La forte poussée des alliés du président iranien Hassan Rohani aux élections de vendredi dernier va lui donner les coudées plus franches pour poursuivre sa politique d'ouverture, dans la limite des lignes fixées par le guide suprême. Les réformateurs et modérés qui soutiennent M. Rohani, élu en 2013, ont enregistré de très bons résultats lors des législatives, sans toutefois obtenir la majorité des 290 sièges du Parlement. Mais les conservateurs n'obtiennent pas non plus la majorité et, surtout, les plus radicaux d'entre eux qui s'étaient opposés à l'accord nucléaire de juillet 2015 entre l'Iran et les grandes puissances ont été écartés. Cet accord et la levée des sanctions, qui a suivi mi-janvier, ont permis à l'Iran de sortir de son isolement.
Après un second tour en avril pour 69 sièges en ballottage, le nouveau Parlement qui entrera en fonctions en mai sera en grande majorité composé de députés modérés et pragmatiques des deux bords. Son actuel président, Ali Larijani, un conservateur modéré ayant approuvé l'accord nucléaire, pourrait retrouver son poste.
Le quotidien réformateur Etemad notait hier que « les élections du 26 février ont clairement changé l'atmosphère politique ». La division n'est plus désormais entre réformateurs et conservateurs, mais « entre ceux qui ont approuvé l'accord nucléaire et ceux qui étaient contre ». Une évolution notable qui devrait faciliter la tâche de M. Rohani dont l'objectif prioritaire sera de mettre en place des réformes économiques et sociales d'ici à la présidentielle de 2017 pour augmenter ses chances d'être réélu pour un second et dernier mandat de quatre ans.
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« Bâtons dans les roues »
Il mise pour cela sur les retombées de la levée des sanctions économiques avec pour objectif prioritaire de relancer l'économie et créer des emplois pour réduire le chômage, qui touche actuellement 10 % de la population active, dont 25 % de jeunes.
Mais, note Ellie Geranmayeh, analyste au Conseil européen des relations internationales, « ce qui est bien plus significatif que le nouveau Parlement (...), c'est de voir comment les relations entre Rohani et l'ayatollah Khamenei et la direction des gardiens de la révolution évoluent ». Le guide suprême Ali Khamenei est la plus haute autorité du pays et décide des grands axes de la politique intérieure et internationale. L'accord nucléaire n'aurait jamais pu être conclu sans son feu vert, mais il reste cependant d'une grande méfiance à l'égard des puissances étrangères, en premier lieu les États-Unis. Il met régulièrement en garde contre leur volonté d'« infiltration » économique, politique et culturelle.
Les gardiens de la révolution, dont le chef est directement nommé par le guide, sont non seulement l'unité d'élite de l'armée,mais possèdent en outre de nombreuses entreprises, très présentes dans l'économie. Ils ont d'importants projets dans le secteur gazier et pétrolier, et l'arrivée d'investissements étrangers pourrait les gêner. Rohani « aura les coudées franches, si le guide ne lui met pas des bâtons dans les roues », et les gardiens de la révolution « sont toujours en embuscade », affirme François Nicoullaud, analyste de politique internationale et ambassadeur de France à Téhéran de 2001 à 2005.
(Lire aussi : Iran : quand le fantasme libéral voile les fractures idéologiques)
Brader l'indépendance
M. Nicoullaud pense toutefois qu'il ne serait pas dans leur intérêt de « bloquer ce qui peut faciliter la prospérité économique », au risque de se retrouver confrontés à des manifestations de contestation populaire. Si le « sentiment profond du guide est que moins ça bouge, mieux c'est, il sait que si on verrouille trop, il risque d'y avoir des problèmes, dit-il. L'ouverture la plus délicate sera celle touchant à la société, aux droits de l'homme ». Et selon Ellie Gernamayeh, « Rohani va vouloir maintenir les bonnes relations existantes avec ces centres de pouvoir (guide et gardiens) et éviter de franchir des étapes radicales » qui pourraient « le marginaliser ».
Hier, un éditorial du quotidien conservateur Javan résumait : « La question économique est la priorité du pays, mais le plus important est que les responsables ne bradent pas l'indépendance et la grandeur du pays pour régler les problèmes économiques et quotidiens des gens. »
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commentaires (6)
haha on vas voir ou cela vas nous amenez avec la russie qui dicte a assad quoit faire !!
Bery tus
17 h 52, le 02 mars 2016