Faire en sorte qu’un accord sur les migrations tienne

Mattia Toaldo fait le point sur la réponse de l'UE face aux flux migratoires.

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Les dirigeants européens qui débattent de la politique migratoire de l'Union européenne (UE) lors du Conseil européen de cette semaine n’ont pas une tâche facile. Les migrations sont un problème comportant un impact national très puissant et des dirigeants comme Renzi, Cameron, Hollande et les Premiers ministres des pays nordiques luttent pour échapper à la perception de leurs pays d’une « invasion » de personnes déplacées.

La bonne nouvelle est que les dirigeants européens prennent lentement conscience du fait que la lutte contre les migrations au sein du « Home office/Ministère de l’Intérieur » ne fonctionne pas. Une solution à la fois humaine et viable doit nécessairement inclure la politique étrangère et une meilleure distribution du « fardeau » entre les 28 Etats membres. Quels qu’en soient le résultat, le fait qu'il y ait à présent une conversation ouverte à propos des migrations au plus haut niveau de l'UE devrait bien être accueilli.

L'efficacité des décisions prises lors du Conseil sera testée au regard de quatre éléments. Tout d'abord, même si l’idée d'un système de quotas obligatoires ne semble pas être à l’ordre du jour, un mécanisme efficace de partage du fardeau devra être mis en place afin que tous les réfugiés ne finissent pas en Suède, en Allemagne, en Italie ou en France. Le manque de solidarité envers ces quatre grands receveurs de demandeurs d'asile dans le cadre de l'élaboration d'une solution a été tout à fait frappant.

Un deuxième critère est de savoir si le système actuel de Dublin sur l'asile est supprimé de sorte à ce que l'identification et la soumission des demandes ne se fasse pas dans le premier port d'arrivée. Pour le moment, cela signifie que la plupart des demandeurs d'asile devrait être identifiés et faire leur demande soit en Italie soit en Grèce ce qui n’est ni dans l'intérêt des migrants, ni dans celui de ces deux pays. Certains compromis devront à terme être faits entre l'identification des demandeurs d'asile dans leur premier port européen d'arrivée et la possibilité pour eux de demander l'asile dans un pays différent. L'alternative est ce qui se passe actuellement : les gens qui débarquent en Italie ou en Grèce « disparaissent » immédiatement puis réapparaissent dans les pays où ils comptent déposer leur demande ce qui crée d'énormes opportunités pour les trafics et l'illégalité.

Troisièmement,  l'alternative la plus réaliste à l'immigration illégale est de créer des voies d’accès sûres et légales vers l'Europe. La proposition de créer des camps et des « centres d'accueil » au Niger ou en Tunisie pourrait constituer soit un moyen d'éloigner la politique de refoulement de l’Europe soit une façon de permettre à ceux qui ont le droit d'asile en Europe de demander l’asile sans avoir à risquer leur vie dans le Sahara et en Méditerranée. Ceci est un acte d'équilibrage extrêmement compliqué et nous verrons probablement beaucoup de tentatives et d'erreurs. Pourtant, il existe un lien tangible entre l'élimination des moyens juridiques d’accéder à l'Europe et la hausse des trafics humains. En fin de compte, la seule façon dont ce système peut être crédible est qu’il fonctionne en parallèle d’efforts réalistes mis en œuvre pour lutter contre le trafic d’êtres humains.

Quatrièmement, nous devrons faire attention aux erreurs fatales causées par l'hystérie au sujet d’une supposée « invasion ». L’Europe, un bloc de plus de 500 millions d'habitants, semble terrifiée par l'arrivée de 100 000 personnes alors que le Liban avec quatre millions d'habitants a accepté un million de Syriens. L'hystérie européenne a conduit à la naissance de mauvaises idées – heureusement – aujourd’hui disparues telles que celle de « bombarder les bateaux » de contrebandiers. Pourtant, d'autres idées inefficaces être d’actualité, telles que celle de donner de l'argent au régime érythréen pour contenir les migrations que des milliers de personnes fuient désormais. Généralement, externaliser le problème peut fournir des résultats limités dans une situation où les Etats se sont déjà effondrés ou qui mettent en œuvre comme en Erythrée des politiques qui constituent les principaux moteurs de migrations – y compris tirer sur ceux qui tentent de fuir le pays.

Une approche différente est possible et bon nombre de ses composantes sont déjà présentes dans l'agenda sur les migrations de la Commission. Plus de voies ouvertes, comme mentionné ci-dessus, sont un élément si tant est que les dirigeants européens soient assez courageux pour expliquer à l’opinion publique que cela constitue le moyen le plus réaliste d'obtenir moins de criminalité et plus de travailleurs légaux qui ne proposent pas leurs services à moindre coût par rapport aux travailleurs européens. Les Européens devraient aussi traiter avec les acteurs locaux pour réprimer les comportements criminels et réduire les réseaux de contrebande. Deuxièmement, dans la lutte contre les réseaux de contrebande, l’Europe pourrait tirer des leçons du secteur privé. Les compagnies pétrolières ont réussi à sécuriser le chemin depuis les puits de pétrole jusqu’aux ports grâce à un patient travail sur les relations locales, ce qui va bien au-delà de cette caractérisation injuste de « corruption de criminels ». Troisièmement, un élément souvent négligé de l'agenda sur les migrations de la Commission de l'UE pourrait effectivement donner de très bons résultats : renforcer les capacités d'enquête dans les pays de départ et de transit afin de mieux lutter contre les réseaux criminels.

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