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En Espagne, le sort catalan plus important que le Parlement

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Bien qu’europhile, le pays est resté obnubilé par le débat sur l’indépendance de la région, reléguant les enjeux à l’échelle de l’Union au second plan.
par François Musseau, correspondant à Madrid
publié le 24 mai 2019 à 19h36

En Espagne, le scrutin européen ne pouvait pas plus mal tomber : tout concourt à le rendre lointain, confus, de second ordre. D'abord, le calendrier politique national. Les législatives du 28 avril, emportées haut la main par l'actuel chef du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez, continuent d'occuper les esprits. D'autant que le vainqueur, sans majorité absolue, n'a toujours pas désigné ses alliés, ni indiqué s'il formerait une coalition ou s'il gouvernerait en solitaire. Ensuite, ces élections européennes coïncident avec les élections municipales et régionales, avec notamment la bataille pour Barcelone - où se présente Manuel Valls - et celle pour la région de Madrid (où la droite pourrait perdre un bastion tenu depuis vingt-six ans). Enfin, le conflit catalan contamine tout le débat européen. Lors du grand débat préélectoral sur la chaîne publique TVE, les neuf candidats ont consacré la majeure partie du temps à ferrailler sur la légitimité de l'indépendantisme catalan. «Ce qui est en jeu, c'est que les libertés soient respectées sur notre continent. Or, en Espagne prime une justice arbitraire qui met en prison des gens qui défendent leurs idéaux», a lancé Gorka Knörr, de Junts pel Catalunya («ensemble pour la Catalogne»), formation du leader sécessionniste Carles Puigdemont, exilé en Belgique pour éviter la justice espagnole. Knörr fait référence à ces douze leaders séparatistes en détention provisoire depuis février. Ils sont jugés à Madrid pour avoir organisé, en octobre 2017, un référendum illégal d'autodétermination. L'un des accusés, Oriol Junqueras, a tout de même été désigné candidat à la présidence de la Commission européenne par l'Alliance libre européenne, qui siège actuellement dans le Groupe des Verts. Il estime qu'il y a «une forte probabilité» pour qu'il soit élu eurodéputé.

Dans ce contexte, rares sont les candidats à avoir proposé de réelles mesures pour l'UE. Parmi eux, très isolé, l'écologiste Jordi Sebastià, du parti valencien Compromís, a milité pour une «Europe qui établit des règles très strictes contre les multinationales [notamment Volkswagen pour le Dieselgate, ndlr], contre le réchauffement climatique et en faveur de droits sociaux harmonisés, sans lesquels les jours de l'Union sont comptés». De son côté, la tête de liste socialiste, Josep Borrell, fin connaisseur des affaires européennes, a aussi insisté sur la nécessité «d'accoucher à la fois d'une Europe sociale et d'une défense intégrée», mais aussi de «renforcer l'UE» pour résister au duopole sino-américain.

Dans ce pays encore majoritairement europhile mais où la participation pour ce scrutin baisse dangereusement (63 % en 1999, 44 % en 2014), les préoccupations européennes ont toujours été secondaires. «Pour les deux grands partis historiques, le PP [droite] et le PSOE [socialistes], l'UE n'a jamais été autre chose qu'un lieu doré pour mettre à la retraite leurs poids lourds», analyse la tête de liste de Ciudadanos, Luis Garicano, expert en économie européenne. José Ignacio Torreblanca, analyste au Conseil européen pour les relations internationales, note, lui, que l'Espagne, cinquième économie de l'UE, «n'a cessé de boxer en dessous de sa catégorie sur le ring européen». Cette campagne n'a pas fait exception.

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