Etats-Unis

A l’ONU, Nikki Haley porte la diplomatie façon Trump

L’ex-gouverneure, qui incarne sur la scène diplomatique le style déroutant de l’administration Trump, épaulera le président lundi à l’Assemblée générale des Nations unies. Alors qu’elle éclipse le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, on lui prête de plus hautes ambitions.
par Isabelle Hanne
publié le 17 septembre 2017 à 20h16

Elle a eu début septembre les faveurs de la une du Time, qui voyait en elle l'une de ces «femmes qui changent le monde». Le lendemain, elle s'attirait les foudres de la Corée du Nord qui, courroucée par le durcissement des sanctions prises par le Conseil de sécurité de l'ONU, la traitait de «prostituée politique»Nikki Haley, 45 ans, est devenue le visage de la diplomatie américaine depuis sa nomination fin janvier au poste d'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU. Cette ancienne gouverneure républicaine de Caroline du Sud, née de parents indiens immigrés aux Etats-Unis, était totalement étrangère aux négociations internationales. En neuf mois, elle s'est imposée en figure incontournable de l'arène onusienne. Et un maillon clé de l'administration de Donald Trump, qu'elle avait pourtant critiqué pendant la campagne de 2016. Elle sera cette semaine au côté du président américain pour la 72e Assemblée générale de l'ONU, lors du débat général mardi à New York.

Perplexes. Un poste sensible, quand il s'agit de porter la voix d'une administration girouette, qui promet la guerre nucléaire, brandit fièrement son slogan «America First», et torpille des Nations unies jugées inefficaces, népotiques et trop coûteuses. Les Etats-Unis, qui en sont les premiers contributeurs, ont en effet annoncé des coupes sévères dans les budgets onusiens. Mais Haley a su rassurer les diplomates, en promouvant un agenda de réforme de l'ONU, comme en témoigne cette réunion à l'initiative des Américains, en présence du secrétaire général António Guterres, ce lundi matin au siège de l'organisation. «Avec une administration américaine qui a une méfiance idéologique vis-à-vis du multilatéralisme, décrypte un diplomate européen, elle a choisi de tenir ce langage : "Aidez-nous à vous aider. Montrez que l'ONU est capable de se réformer, d'être efficace, et je pèserai auprès de mon administration et du Congrès pour la défendre."»

Un visage raisonnable, pour faire l'interface entre le bouillant et imprévisible président américain et des diplomates parfois perplexes. «Avec les Américains aujourd'hui, il faut être pragmatique au carré», sourit l'ambassadeur de France à l'ONU, François Delattre. Pour Stephen Schlesinger, membre du think tank new-yorkais Century Foundation et auteur de Act of Creation, sur la naissance des Nations unies, «elle envoie des messages assez contradictoires, en présentant un visage modéré, tout en soutenant des positions très à droite, comme la sortie de l'Accord de Paris ou la baisse de la dotation américaine au budget de l'ONU». Haley met à son crédit une baisse des dépenses d'un demi-milliard de dollars pour les opérations de maintien de la paix, «mais ce sont des économies qui étaient déjà dans les tuyaux avant son arrivée, rétorque Richard Gowan, de l'European Council on Foreign Relations. C'est du Haley typique : ça lui permet de ménager la base républicaine en montrant qu'elle est dure avec l'ONU».

Nikki Haley a, semble-t-il, vite compris l’importance de la mise en scène dans le théâtre onusien. En avril, elle brandit au Conseil de sécurité des photos d’enfants morts après l’attaque chimique de Khan Cheikhoun menée par le régime de Bachar al-Assad, fustigeant la Russie pour n’avoir pas su tempérer son allié syrien. Elle n’hésite pas à tenir des propos plus sévères que son président sur la Russie, insistant, par exemple, sur le maintien des sanctions en réponse à l’annexion de la Crimée.

«Brillante». Sa relative indépendance de ton, comme son statut de femme quadragénaire et fille d'immigrés au sein d'une administration de vieux hommes blancs, lui valent des portraits assez flatteurs dans la presse américaine. «Nikki Haley est brillante, structurée, reconnaît Stephen Schlesinger. Elle a rapidement adopté l'approche traditionnelle du Parti républicain, sur Israël notamment, ou la Syrie. Elle sait faire des discours forts à la tribune, et capter l'attention médiatique et mondiale.» Un diplomate européen à New York la dit «très influente au sein de l'administration Trump» et «proche du Président». Richard Gowan tempère : «Trump est inquiet qu'elle devienne une figure politique trop proéminente. A New York, beaucoup pensent que Nikki Haley ne sera là que pour un ou deux ans, avant d'aller à Washington pour un haut poste dans l'administration, comme secrétaire d'Etat par exemple, ou pour se présenter à l'investiture républicaine aux prochaines élections.» Haley future candidate à la Maison Blanche ? Certains la disent plus puissante que l'actuel secrétaire d'Etat : «Nikki Haley éclipse totalement Rex Tillerson, tranche Stephen Schlesinger. Elle a de l'ambition, c'est une femme politique plus qu'une diplomate.» Le diplomate européen confirme : «Son passage à l'ONU est important pour la faire passer de l'échelon politique régional à une stature nationale et internationale. Son poste d'ambassadrice est sans doute un marchepied.»

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