Les Etats-Unis ont effectué un raid aérien contre un camp d'entraînement du groupe Etat islamique (EI) près de Sabrata, en Libye, ce vendredi. Un responsable de l'organisation lié aux attentats du Bardo et de Sousse en Tunisie l'an dernier, Noureddine Chouchane, a "probablement" été tué, selon un responsable militaire américain, ainsi qu'une quarantaine de djihadistes. Principalement des Tunisiens. Profitant du chaos qui règne dans le pays, depuis 2011, l'EI s'est implanté, en 2014, et compterait au moins 5000 djihadistes dans ces rangs. Alors que le principe d'une nouvelle intervention militaire en Libye est régulièrement évoqué, Mattia Toaldo, analyste au Conseil européen des relations internationales (ECFR), spécialiste de la Libye, répond aux questions de L'Express.
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La frappe américaine de ce vendredi est-elle, selon vous, un prélude à une nouvelle intervention occidentale en Libye?
Je ne crois pas. C'est plutôt la continuation informelle du mode d'intervention américain contre les groupes djihadistes. Les Etats-Unis avaient déjà frappé l'EI à Derna, en novembre. On sait qu'ils ont sur place des soldats des forces spéciales, vraisemblablement là pour du renseignement, et pour trouver des cibles.
Le fait que la cible visée soit liée à la Tunisie montre l'inquiétude d'un débordement de Daech vers la Tunisie. De fait, la présence de l'EI se renforce sur plusieurs points du territoire libyen: Derna, Syrte, Benghazi, Sabrata, ainsi que plusieurs localités sur la cote centrale entre Abu Grein et Nawfaliya.
Quelle est l'utilité de ce type de frappes dans la lutte contre Daech?
En l'absence de stratégie, elle est nulle. Cela fait des années que Washington mène des frappes ponctuelles contre Al-Qaïda au Yémen et au Pakistan. On voit que cela n'a rien donné.
Les organisations de ce type se développent à la faveur de l'absence de gouvernement. Quand bien même on aurait éliminé la cellule de l'EI à Sabrata, on n'a aucune idée de qui prendra le contrôle du camp frappé aujourd'hui.
L'armée américaine vise des cibles faciles, clairement identifiées. Cela leur permet de s'abriter derrière l'article 51 de la charte des Nations unies, qui autorise un pays à intervenir militairement "en cas de menace imminente ou réelle" sur son propre territoire.
Les pays européens peuvent-ils être encouragés par la frappe américaine dans leur perspective d'une intervention armée en Libye?
Pas sûr. Les Européens sont focalisés sur la réussite du processus politique. Les diplomates de l'UE ont pris conscience que, sans stratégie de sortie de crise, une intervention militaire est vouée à l'échec.
Certains observateurs disent qu'ils ne faut pas laisser Daech se développer, de crainte qu'il ne devienne incontrôlable...
S'il y a urgence à frapper, il est encore plus urgent de stabiliser la Libye. La tâche du Représentant spécial de l'ONU, Martin Kobler, pour réconcilier les deux gouvernements rivaux sera plus compliquée si les frappes se multiplient. Il n'y a pas d'alternative à la lutte contre l'EI en Libye qui ne repose sur les partenaires locaux.
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