Iran : la possibilité d’une sécurité collective

Le président Obama semble avoir réuni la minorité de blocage qui, au sein du Congrès américain, empêchera ce dernier de défaire l'accord conclu avec l'Iran sur son programme nucléaire.

Le président Obama semble avoir réuni la minorité de blocage qui, au sein du Congrès américain, empêchera ce dernier de défaire l’accord conclu avec l’Iran sur son programme nucléaire. Ce succès politique permet ainsi de consolider un succès diplomatique majeur. La mise en œuvre de l’accord  du 14 juillet dernier doit en effet mettre fin à la menace d’un programme nucléaire militaire iranien.

Alors que cet accord a suscité inquiétudes et appréhensions tant en Israël que dans le monde arabe, certains espèrent qu’en permettant une normalisation des relations entre Téhéran et la communauté internationale, l’accord favorise aussi des discussions sur de nombreuses crises régionales où l’Iran est un acteur clé, comme en Syrie, et le cas échéant ouvrent la possibilité d’un apaisement des tensions régionales.

Mais il est une autre raison pour laquelle cet accord est important, que le débat qui s’est tenu durant l’été aux Etats-Unis permet de mettre en évidence. Pour la plupart des opposants à l’accord, en effet, c’est comme si c’était le principe même de l’accord qui était inacceptable.

Ils doutent qu’on puisse faire confiance à l’Iran. Mais cet accord n’est évidemment pas construit sur la confiance. Au contraire, le rétablissement de la confiance sera une conséquence de sa pleine mise en œuvre, de part et d’autre d’ailleurs. L’accord prévoit en conséquence un dispositif de vérification et un échéancier soumis à condition pour la levée progressive des différentes mesures de sanctions, notamment économiques.

Les opposants doutent aussi qu’en cas de violation par l’Iran, les sanctions soient jamais rétablies par les partenaires des Etats-Unis, voire même que ces sanctions puissent avoir un effet sur Téhéran. Le bilan des sanctions internationales est discuté de longue date, mais l’Iran semble plutôt un exemple de situation où elles ont fonctionné en convainquant ce pays de modifier son comportement au moins sur le dossier nucléaire. Et l’accord du 14 juillet prévoit qu’en particulier les sanctions onusiennes seront rétablies en cas de violation par l’Iran de ses engagements, sauf à ce que le Conseil de sécurité s’y oppose à l’unanimité : il suffira à un seul membre du Conseil de soutenir les sanctions pour qu’elles soient rétablies pour tous.

Les opposent doutent encore que l’accord donne à la communauté internationale les moyens de vérifier que l’Iran respecte ses engagements. Ils estiment que les inspections de l’Agence internationale à l’énergie atomique seront dupées aisément, ou que les délais de préavis permettront toutes les tricheries. Mais la seule alternative acceptable pour eux à cette situation est que l’Iran cesse toute activité nucléaire… ou de recourir à l’option militaire.

Certes, l’accord n’est pas parfait. Il n’offre pas en particulier une garantie absolue et indéfinie sur le comportement futur de l’Iran. Mais c’est l’essence du droit que de ne pas pouvoir empêcher tout crime. On touche là au cœur du problème. Pour les opposants, cette incertitude est insupportable. Elle suffit à disqualifier toute forme d’accord, ou même de négociation, en l’absence de confiance rétablie au préalable entre les parties.

C’est la radicalité de cette approche qui conduit les néo-conservateurs à la politique de « changement de régime », en Irak hier comme en Iran aujourd’hui, et à la guerre contre le terrorisme : contre un Etat jugé menaçant, la seule solution est de placer à sa tête un régime ami ; et face à des groupes armés non-étatiques, la seule option est l’élimination physique.

A ce degré de défiance, la seule façon d’assurer sa sécurité nationale pour un Etat est de ne dépendre que de ses propres décisions et de sa propre capacité d’action. Cela pouvait déjà inquiéter quand certains croyaient encore que le monde était unipolaire et la puissance américaine légitime par nature. Cela est encore plus inquiétant aujourd’hui où la violence est diffuse et asymétrique. Dans un tel monde, l’idée de sécurité collective s’efface devant la guerre de tous contre tous. C’est une situation intenable, y compris pour la première puissance économique et militaire mondiale.

Au contraire, l’accord du 14 juillet s’inscrit dans une logique différente. Il n’est pas un chèque en blanc fait à l’Iran. Il n’est pas non plus un abandon de notre sécurité à l’ONU ou l’Agence internationale de l’énergie atomique. Mais il cherche à construire la possibilité d’une sécurité collective. Pour le président Obama, cet accord montrait que la diplomatie pouvait marcher. Mais la mise en œuvre de l’accord devra confirmer que la communauté internationale peut se fier au résultat de telles négociations.

Dès lors, souhaiter que la mise en œuvre de l’accord se fasse avec toute la fermeté requise n’est pas faire concession aux néo-conservateurs comme on l’entend parfois en Europe et ailleurs dans le monde. C’est au contraire donner une chance à un système international de sécurité crédible et efficace fondé sur des solutions négociées, des règles et des institutions, pour que la sécurité de chacun continue à dépendre de celle de tous, et non de sa seule puissance./.

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