Benjamin Netanyahu a finalement mis son veto, ce mercredi, à une mesure aux relents d'apartheid. A l'initiative du ministre de la Défense, Moshe Yaalon, elle prévoyait d'interdire aux Palestiniens d'emprunter les mêmes bus que les Israéliens. La décision a suscité une levée de boucliers en Israël même, y compris dans les rangs de la droite.

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Le moment semblait plutôt mal choisi pour une annonce aussi sulfureuse: elle coïncide avec la visite de la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini en Cisjordanie et en Israël, la première depuis la formation du nouveau gouvernement issu des législatives du 17 mars. Mais également celle de Joseph Blatter, patron de la FIFA, en déplacement dans l'Etat juif pour tenter de trouver une solution à la demande de suspension, par les Palestiniens, d'Israël de la Fédération Internationale de Football, en raison des discriminations subies par les footballeurs palestiniens.

De longues heures de transport pour les Palestiniens

La mise en place de bus séparés pour les Palestiniens aurait considérablement rallongé les temps de transports, déjà de plusieurs heures, des quelque 52 000 résidents des Territoires occupés disposant d'un permis de travailler en Israël. Ils quittent leur domicile au milieu de la nuit pour se rendre à des points de passage vers Israël où ils sont soumis à des contrôles de sécurité. De là, ils rejoignent leur lieu de travail grâce à un système de voiturage privé organisé par leurs employeurs ou des taxis collectifs. Au retour, nombre d'entre eux utilisent les lignes directes d'autobus israéliennes pour regagner plus rapidement la Cisjordanie, n'étant pas soumis à un contrôle de sécurité à leur entrée dans le territoire palestinien.

Renforcés dans le nouveau gouvernement où leur champion, Naftali Bennett joue les arbitres, les colons font pression depuis longtemps pour étendre leurs privilèges. Signe de la confusion autour de ce plan, la radio publique a rapporté que le Premier ministre n'était même pas au courant que la mesure devait entrer en vigueur ce mercredi.

Une ségrégation déjà en vigueur avec les routes séparées

"Cette affaire a le mérite de mettre en relief la ségrégation quotidienne que subissent les Palestiniens des Territoires dans les transports notamment", observe Hugh Lovatt, spécialiste du dossier israélo-palestinien au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), contacté par L'Express. Depuis les années 1970, déjà, les autorités israéliennes ont entrepris d'y bâtir des routes séparées, réservées aux colons, et la plupart du temps construites sur des terres confisquées aux Palestiniens, comme le rappelle l'ONG israélienne La Paix Maintenant. Dans un rapport publié en 2010, l'association Human Rights Watch rappelait qu'une centaine de kilomètres de routes étaient prohibées pour les Palestiniens de Cisjordanie l'année précédente. "Qui plus est, précise Hugh Lovatt, les routes que les Palestiniens doivent prendre pour circuler sont souvent plus petites et mal entretenues".

Prétexte sécuritaire

L'argument sécuritaire invoqué par le ministre ne tient pas, souligne Sarit Michaeli, de l'organisation B'Tselem, interrogée par l'AFP. Il n'est qu'une "excuse pour céder aux pressions des colons qui demandent depuis des années que les travailleurs palestiniens circulent sur des lignes d'autobus séparées des leurs".

Le projet de ségrégation dans les bus était en effet déjà en gestation depuis plusieurs années. L'ONG israélienne B'Tselem s'était émue d'une telle proposition en 2012. Puis, dès l'automne 2014, elle avait révélé que non content de maintenir les Palestiniens à l'arrière des bus, le ministre de la défense Moshe Yaalon prévoyait la mise en place de bus séparés. Selon Haaretz, il n'y aurait toujours pas renoncé.


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