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L'immigration, obsession gagnante d'Orbán pour les Européennes

Le Fidesz, parti du premier ministre hongrois Viktor Orban, devrait remporter plus de la moitié des 21 sièges réservés aux eurodéputés hongrois dans le futur Parlement européen.

Une voiture ralentit à hauteur d'une mère avec sa poussette, la femme au volant lance par la vitre ouverte: «– Garçon ou fille? – Fille. – Peu importe, continuez comme ça, faites plus d'enfants, j'veux pas me retrouver en minorité contre les migrants!» avant de repartir illico. «A-t-elle déjà vu le moindre migrant ici?» questionne Réka, quelques minutes après avoir été ainsi interpellée.

Ici, c'est Visegrád, village situé au bord du Danube à quarante kilomètres en amont de Budapest. La localité a donné son nom au rassemblement des pays d'Europe centrale dont les gouvernements rejettent la répartition des migrants voulue par l'Union européenne.

«Voulait-elle parler des dizaines de milliers de Chinois et de Russes à qui le gouvernement a vendu des permis de résidence?» continue ironiquement Réka.

Propagande

Erzsi, avocate à la retraite, abonde car elle n'en peut plus de l'atmosphère politique dans laquelle baigne le pays. «Ça me désole tellement de voir tous ces gens qui gobent la propagande, surtout les petits vieux qui regardent la télé et écoutent la radio, ils croient vraiment qu'il y a une menace d'invasion», dit-elle. Elle connaît la conductrice en question, elle vient de Transylvanie, région de Roumanie où vit une forte minorité magyarophone, et son fils vient de rentrer après plusieurs années comme serveur en Grande-Bretagne. «Dans mon village, une femme est même sortie en pleine nuit en hurlant qu'il y avait un migrant sous son lit! Parfois, je demande à mes enfants ce qu'ils font encore ici…», soupire-t-elle.

Quatre cent mille migrants étaient passés par la Hongrie lors de la crise migratoire de 2015, mais cela fait trois ans que la Hongrie n'est plus sur la route des migrants. Sur le premier trimestre de cette année, le pays n'a enregistré que 144 demandes d'asile et a accordé un statut de protection à douze personnes. Mais «ils peuvent revenir», assure le premier ministre Viktor Orbán. Alors en attendant, la Hongrie se tient prête. Les 80% de médias favorables au gouvernement maintiennent la population dans un état de panique latent, et les femmes sont incitées à procréer.

Comme tous les foyers du pays, les deux mille habitants de Visegrád ont reçu cet hiver un courrier frappé du sceau du gouvernement dans lequel le premier ministre – sous forme d'un questionnaire de «consultation nationale» – cherchait leur soutien pour sa politique opposant les familles hongroises aux migrants. «Stoppons l'immigration!» le slogan qui fait office de programme à Viktor Orbán pour les élections européennes du 26 mai, est affiché sur presque chaque poteau du village, tandis que des posters promouvant le «plan de protection des familles» sont accrochés aux réverbères.

Matraquage

Ce matraquage devrait encore une fois porter ses fruits dans les urnes pour le dirigeant hongrois qui a remporté haut la main tous les scrutins les uns après les autres depuis 2010. À en croire les sondages, son parti, le Fidesz, pourrait s'arroger à lui seul plus de la moitié des 21 sièges réservés aux eurodéputés hongrois dans le futur Parlement européen.

Mais tout le monde ne cède pas aux messages xénophobes pour autant. Dans une vaste étude paneuropéenne publiée au début du mois d'avril, le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) a montré que, à l'instar des pays du sud et de l'est de l'Europe, les Hongrois se montrent bien davantage inquiets de l'émigration de leurs propres concitoyens que de cette insaisissable immigration. À Visegrád, nombre de jeunes sont partis chercher fortune en Autriche, en Allemagne ou plus loin, comme plus d'un demi-million de Hongrois depuis le début de la décennie.

Malgré les diatribes récurrentes contre l'Union européenne, accusée par le gouvernement hongrois aussi bien de soutenir l'immigration que de miner son plan d'aide aux familles, l'opinion publique reste très majoritairement proeuropéenne et 80% des Hongrois rejettent catégoriquement toute idée de «Hunxit», la sortie de la Hongrie de l'UE.