Dépêche

Etudiant italien supplicié: les enquêteurs égyptiens rendent compte à Rome

Rome (AFP) - Une délégation égyptienne a rendu compte jeudi à Rome de l'état de l'enquête sur le supplice d'un étudiant italien au Caire, qui a choqué l'Italie, prête à des mesures de rétorsion si nécessaire pour faire éclater la vérité.

Deux magistrats égyptiens, dont le vice-procureur général Mostafa Soleiman, et trois responsables de la police, ont rencontré pendant cinq heures à l'école supérieure de police le procureur de Rome, Giuseppe Pignatone, son substitut Sergio Colaiocco et de hauts responsables des forces de l'ordre.

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Selon les médias, les responsables italiens ont présenté les résultats de l'autopsie effectuée sur l'étudiant à Rome et de l'examen de son ordinateur, tandis que la délégation égyptienne a présenté les développements de l'enquête depuis la visite de M. Pignatone mi-mars au Caire.

Les deux délégations doivent se retrouver vendredi pour une nouvelle session de travail, à l'issue de laquelle un communiqué conjoint est prévu, selon les médias italiens.

Enlevé le 25 janvier au Caire, Giulio Regeni, 28 ans, avait été retrouvé mort 10 jours plus tard, le corps couvert des stigmates de tortures épouvantables.

Depuis, l'Italie réclame avec force que les coupables soient identifiés et punis, en rejetant les multiples versions -- accident de la route, crime crapuleux, règlement de comptes personnel... -- avancées par les enquêteurs égyptiens.

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L'affaire a porté un coup sévère aux relations entre le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Les enquêteurs italiens attendent en particulier les relevés téléphoniques de Giulio Regeni et les images des caméras de vidéosurveillance du métro et des commerces dans le quartier où vivait le jeune doctorant de l'université britannique de Cambridge.

Mardi, le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, avait estimé que les rencontres entre les deux délégations "pourraient être décisives".

"Vérité commode"

Il a de nouveau rejeté comme "une tentative d'accréditer une vérité commode" la dernière version proposée le 25 mars par les autorités égyptiennes, selon laquelle la police a tué quatre membres d'un gang criminel spécialisé dans l'enlèvement d'étrangers et retrouvé chez l'un d'eux les effets personnels de Regeni.

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Si les réponses des enquêteurs égyptiens ne sont pas satisfaisantes, M. Gentiloni a assuré que le gouvernement italien était "prêt à réagir en adoptant des mesures immédiates et proportionnées".

"Nous ne laisserons pas piétiner la dignité de notre pays", a-t-il insisté.

"Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu un ministre italien des Affaires étrangères parler de la façon dont Gentiloni a parlé", a jugé sur ce point Mattia Toaldo, expert auprès de l'European council on foreign relations (ECFR), interrogé par l'AFP.

Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, s'est voulu clair lui aussi dans une vidéo mardi sur Facebook: "Nous nous arrêterons à la vérité, point, la vraie vérité".

Mais l'Italie, dont le groupe énergétique Eni vient de découvrir un gigantesque gisement de gaz en Egypte et qui a besoin de ce pays pour mieux stabiliser la Libye, marche sur des oeufs.

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Selon M. Toaldo, l'Italie pourrait, en guise de représailles, rappeler son ambassadeur, déconseiller à se ressortissants de se rendre en Egypte ou chercher le soutien de ses partenaires européens pour la condamner.

L'impact des conseils aux voyageurs resterait toutefois limité: l'affaire Regeni mais surtout les craintes d'attentat terroriste dissuadent déjà les Italiens. Les vols de la compagnie italienne Meridiana vers l'Egypte sont ainsi passés de 44 à 3 par semaine.

Malgré les vifs démentis du gouvernement égyptien, la presse italienne et les milieux diplomatiques occidentaux en Egypte soupçonnent des membres d'un des services de sécurité égyptiens d'avoir assassiné Giulio Regeni.

Selon les rapports d'autopsie, le jeune homme a vécu un véritable calvaire pendant plusieurs jours avant de mourir.

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"Je ne vous dis pas ce qu'ils lui ont fait. Sur son visage j'ai vu tout le mal de ce monde", a témoigné la semaine dernière sa mère Paola, assurant n'avoir reconnu que la pointe du nez de son fils et se disant prête à rendre publique la photo qu'elle a prise à la morgue si l'enquête n'avance pas.

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