Le réseau énergie/sécurité en Europe du sud-est

Ditmir Bushati explique comment une meilleure connexion énergétique dans le sud-est de l'Europe permettra à cette région de devenir un partenaire stratégique de l'UE.

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L'énergie a été un des outils utilisés par les pères fondateurs de l'Union européenne (UE) pour se diriger vers une réconciliation sur le vieux continent plus de soixante ans auparavant. Aujourd'hui plus que jamais, l'énergie constitue encore l'un des défis les plus pressants pour l'UE et les pays candidats.

Si l’on observe l'évolution de la sécurité énergétique ces dix dernières années, on peut avoir l’impression que l'Europe a été en mesure de dépasser en grande partie la fracture Est/Ouest. Malgré cela, l'écart Nord/Sud demeure et ce surtout du point de vue des investissements et des infrastructures énergétiques. Cela constitue probablement l'une des failles cachées de l'organisation énergétique en Europe.

Comme l’ont bien confirmé de récentes crises dans les pays voisins à l’est et au sud de l'Europe, la sécurité énergétique est devenue l'un des paramètres géopolitiques les plus importants d'influence pour les acteurs tiers en Europe du sud-est.

C’est dans ce contexte que le Conseil de l'UE a salué le 20 juillet le plan d'action sur la diplomatie énergétique de l'UE proposé conjointement par le Haut Représentant et la Commission. Ce plan d'action a pour objectif d’inaugurer de nouvelles synergies avec les partenaires de l'UE et de faciliter la diversification des routes et des fournisseurs d'énergie.

Les conclusions du Conseil sur la diplomatie énergétique de l'UE soulignent à juste titre que « le soutien diplomatique devrait se concentrer sur le corridor Sud pour le gaz et sur le potentiel stratégique de la région de Méditerranée de l’est ». En effet, comme nous l’ont montré les événements relatifs à Nabucco et à South Stream, ces gazoducs virtuels peuvent entraîner incertitude, déception et stress géopolitique entre les acteurs régionaux, européens et mondiaux. De plus, la crise de l'euro doit également être prise en compte comme facteur quand on aborde la question de savoir comment les pays réagissent par rapport au casse-tête de la sécurité énergétique régionale.

Dans cet environnement confus, le Trans Adriatic Pipeline (TAP) est actuellement le seul projet tangible dans le cadre d’un corridor Sud plus large.

La première étape de la construction du TAP a été entreprise il y seulement quelques semaines en Albanie et quand il sera fini, le pays sera en mesure de devenir un hub énergétique permettant l'approvisionnement des pays voisins grâce au très attendu gazoduc adriatique ionien (IAP) qui manquait dans la boîte à outils de sécurité énergétique de l'Europe du sud-est.

Ces gazoducs diversifieront considérablement l'approvisionnement énergétique  en Europe du Sud-Est tout en contribuant à éviter des prix élevés et des événements désagréables comme les impasses sans fin dont Europe de l'est a été témoin ces dix dernières années.

Le fait que l'UE se concentre actuellement sur la consolidation du marché européen de l'énergie et considère les pays d’Europe du sud-est comme des partenaires importants dans ce processus, représente certainement un pas de plus dans la bonne direction. En outre, le plan d'action de diplomatie énergétique souligne la nécessité de tirer parti des instruments financiers existants, tel que l'instrument d'aide de préadhésion, pour soutenir les politiques de diversification de l'énergie et la transformation des systèmes énergétiques. Cependant, cela ne suffit pas.

Afin d'augmenter la sécurité énergétique dans la région, nous devons faire meilleur usage des potentialités énergétiques existantes. Pour le dire autrement, ce qui est plus que primordial à ce stade est de relier les différents ilots énergétiques dans cette partie de l'Europe.

Une meilleure connexion énergétique permettra aux pays de la région de s’intégrer au sein d’une longue chaîne de connectivité et d'améliorer leur capacité à faire face aux chocs d'offre. Cela dit, les projets actuels d'interconnexion ne suffisent pas pour que nous puissions nous diriger vers un réseau favorable de sécurité énergétique en Europe du sud-est. En 2014, la Stratégie européenne de sécurité et les tests de résistance ont montré que les pays d'Europe du sud-est restent menacés par une crise énergétique et par la mauvaise qualité des infrastructures dans ce secteur. Ainsi, dans ce contexte, il faut aller plus loin.

En août dernier, la chancelière allemande Angela Merkel a réuni les Premiers ministres des Balkans occidentaux à Berlin pour tenter d’insuffler un nouveau souffle à la coopération dans la région et au programme d'intégration de l'UE. Le processus dit de Berlin a depuis eu des résultats positifs étant donné qu’il a rendu prioritaires dans cette zone des projets régionaux phares d'infrastructure.

Alors que les pays des Balkans occidentaux sont en train de se préparer pour le prochain sommet qui se tiendra à Vienne en août, il est crucial que la stratégie de l'UE pour la région prenne en compte cet élément de sécurité énergétique afin d'encourager l'investissement privé étranger et de mieux utiliser les fonds de l'UE pour le développement des infrastructures énergétiques de piètre qualité dans le sud-est de l'Europe.

Les pays candidats en Europe du sud-est ont besoin de projets d'investissement conjoints dans le domaine des énergies renouvelables, d’interconnexions transfrontalières, d’une utilisation plus importante de l'hydroélectricité et surtout – d’un alignement sur la législation énergétique de l'UE, en particulier avec son troisième paquet énergétique.

Dans un paysage géopolitique difficile, il est grand temps pour l'UE d'élaborer un concept audacieux et englobant dans le domaine de la sécurité énergétique pour l'Europe du sud-est. Cela aidera à assurer de bonnes conditions pour l’investissement des entreprises européennes dans la région et à retrouver une concurrence saine contre les pratiques de corruption qui ont généralement tendance à favoriser l'implication d’acteurs tiers.

En effet, relier les ilots énergétiques dans le sud-est de l'Europe aidera à construire une véritable région d’un point de vue économique ainsi que sécuritaire. Cette région pourra remplir le rôle de partenaire stratégique pour l'UE au sein d’un réseau plus large de sécurité énergétique.

Enfin, il ne faut pas oublier, qu’une approche aussi audacieuse permettra de consolider davantage la coopération régionale et le programme d'intégration des pays des Balkans occidentaux de l'UE en suivant l'exemple réussi des six États fondateurs de l'Union européenne.

 

Ditmir Bushati est Ministre des Affaires Etrangères de l'Albanie et membre du conseil de l'ECFR.

L'ECFR ne prend pas de position collective. Les publications de l'ECFR ne représentent que les opinions de leurs auteurs.