne fut pas une exception : aux côtés du Premier ministre Narendra Modi, il a annoncé la signature de nombreux accords, renforçant le rôle de la France dans la région.

Cependant, contrairement à sa visite d'Etat en Chine en janvier dernier, où il saluait la coopération franco-chinoise comme un moyen de promouvoir les liens avec l'Union européenne, l'Europe n'a été mentionnée qu'une seule fois au début de cette visite indienne. En fin de compte, ce fut un voyage très bilatéral, dont le message fut « Choisissez la France » plutôt que « Choisissez l'Europe ».

Le président français est arrivé à New Delhi avec de grandes ambitions : faire de la France la porte d’entrée de l'Inde en Europe et faire de l'Inde le premier partenaire stratégique de la France en Asie, une ambition qu'il avait déjà clairement exprimée lors de la campagne présidentielle l’an dernier.

Avec l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni affaiblis par divers problèmes de politique intérieure, Macron cherche à se positionner comme l'interlocuteur le plus crédible en Europe. La Chine est en passe de devenir une dictature, alors que le monde fait face au chaos provoqué par la politique étrangère et économique de Donald Trump, de ce fait la France – avec son président charismatique – devient un partenaire de plus en plus attrayant sur la scène internationale.

Il n'est donc pas surprenant que la visite ait abouti à un haut niveau de coopération entre la France et l'Inde. Samedi, il a été annoncé que les deux pays avaient signé des accords commerciaux d'une valeur de 13 milliards d'euros, dont un contrat de 12 milliards d'euros pour l'achat de moteurs à réaction français de l’entreprise Safran.

En outre et de manière d’autant plus significative, les deux parties ont également convenu d'une vaste coopération stratégique et de défense, qui selon les commentateurs, est une réponse à la croissante présence chinoise dans la région.

La région de l'océan Indien est l'une des principales routes commerciales internationales où la position dominante de l'Inde – et la porte de l'Europe vers l'Asie – est remise en question par le développement d'un réseau commercial, d'infrastructures et, dans une certaine mesure, militaire par la Chine. Dans un message clair adressé à Pékin, Macron implique que la région ne peut être soumise à une quelconque hégémonie.

Macron et Modi ont également signé une vision stratégique commune qui vise à assurer la liberté de navigation dans l'océan Indien et qui prévoit l'utilisation de leurs installations militaires respectives. La France a ouvert sa base navale de La Réunion aux bâtiments militaires indiens, et pourrait offrir l'accès à celles de Djibouti et Abu Dhabi à un stade ultérieur. Il reste à voir ce que les Indiens offriront.

Dans cet esprit, il convient de rappeler qu'il existe des précédents d'importantes visites d'État en Inde où des annonces comparables ont été faites mais n'ont finalement pas apporté le niveau de coopération attendu. Il faudra suivre les prochaines étapes des échanges pour voir dans quelle mesure ils correspondront aux récents engagements. Il est également intéressant de noter qu'à la fin de la visite en Chine, Macron a promis d’y revenir chaque année. Aucune promesse de ce genre n'a été faite en Inde.

Pourtant, quels que soient les avantages que la visite apportera à la coopération entre l'Inde et la France, il est clair qu'elle n'a pas fait grand-chose pour stimuler les intérêts de l'Union européenne (UE). L'UE préférerait que l'Inde s’adresse à elle comme un bloc, mais à ce jour, New Delhi a préféré les échanges bilatéraux, jouant sur la concurrence intra-européenne et leurs attitudes contrastées sur les droits de l'homme en Inde. La visite de Macron aura peu fait pour changer cela.

Les relations UE-Inde sont entachées de beaucoup de difficultés voire d’idées erronées, mais ces deux espaces ont en réalité beaucoup en commun : ils sont constitués de 28 États, avec des langues, des systèmes sociaux et culturels différents, une diversité économique et des relations compliquées avec leurs voisins. Ces similitudes fournissent des bases pour des relations plus étroites. Cependant, si l’UE veut être traitée comme un bloc, elle devra à l’avenir mieux faire pour convaincre ses dirigeants de faire passer les intérêts européens avant les intérêts nationaux.

 

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