Critique

La Chine dans les starting-blocks pour la course de fonds

Dans un ouvrage concis et édifiant, Mathieu Duchâtel tisse les liens entre les traditions passées d’un pays replié sur lui-même et son expansionnisme actuel jusqu’au continent africain.
par Laurence Defranoux
publié le 9 août 2017 à 17h06

Résumer la géopolitique de la Chine, du «mandat céleste» des anciens empereurs aux nouvelles «routes de la soie» du président Xi Jinping, en 128 pages tient du tour de force. C'est pourtant ce qu'a réussi Mathieu Duchâtel, chercheur au Conseil européen des relations internationales, pour un «Que sais-je ?» qui ravira les étudiants en politique internationale - mais pas seulement.

Alliance

On plonge dans l'histoire de la plus vieille civilisation du monde avec le système du tribut, base de la relation de l'empire avec ses Etats vassaux durant des siècles, qui garantit sa pérennité, «une vision classique qui n'a pas disparu de la géopolitique chinoise contemporaine». Unification et fragmentation, territoires perdus ou conquis, frontières mouvantes… : une partie des conflits d'aujourd'hui prend ses racines dans le passé lointain. Mais ils s'éclairent aussi à la lueur du «siècle des humiliations», qui a vu les guerres de l'opium déclenchées par les Britanniques, la révolte des Boxers matée par une alliance occidentale et les invasions japonaises.

De l'idéologie communiste, il ne reste plus désormais que l'habillage tant la visée expansionniste et capitaliste a pris le pas depuis le tournant du siècle. «En 2013, les nouveaux investissements directs à l'étranger dépassent pour la première fois la barre symbolique des 100 milliards de dollars. En 2016, ce chiffre a déjà doublé […]. Qui se souvient qu'au moment du lancement des réformes, en 1978, la Chine représentait moins de 1 % du commerce international ?»

Ce déploiement économique est une révolution géopolitique pour un pays jusque-là plutôt concentré sur ses frontières terrestres et ses besoins internes, attaché à maintenir une stabilité régionale propice aux affaires. Pékin doit désormais gérer les conséquences diplomatiques des appétits de ses entreprises dans toute l'Asie et en Afrique. Pour protéger ses intérêts, «le drapeau suivant le commerce», Pékin se retrouve à mettre en péril un des principes fondateurs de la République populaire, la non-ingérence dans les affaires des autres Etats.

Ressortissants

Le cas de l'Afrique est le plus flagrant. La Chine est aujourd'hui le principal partenaire commercial du continent. Pour protéger les infrastructures qu'elle y construit à tour de bras, elle a commencé à s'immiscer dans les affaires de sécurité, et a ouvert une base militaire à Djibouti en 2016. «L'Armée populaire de libération est un acteur important dans les affaires africaines», relève le chercheur. Et en cas de crise mettant en danger ses ressortissants à l'étranger, toujours plus nombreux, «le scénario d'un usage de la force n'est plus à exclure». 

Entre les enjeux de sécurité et l'ambition de prendre le leadership mondial aux Etats-Unis, Pékin pourrait être tenté d'oublier sa prudence stratégique. «La Chine peut-elle parvenir à devenir la première puissance mondiale sans une guerre ? se demande Mathieu Duchâtel. La théorie réaliste des relations internationales prévoit que cette perspective est très peu probable.»

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