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En Chine, les géants du naval voguent à plein régime

Deux mastodontes publics CSSC et CSIC se cachent derrière les ambitions de la marine chinoise. Et comme cette dernière, ils sortent de plus en plus de leurs frontières.

Le porte-avions Liaoning arrive en baie de Hong Kong le 7 juin 2018.
Le porte-avions Liaoning arrive en baie de Hong Kong le 7 juin 2018. (ISD/NEWSCOM/SIPA)

Par Frédéric Schaeffer

Publié le 18 oct. 2018 à 15:12

Il est apparu en treillis, entouré des hauts gradés du régime. Le 12 avril, le président chinois Xi Jinping assiste aux plus grandes manoeuvres jamais organisées par la marine de l'Armée populaire de libération (APL). Avec le porte-avions Liaoning, des destroyers à missiles guidés, des frégates, des sous-marins…, une armada de 48 navires croise au large de l'île rebelle de Taiwan. Le message, largement relayé par les médias officiels, est limpide : la marine chinoise est de retour et constitue un pilier du « grand renouveau » de la nation. Il se concrétise ce week-end, alors que la marine chinoise entame des manoeuvres communes avec la Malaisie et la Thaïlande dans le détroit de Malacca.

Derrière cette ambition, toute une industrie est mobilisée. Et notamment les deux mastodontes publics CSSC (China State Shipbuilding Corporation) et CSIC (China Shipbuilding industry corporation). Ces derniers sont nés à l'été 1999, lorsque Pékin donne naissance aux dix groupes de défenses actuels, bâtis sur les cendres des anciens ministères de l'Industrie des machines. La recette est la même dans le naval que dans d'autres industries traditionnelles : en créant deux entités distinctes, Pékin cherche à accroître la concurrence pour gagner en efficacité.

Erreur de jugement

Avec un chiffre d'affaires combiné de 65 milliards d'euros en 2017, dont 18,5 milliards dans la construction navale civile et militaire, les deux conglomérats, incluent de multiples métiers (trading, réparation, constructions métalliques…), les chantiers de CSIC (au nord-est de la Chine) étant davantage tournés vers le naval de défense quand ceux de CSSC (au sud du pays) sont plus orientés vers les activités civiles. En une quinzaine d'années, les chantiers chinois ont connu une progression phénoménale, disputant la tête du classement mondial aux sud-coréens DaewooSamsung et HyundaiCSSC est désormais le deuxième plus grand chantier de construction navale civile au monde, derrière Hyundai.

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« De nombreux observateurs pensaient qu'il faudrait de nombreuses années à la Chine pour être capable de construire des navires compliqués. La commande passée en 2017 par Carnival à CSSC pour deux grands navires de croisière ainsi que la livraison de 7 méthaniers de 170.000 m3 en 4 ans au japonais MOL sont les preuves d'une flagrante erreur de jugement », observe Philippe Louis-Dreyfus, président du conseil de surveillance de Louis-Dreyfus Armateurs, dans la lettre des conseillers du commerce extérieur « La Chine hors les Murs »

Saut qualitatif

Dans le militaire aussi, la montée en puissance surprend par sa rapidité. « Elle est liée à celle de l'Armée populaire de libération qui reste leur principal client », relève Mathieu Duchâtel, directeur adjoint du programme Asie à l'European Council on Foreign Relations. CSIC et CSSC sont aussi plus visibles à l'international. En Asie du Sud-Est, ils remportent des contrats d'équipement naval sur des segments plus avancés que dans la décennie précédente. En témoigne des contrats conclus l'an dernier avec la Thaïlande pour la livraison de trois sous-marins et la production de 4 patrouilleurs pour la Malaisie. Alors que les chantiers bénéficient d'un soutien étatique sans faille, ils font des offres alléchantes partout dans le monde, au Brésil, en Argentine, au Pakistan, et même en Pologne…

Face à cette redistribution des cartes, la pression s'accroît sur des acteurs européens comme Naval GroupTKMS ou l'italien Fincantieri, qui ont besoin d'exporter. Il y a peu, les Européens régnaient seuls sur l'exportation de navires militaires. Ce temps est révolu. « Le retard technologique de la Chine a longtemps été compensé par son agressivité commerciale, mais la montée en gamme de ses constructeurs navals les amènera à très court terme à se positionner en concurrent direct des groupes européens », juge un industriel.

Les avertissements de Naval Group

Face à la montée en puissance de la construction navale chinoise, Hervé Guillou, PDG de Naval Group, met en garde contre ce qu'il appelle « le syndrome TGV ». Ces constructeurs ferroviaires européens, qui ont tous été contraints à des mariages forcés pour survivre face à CSR, le constructeur chinois. Pour éviter cela, Hervé Guillou défend bec et ongle son projet de rapprochement avec le grand chantier italien Fincantieri. Faute de persuader ses actionnaires de mener un échange d'actions, il oeuvre à la création d'un joint-venture pour mener des recherches en commun, aller à l'export ensemble, et faire peu à peu la preuve de l'utilité de cette union.

Le gouvernement chinois encourage aussi à la consolidation. Les rumeurs de rapprochement entre CSIC et CSSC ont resurgi en début d'année, la Chine cherchant à asseoir son leadership mondial sur un secteur jugé prioritaire dans son plan « Made in China 2025 ». Le géant issu d'une telle fusion atteindrait deux fois le chiffre d'affaires combiné des trois sociétés sud-coréennes Hyundai Heavy Industries, Daewoo Shipbuilding et Samsun Heavy Industries. Les ambitions maritimes de la Chine ne font que commencer.

Correspondant à Pékin

Frédéric Schaeffer 

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