Une bénédiction. L'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche est vécue comme une aubaine par les colons et la droite dure en Israël. Dernier cadeau en date, l'invitation de plusieurs dirigeants des colonies à la cérémonie d'investiture de Trump, le 20 janvier. Forte de ce soutien, cette frange augmente la pression sur Benyamin Netanyahu, déjà à la tête du gouvernement le plus à droite de l'histoire du pays.

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Un entourage proche des extrémistes israéliens

Plusieurs des nominations annoncées par Trump enchantent la droite radicale en Israël. David Friedman, le prochain ambassadeur américain, est non seulement partisan de la colonisation, mais il la soutient financièrement. Président des Amis américains de la colonie Bet El, il écrit régulièrement des tribunes sur le site des colons Arutz Sheva. "A côté de David Friedman, Netanyahu est un gauchiste", résumait le quotidien israélien de centre gauche Haaretz, à sa nomination.

Aussi dénué d'expérience diplomatique que Friedman, Jason Greenblatt, autre proche de Trump, sera "représentant pour les négociations internationales" en charge notamment du Proche-Orient. "Greenblatt est très favorable à la colonisation de Judée et de Samarie (nom donné par les colons à la Cisjordanie occupée)", se félicite Arutz Sheva.

Les colons misent également sur la nomination comme haut conseiller du gendre de Trump, Jared Kushner. La Fondation de la famille Kuschner a donné des dizaines de milliers de dollars à des institutions dans les colonies, selon le quotidien israélien Haaretz. Autre soutien de choix, souligne pour L'Express Ofer Zalzberg, analyste à l'International Crisis Group, "celui du vice-président Mike Pence, un chrétien évangélique, mouvement traditionnellement très favorable aux positions de la droite israélienne."

De la colonisation à l'annexion?

L'extrême droite israélienne mise sur le soutien de Trump pour réaliser son rêve d'annexion de la plus grande partie de la Cisjordanie. Cette idée, longtemps cantonnée aux débats internes des cercles nationalistes religieux, est de plus en plus évoquée publiquement.

La colonisation est pourtant considérée par la communauté internationale comme un obstacle majeur à la paix: les constructions israéliennes sont effectuées sur des terres qui pourraient appartenir à un futur Etat palestinien. Elle n'a cessé de progresser ces dernières années, avec 430 000 colons en Cisjordanie et plus de 200 000 à Jérusalem-Est.

Les colons et leurs porte-voix ont plusieurs projets en vue après l'arrivée de Trump aux affaires à Washington: Naftali Bennett, chef du Foyer Juif (nationaliste religieux) et ministre de l'éducation promet de faire, dès le 21 janvier, annexer à Israël le bloc de colonies de Maale Adoumim en Cisjordanie.

Les durs entendent aussi légaliser les avant-postes construits des terres privées palestiniennes, hors des grands blocs de colonies. "Ils souhaitent par ailleurs, précise Ofer Zalzberg, que le gouvernement israélien adopte le rapport Levy, réalisé en 2012, selon lequel la Cisjordanie n'est 'pas un territoire occupé' et les colonies ne sont donc pas illégales." Netanyahu avait ignoré, à sa sortie, ce rapport dont il craignait qu'il lui fasse perdre le soutien américain.

L'ambassade américaine transférée à Jérusalem?

Autre musique agréable aux oreilles de la droite, l'annonce, par Trump, qu'il déplacera l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem et qu'il reconnaîtra ainsi de facto la Ville Sainte comme capitale de l'Etat juif.

L'annexion par Israël de la partie orientale de Jérusalem occupée depuis 1967, n'a jamais été reconnue par la communauté internationale. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent. Les trois derniers présidents des Etats-Unis ont admis que le statut futur de Jérusalem devrait être décidé lors des négociations finales entre les deux parties.

A ce stade, Egypte et Arabie saoudite ont été silencieux sur l'annonce de Trump. "Ils préfèrent ne pas déclencher de crise avec le nouveau président américain sur un sujet mineur à leurs yeux, avance Ofer Zalzberg, ce que le droite religieuse israélienne a parfaitement compris."

Un cadeau empoisonné pour Netanyahu?

Avec la prise de fonctions de Donald Trump "la Palestine sera retirée de l'ordre du jour", se félicite Naftali Bennett, le champion des colons. Paradoxalement, et quoi qu'il en dise, le Premier ministre israélien n'a quant à lui pas tout à gagner d'un soutien inconditionnel de Trump.

"Dans le fond, Netanyahu et Bennett ont le même objectif, constate Hugh Lovatt, expert au Conseil européen des relations international (ECFR). Approfondir le contrôle israélien sur la zone C [60% de la Cisjordanie occupée, toujours sous contrôle de l'Etat hébreu] et accorder une vague autonomie, sans souveraineté, au reste du territoire. Netanyahu mène cette politique de manière silencieuse, tandis que Bennett la claironne."

"Pressé par ses partenaires d'extrême droite, poursuit Hugh Lovatt, "le Premier ministre opposait jusque-là à leurs demandes d'annexion de terres en Cisjordanie le risque d'une réaction négative de Barack Obama. L'appui de Trump aux positions des colons, ne lui permettra plus de se cacher derrière son soutien affiché à la 'vision d'une solution à deux Etats'."

"Netanyahu préfère le statu quo actuel, complète Ofer Zalzberg. Il n'est pas favorable à l'annexion formelle de la Cisjordanie qui l'obligerait à accorder la citoyenneté israélienne aux Palestiniens." Une annexion de la zone C risquerait en outre de mettre à mal les relations de l'Etat hébreu avec l'Egypte ou la Jordanie.

Le positionnement américain en faveur de la droite israélienne se concrétise déjà au Congrès par un appui à la "légitimité du contrôle israélien sur tous ses territoires" que la Knesset n'ose même pas imaginer, observe Hugh Lovatt. Déplacer encore le curseur risque de faire tomber le masque. "Apparaîtrait alors la réalité d'un Etat qui refuse tous droits à 5 millions de ses habitants."

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