Récit

En Russie, le rapport américain sur l'ingérence ne convainc personne

Censé démontrer l'influence qu'a eu Moscou dans l'élection présidentielle américaine, les écrits qui ont fuité vendredi ont été accueillis avec scepticisme voire amusement, y compris par les opposants à Vladimir Poutine.
par Veronika Dorman
publié le 9 janvier 2017 à 19h07

Le rapport sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine publié vendredi par les services secrets américains a suscité en Russie déception, hilarité ou dédain. Même les pourfendeurs du Kremlin qui pouvaient attendre des révélations crédibles n'ont eu à se mettre sous la dent qu'un document «faible», «peu consistant», «naïf», «caduc».

La rédactrice en chef de la chaîne RT, que les renseignements américains placent au cœur du dispositif de propagande russe, Margarita Simonyan, a, elle, qualifié le rapport de «fou rire de l'année» et de «travail d'écolier». Et Vladimir Poutine, qui est accusé nommément d'avoir «ordonné une campagne d'influence en 2016 visant l'élection présidentielle américaine», a fait dire par son porte-parole, Dmitri Peskov, qu'il était «fatigué» des «accusations absolument infondées, d'un niveau amateur». «Nous continuons à démentir catégoriquement toute implication de Moscou dans les attaques informatiques contre les Etats-Unis, a-t-il ajouté. Nous ne savons toujours pas quelles sont les données utilisées par ceux qui lancent de telles accusations infondées.»

Et de fait, le rapport expurgé de ses informations classifiées n'apporte pas d'éléments nouveaux ni de preuves tangibles sur l'implication de la Russie dans la campagne et la présidentielle aux Etats-Unis. «Le rapport est décevant parce que si les services de renseignement ont des billes, ce qui est sûrement le cas, ils ne peuvent absolument pas citer ni leurs sources ni leurs méthodes», explique le professeur Mark Galeotti, spécialiste des services de sécurité à l'Institut des relations internationales de Prague. Qu'il y a eu ingérence russe commence néanmoins à faire l'unanimité, puisque même Donald Trump a fini par l'admettre. «La question est de savoir si c'était une opération opportuniste ou s'il s'agit d'une stratégie plus globale», souligne Galeotti.

«Les Russes regardent le spectacle en mangeant du pop-corn»

Pour l'instant, les observateurs penchent pour la première option. Ainsi, selon l'expert en relations internationales Vladimir Frolov, le rôle personnel de Poutine dans le piratage informatique est exagéré dans le document. «Vraisemblablement, il n'était même pas au courant des premières incursions des hackers russes dans les boîtes mails des démocrates» en juin 2015, écrit Frolov dans une analyse sur Republic.ru. Ce n'est que plus tard dans la campagne que les renseignements russes auraient décidé de faire fuiter les mails via WikiLeaks et «pour cela il a certainement fallu une autorisation personnelle de Poutine», ajoute-t-il.

Balayant depuis plusieurs semaines les accusations d'ingérence russe formulées par les services de renseignement américains, Trump a fini par accepter l'idée que Moscou a pu prendre part aux piratages mais il continue de nier que la Russie a eu un quelconque impact sur les résultats de l'élection. Tout en réaffirmant son intention de se rapprocher de Moscou, il annonce la nomination de Dan Coats, un ancien sénateur visé par les sanctions russes, au poste de directeur du renseignement national. Et Galeotti de conclure : «Les Russes se sont installés confortablement dans leurs fauteuils et regardent en mangeant du pop-corn le spectacle saisissant d'un président élu en bisbille avec ses services de renseignements. C'est au-delà de toutes leurs attentes.»

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