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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Relation Égypte-Israël : Sissi brise un tabou

Si un partenariat très étroit existe entre les deux pays, leurs relations ne sont toujours pas normalisées.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi lors d’une rencontre à New York en septembre 2017. Photo Reuters

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a franchi un pas dans la gestion des relations entre son pays et Israël. Dans une interview accordée à la chaîne américaine CBS et diffusée dimanche dans l’émission 60 Minutes, M. Sissi a affirmé que son armée coopérait intensément avec l’État hébreu dans le cadre de la lutte contre les jihadistes du groupe État islamique dans le nord du Sinaï, frontalier avec Israël. « Notre aviation a quelquefois besoin d’entrer dans la zone israélienne du Sinaï. C’est pour cela que nous avons un large éventail de coopération avec les Israéliens », a justifié M. Sissi qui ne s’est d’ailleurs pas arrêté là. À la question de savoir si cette coopération était la plus étroite qui ait jamais existé entre les deux pays, le chef de l’État égyptien a répondu : « C’est exact », selon la chaîne américaine.

Certes, la coopération égypto-israélienne dans la péninsule du Sinaï n’est pas un secret, mais c’est la première fois que Abdel Fattah al-Sissi insiste sur l’étroitesse du partenariat que son pays exerce avec l’État hébreu dans cette région. « Il existe depuis longtemps une coopération très étroite en matière de sécurité et de renseignement entre l’Égypte et Israël pendant le mandat de Hosni Moubarak et de Mohammad Morsi, et maintenant sous Sissi », explique Michelle Dunne, directrice du programme Moyen-Orient à l’institut Carnegie de Washington et spécialiste de l’Égypte, contactée par L’Orient-Le Jour.

Le président égyptien brise ainsi un tabou. L’entente et le partenariat entre l’Égypte et l’État hébreu sont un sujet sensible auprès de l’opinion publique égyptienne. Car si une coopération très étroite existe dans les domaines militaire et du renseignement, les deux pays n’ont toujours pas normalisé leurs relations. Les contacts diplomatiques sont néanmoins très réguliers entre Israël et l’Égypte, notamment en ce qui concerne la situation dans la bande de Gaza où l’Égypte a un rôle de médiateur, et leurs ambassades respectives sont en place. Plus de quarante ans après les accords de Camp David entre Anouar el-Sadate et Menahem Begin, puis le traité de paix signé entre les deux pays en 1979, Le Caire et l’État hébreu entretiennent ainsi des relations plus ou moins ambivalentes.

Les propos qu’a tenus M. Sissi ont ainsi suscité une polémique. « En raison de l’insurrection dans le Sinaï, il semble que l’Égypte ait en réalité autorisé des avions et des drones israéliens à se rendre dans la péninsule. Cela est inédit », insiste Michelle Dunne. Les autorités égyptiennes ont d’ailleurs demandé à CBS de ne pas diffuser l’interview.


(Lire aussi : L’Égypte coopère avec Israël dans le Sinaï, reconnaît Sissi)


Un sujet tabou

Les contacts diplomatiques et l’évolution du partenariat entre les deux pays au niveau militaire n’auront ainsi pas suffi à réchauffer les relations entre les deux peuples. Cité dans un article publié en septembre dernier dans le journal La Croix, l’ancien député Mohammad Anouar el-Sadate (le neveu de l’ancien président) a affirmé qu’ « il existe toujours une barrière psychologique entre nous et le peuple israélien ». « L’acceptation par l’Égypte d’une normalisation totale (avec Israël) dans les sphères diplomatiques, politiques et certains secteurs économiques » n’a pas abouti à une « normalisation culturelle ou populaire », relève quant à lui le professeur de sciences politiques à l’Université du Caire Mostafa Kamal Sayed, également cité par La Croix. « Si vous vous adressez à des représentants israéliens, ils admettent sans aucun problème qu’un partenariat avec l’Égypte existe et que celui-ci s’est particulièrement développé ces dernières années. Mais cette transparence n’est pas affichée du côté égyptien, et en particulier au niveau de la population qui considère le sujet comme tabou », ajoute Anthony Dworkin, chercheur au European Council on Foreign Relations.

Ce refus de reconnaissance de la part de la population égyptienne va même jusqu’au niveau sportif. Lors des Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro, le judoka égyptien Islam el-Chéhabi avait créé la polémique en refusant de serrer la main de son adversaire israélien après que celui-ci a remporté la victoire. Un geste, ou plutôt une absence de geste, grandement partagé sur les réseaux sociaux par la population égyptienne et qui a engendré l’embarras des autorités du pays qui ont répondu à Israël en envoyant une lettre d’excuses en guise de félicitations.Les chiffres officiels donnent à plus de 65 % la proportion de la population égyptienne née après la période de guerre entre Israël et l’Égypte et les accords de Camp David, mais le rejet d’Israël est une constante. Pour Michelle Dunne, le gouvernement égyptien a aussi sa part de responsabilité dans cette « barrière psychologique » entre les peuples israélien et égyptien, et n’hésite pas à agiter un certain sentiment anti-israélien. « Les quelques Égyptiens qui veulent nouer des liens avec les Israéliens sont retenus par le gouvernement. Il y a une forme d’hypocrisie au sommet du pouvoir égyptien qui, d’un côté, coopère étroitement et très secrètement avec Israël dans de nombreux domaines, mais qui, d’un autre côté, ne laisse pas ses citoyens avoir des relations normales avec un pays avec qui il a signé un traité de paix », affirme-t-elle.


(Lire aussi : Entre Israël et l'Egypte, quarante ans de "paix froide")


La sphère politique est, elle aussi, surveillée. En mars dernier, le Parlement a voté à la quasi-unanimité la révocation du député Tawfiq Okacha, alors que ce dernier avait invité l’ancien ambassadeur d’Israël en Égypte à dîner. Plusieurs députés ont néanmoins révélé que ce prétexte cachait mal la volonté d’évincer une personnalité politique trop critique à l’égard des proches du président. Et c’est précisément ce système politique et cette attitude du pouvoir égyptien qui, pour l’experte, paralysent le système de normalisation des relations entre Tel-Aviv et Le Caire. « Tant que l’Égypte aura un gouvernement autoritaire, les relations israélo-égyptiennes ne seront pas “normale”. Si l’Égypte disposait d’un système et d’un gouvernement plus démocratiques, la nature de la relation entre les deux pays serait plus transparente et plus claire, sans secret », conclut Michelle Dunne.


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commentaires (1)

Les relations entre les peuples, monsieur Saikali, ne se décident pas par décret. si les israéliens souhaitent des relations normales, qu'ils arrêtent d'agir comme un peuple dominant, sur de lui même et colonisateur.... ce n'est pas en construisant un mur qu'on s'approche des voisins, à plus forte raison lorsqu'on passe son temps à menacer les voisins.... le réchauffement , c'est pour beaucoup plus tard...

HIJAZI ABDULRAHIM

13 h 54, le 09 janvier 2019

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Commentaires (1)

  • Les relations entre les peuples, monsieur Saikali, ne se décident pas par décret. si les israéliens souhaitent des relations normales, qu'ils arrêtent d'agir comme un peuple dominant, sur de lui même et colonisateur.... ce n'est pas en construisant un mur qu'on s'approche des voisins, à plus forte raison lorsqu'on passe son temps à menacer les voisins.... le réchauffement , c'est pour beaucoup plus tard...

    HIJAZI ABDULRAHIM

    13 h 54, le 09 janvier 2019

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