Des forces gouvernementales yéménites à Zinjibar, dans le sud du Yémen, le 16 août 2016

Des forces gouvernementales yéménites à Zinjibar, dans le sud du Yémen, le 16 août 2016

afp.com/SALEH AL-OBEIDI

La reprise le 9 août des raids aériens de la coalition dirigée par Ryad contre des régions rebelles du nord du Yémen, y compris la capitale Sanaa, et l'intensification des bombardements rebelles sur le sud saoudien frontalier font suite à l'échec de plus de trois mois de pourparlers de paix interyéménites au Koweït.

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"Les deux camps essaient maintenant de prouver qu'ils sont meilleurs en situation de guerre qu'en situation de paix", explique Farea al-Muslimi, spécialiste yéménite qui collabore au Carnegie Middle East Centre.

Accusant l'Iran de chercher à la déstabiliser via les rebelles Houthis du Yémen, l'Arabie saoudite avait monté en mars 2015 une coalition militaire arabe pour soutenir le président Abd Rabbo Mansour Hadi, chassé de Sanaa quelques mois plus tôt.

La coalition avait d'abord lancé une campagne aérienne, puis envoyé des troupes au sol, principalement émiraties et saoudiennes, permettant aux forces gouvernementales de reprendre pied dans des provinces du sud du Yémen en juillet 2015.

Mais le conflit --dont ont tiré profit les jihadistes d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique-- s'était ensuite enlisé et, devant l'impasse militaire, l'Arabie saoudite avait appuyé l'ouverture d'un nouveau round de négociations le 21 avril au Koweït. Ces pourparlers ont été "suspendus" le 6 août par l'ONU, faute de progrès.

Avec la reprise des combats à grande échelle, "on va, semble-t-il, assister à une longue guerre", dont l'issue est difficile à prédire en raison de "la multitude de factions et d'éléments impliqués", estime l'analyste Anthony Cordesman du Center for Strategic and International Studies à Washington.

- 'Bavures' -

La coalition sous commandement saoudien combat au Yémen sur deux fronts: au nord, le camp des Houthis, alliés à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, et au sud, les jihadistes qui multiplient les attentats après une série de revers dans les provinces de Hadramout et Abyane.

L'Arabie saoudite s'est souvent retrouvée sur le banc des accusés pour une série de "bavures" contre des civils, victimes de la campagne aérienne qu'elle mène dans le nord du Yémen.

Ces derniers jours, des raids meurtriers rapportés contre une école qui a fait 10 morts selon Médecins sans frontières et un hôpital, où 19 personnes ont péri selon un dernier bilan de cette même organisation, ont soulevé de nouvelles questions sur les procédures aériennes de la coalition.

En mars 2016, le porte-parole de la coalition, le général saoudien Ahmed al-Assiri, affirmait à l'AFP: "Nous sommes aujourd'hui à la fin des grandes opérations de combat" au Yémen.

A l'époque, il décrivait la situation à la frontière saoudo-yéménite comme relativement calme, mais cette accalmie s'est évaporée avec la mort de 12 soldats saoudiens fin juillet et de sept civils mardi, victimes d'une roquette tirée depuis le Yémen.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé une nouvelle fois mercredi les belligérants dans ce conflit à ne pas s'en prendre aux civils et à revenir rapidement à la table des négociations. Tous les belligérants, a-t-il souligné, devraient "cesser toutes les hostilités immédiatement" et les participants yéménites aux négociations "reprendre des discussions directes" avec l'aide du médiateur Ismaïl Ould Cheikh Ahmed.

Celui-ci doit rendre compte mercredi prochain au Conseil de sécurité de ses efforts pour relancer les négociations.

- 'Guerre d'usure' -

Selon M. Muslimi, l'intensification des raids de la coalition s'explique en partie par la mise en place le 6 août par le camp rebelle d'un Conseil supérieur chargé de gouverner le Yémen, au grand dam du pouvoir.

"Les Saoudiens ne s'y attendaient pas et ils n'ont pas toléré cette menace sur la légitimité du président Hadi", dit cet expert.

Mardi, le général Assiri a affirmé que les rebelles étaient affaiblis et que "cela prendra (le temps) qu'il faudra" pour aider le gouvernement à regagner le contrôle du pays et pour protéger les frontières saoudiennes.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, le conflit a fait plus de 6.500 morts et près de 33.000 blessés. Quelque 2,8 millions de personnes ont été déplacées et 80% de la population a besoin d'une assistance humanitaire, d'après l'ONU.

"Même dans des endroits éloignés du champ de bataille, les civils subissent le contrecoup économique et humanitaire du conflit", rappelle Adam Baron, spécialiste du Yémen à l'European Council on Foreign Relations.

La coalition a annoncé avoir ouvert des enquêtes sur les raids rapportés contre une école et un hôpital soutenu par Médecins sans frontières.

Selon M. Muslimi, l'Arabie saoudite n'arrêtera pas ses opérations tant que ses alliés occidentaux --dont Washington et Londres qui lui fournissent des armes--, n'exerceront pas les pressions adéquates.

Il sera difficile de chasser les Houthis de la capitale Sanaa et du nord du Yémen, leur bastion. "A ce stade, cela ressemble à une guerre d'usure", dit M. Cordesman.

Et dans un message audio diffusé mercredi par SITE, le centre américain de surveillance des sites jihadistes, le fils de Oussama ben Laden, Hamza, a incité les jeunes Saoudiens et "ceux capables de combattre" à rejoindre le groupe Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), basé au Yémen.

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