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Moyen Orient et Monde - Analyse

Comment Xi veut faire de la Chine la première puissance mondiale

Après le 19e Congrès du Parti communiste, le président chinois s'est lancé dans un second mandat de cinq ans avec des objectifs clairs : la prospérité, la puissance et un contrôle sociétal accru.

À Pékin, le 16 octobre, un homme passe devant une affiche où il est écrit : « Le rêve chinois, le rêve du peuple. » Photo AFP

Il y a des signes qui ne trompent pas. Ceux-ci tiennent en un concept : « La pensée Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère. » Difficile d'imaginer que l'existence même de cette formule alambiquée révèle l'ampleur du pouvoir du président chinois. Xi Jinping a pourtant réussi à inscrire sa pensée dans la Constitution du Parti communiste fin octobre. Un privilège rare qui n'avait été accordé jusqu'ici qu'aux seuls Mao Zedong et Deng Xiaoping. Et encore, il s'agissait là d'un privilège posthume. Xi Jinping est, lui, bel et bien vivant et n'a jamais semblé aussi puissant qu'au lendemain du renouvellement de son mandat de cinq ans par le Congrès du Parti communiste. Après s'être fait déclarer « noyau » de la direction du parti, Xi Dada (« tonton Xi ») comme on le surnomme en Chine, a profité du Congrès pour placer ses hommes de confiance au sein des plus hautes institutions politiques chinoises, comme le bureau politique ou le comité permanent.

« L'opposition interne à Xi existe et la purge de Sun Zhengcai en juillet en a été la plus récente illustration, mais cette opposition semble faible et incapable de le menacer véritablement », note pour L'Orient-Le Jour Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du système politique chinois.

Il faut dire que l'opposition est sortie considérablement affaiblie de la « lutte contre la corruption » qui a constitué la mesure phare du premier mandat de Xi et qui a sanctionné plus de 1,5 million de personnes. « La lutte contre la corruption va se poursuivre, à la vitesse de croisière si on peut dire, avec Zhao Leji, un responsable moins puissant que Wang Qishan (l'ancien responsable de la campagne anticorruption), mais sans doute plus proche du président », précise M. Cabestan.

Au cours du second mandat de l'ancien président Hu Jintao (2007-2012), de nombreux cadres du parti avaient vu dans l'émergence des factions et le développement de la corruption au sommet de l'État les signes avant-coureurs d'une crise de gouvernance au sein du système politique chinois. Mais Xi Jinping s'est chargé de rétablir l'ordre, en faisant le ménage au sein du parti et en monopolisant le pouvoir, sous prétexte que le président est le mieux placé pour guider son pays sur la route de la prospérité économique. Les objectifs annoncés lors du 19e Congrès sont clairs et ambitieux. En 2049, pour les cent ans de la fondation de la République populaire, la Chine sera « un pays socialiste moderne, prospère et puissant » a promis le président Xi. Une promesse qui est au cœur du « rêve chinois », un mot d'ordre inventé et répété sans cesse par le président. « Le rêve chinois peut être résumé par deux objectifs : le bien-être pour la population chinoise et le statut de très grande puissance, voire de première puissance mondiale sur la scène internationale. Le nationalisme et la fierté nationale promus par le pouvoir à travers ce concept poursuivent aussi un objectif intérieur qui est de cimenter la société autour du Parti communiste et du système politique de parti unique », décrypte Jean-Pierre Cabestan.

 

« La grande renaissance nationale »
Le ciment sociétal, Xi Jinping le construit parfois à base de références historiques qu'il maîtrise bien et qu'il se plaît à citer. Confucius, Han Fei Zi (souvent présenté comme le « Hobbes chinois »), le maoïsme des années 1940 : tout est bon pour promouvoir l'ordre, le respect, la loyauté, tout en valorisant la culture traditionnelle chinoise qui fait de la Chine un pays à part et peu concerné par les notions de démocratie et de droits de l'homme perçues comme des concepts occidentaux non universels. « Camarades, nous sommes, aujourd'hui, plus près, plus confiants et plus capables que jamais de réaliser l'objectif de la grande renaissance nationale », s'est félicité le président chinois lors du Congrès.

L'ambition sous-jacente est explicite : la population doit faire corps derrière son dirigeant et derrière son parti. « Pendant son discours d'ouverture, Xi Jinping a mentionné le Parti communiste 331 fois et il a insisté sur son rôle absolu. À l'inverse, la réforme politique est absente des thèmes du discours alors qu'elle était présente au précédent Congrès », remarque François Godement, responsable du programme Asie et Chine à l'European Council on Foreign Relations, contacté par L'OLJ.

Profondément marqué par la chute du régime communiste en URSS au début des années 1990, le pouvoir chinois ne veut pas réitérer les mêmes erreurs. De fait, le « rêve chinois » et la promesse de prospérité économique se doublent d'un volet bien plus autoritaire. « Xi Jinping et ses proches peuvent tout contrôler grâce à la technologie moderne et aux nouvelles techniques de l'information. Ils peuvent faire des choses que leurs prédécesseurs n'avaient pas la possibilité de faire », analyse M. Godement.

En juillet 2017 une image comparant le président à Winnie l'Ourson avait fait le tour des réseaux sociaux. Depuis, l'image a été retirée et les références à l'ourson jaune ont été strictement interdites par la « grande muraille numérique ». Plus qu'une simple anecdote, cela révèle l'ampleur de la censure. En 2016, lors d'une tournée auprès des médias chinois, Xi Jinping avait posé les règles du jeu : « Les journalistes doivent aimer le parti, protéger le parti, et s'aligner étroitement avec la direction du parti dans les idées, les choix politiques et les actions. » Si une certaine libéralisation avait pu voir le jour à la fin des années 2000 sous le mandat de Hu Jintao, le pouvoir actuel opère un tour de vis impressionnant. Les intellectuels, les ONG, les universités ou encore les avocats ont vu leur marge d'autonomie et d'expression considérablement réduite. « Tous ceux qui s'opposent au système sont présentés comme des fauteurs de trouble, des perturbateurs de l'harmonie et de la prospérité croissante instaurée par le parti », explique Jean-Pierre Cabestan. Le message envoyé par le pouvoir chinois à ses concitoyens n'a jamais semblé aussi limpide : le président Xi peut installer son pays au cœur du système international sans pour autant placer les libertés sociétales au centre de ses préoccupations.

 

 

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