Le chef de l'État entame ce lundi sa première visite européenne de 2020 en Pologne. (illustration)

Le chef de l'État entame ce lundi sa première visite européenne de 2020 en Pologne. (illustration)

AFP

C'est une nouvelle tentative d'apaisement entre la France et la Pologne : le président français Emmanuel Macron entame ce lundi sa première visite dans le pays, dont le gouvernement diverge avec la France sur plusieurs sujets bilatéraux et européens, dont l'État de droit ou le climat.

Publicité

Le contexte politique de la visite est délicat, le Brexit devenant réalité, les négociations en cours sur le budget pluriannuel de l'UE et sur le climat, mais aussi sur le fond des tensions entre Varsovie et Bruxelles sur les questions judiciaires qui atteignent un point culminant, et l'approche de l'élection présidentielle polonaise en mai.

Désaccords profonds

"Le choix de la Pologne pour son premier déplacement européen en 2020 est important pour clarifier les positions françaises sur de nombreux dossiers européens, ouvrir des nouveaux domaines de coopération avec un partenaire majeur de l'UE et souligner la nécessité de protéger les valeurs démocratiques européennes", a expliqué la présidence française.

Paris exprime des désaccords profonds avec Varsovie depuis l'arrivée au pouvoir en 2015 du parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS), critiqué notamment pour avoir bloqué des avancées au niveau européen, dont l'agenda de neutralité carbone en 2050, ou encore pour ses réformes controversées de la justice et une croisade contre le courant LGBT.

LIRE AUSSI >> "La Pologne veut nous interdire l'IVG, déjà l'une des plus restrictives"

L'intégration de la défense, les migrations, l'élargissement de l'UE, les relations transatlantiques et avec la Russie, sont également des dossiers difficiles. En octobre 2018, lors de sa visite en Slovaquie, Emmanuel Macron est passé de la critique mesurée à la colère contre les dirigeants de Pologne et de Hongrie, des "esprits fous" qui selon lui "mentent à leur peuple" par leurs positions anti-européennes.

Or pour faire progresser l'UE, on doit tenir compte des positions de chaque membre. Après le Brexit, la Pologne devient cinquième pays de l'UE en termes de population et sixième pour ce qui est du PIB national.

"Un redémarrage est nécessaire car ça ne peut pas être pire", déclare Eryk Mistewicz, à la tête du think tank Institut des nouveaux médias, qui évoque "une spirale d'incompréhension et [un] manque de respect mutuel". Paris affiche l'ouverture à un réchauffement avec la Pologne, comme avec les autres pays d'Europe centrale dont la plupart ont déjà été visités par le président français, dans l'idée de trouver des majorités sujet par sujet.

LIRE AUSSI >> Antisémitisme en Pologne, l'impossible mémoire

"Après une période d'enthousiasme et d'optimisme pour la politique européenne d'Emmanuel Macron, le temps de réalisme est venu", notamment dans le contexte du Brexit et d'un certain repli de l'Allemagne, déclare Alexander Smolar, politologue, président de la Fondation Batory. "D'où l'idée d'ententes moins profondes mais plus rapides", estime-t-il. Dans le cas de la Pologne, il pourrait s'agir de l'industrie, des énergies nucléaire et renouvelable, de la coopération militaire ou numérique.

"Conscience d'isolement dans l'UE"

"Avec toute sa politique européenne radicalement opposée à la France, Varsovie a toujours été intéressée par un renforcement de la défense, pour des raisons évidentes" du voisinage avec la Russie, souligne Alexander Smolar. Mais Varsovie a toujours préféré dans les grands contrats le matériel américain : à commencer par les avions de combat F-16 choisis aux dépens des Mirages français et Grippen scandinaves et par le rejet à la dernière minute, en 2016, du contrat sur cinquante hélicoptères Caracal, évalué à 3,14 milliards d'euros.

Vendredi 31 janvier, à deux jours de la visite du président français, Varsovie a signé encore avec Washington l'achat de 32 avions de combat F-35 pour 4,6 milliards de dollars (soit 4,17 milliards d'euros). Cependant, "il y a du côté polonais une conscience d'isolement dans l'UE, d'avoir gaspillé la chance que donnait le Triangle de Weimar (une plateforme d'échanges entre Paris, Berlin et Varsovie) et d'erreurs accumulées depuis longtemps", souligne Alexander Smolar.

Les deux pays partagent le souhait de maintenir les importants financements de la Politique agricole commune (PAC) dans le futur budget européen.

Des intérêts climatiques et économiques

Pour Varsovie, Paris est le sixième partenaire en termes d'échanges commerciaux, qui se sont élevés à près de 21 milliards euros en 2018. La France est le quatrième investisseur étranger en Pologne avec plus de 18 milliards d'euros placés dans ce pays où sont présentes près de 1100 sociétés françaises, selon les données polonaises.

LIRE AUSSI >> Jaroslaw Kaczynski, le vrai maître de Varsovie

"Le président français va probablement essayer d'explorer les intérêts communs dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel et chercher des moyens d'amener la Pologne à participer au "Green Deal" européen. Il pourrait discuter de nouvelles ouvertures possibles pour les entreprises françaises en Pologne", selon Pawel Zerka, expert du Conseil européen pour les relations internationales.

Lors du déplacement, Emmanuel Macron rencontrera son homologue Andrzej Duda et le Premier ministre Mateusz Morawiecki, ainsi que les présidents des deux chambres du parlement et des représentants de la vie intellectuelle et culturelle polonaise. Le 4 février, il se rendra à Cracovie, l'ancienne capitale royale de la Pologne, pour une conférence avec les étudiants de l'université Jagellonne sur "les relations franco-polonaises et la nécessité d'un engagement européen commun".

Publicité