Les socialistes divisés au sujet de l’alliance avec Podemos
Par Cécile Thibaud
S’allier ou non avec Podemos ? Les socialistes espagnols se déchirent sur cette question clef pour la constitution du prochain gouvernement. Alors que la deuxième série de consultations du roi Felipe s’achève mardi, aucun parti n’a encore présenté de candidat à l’investiture et, quarante jours après les élections législatives de décembre, le pays se trouve dans une situation d’attente inédite, où chacun semble retarder au maximum le moment d’abattre ses cartes.
Première force de l’hémicycle, le Parti populaire (PP) apparaît isolé, incapable pour l’instant de former des alliances tandis que deux nouvelles affaires de corruption viennent encore de l’éclabousser. La balle semble être dans le camp des socialistes, mieux placés a priori sur l’échiquier pour nouer des accords. Le leader du PSOE, Pedro Sánchez, se lance dans un projet de majorité, en tendant la main au centre vers Ciudadanos et à sa gauche du côté de Podemos. Sur le papier, l’objectif paraît clair : former un gouvernement « réformiste et progressiste », dont il serait la pierre angulaire. Reste à convaincre ses partenaires, jusque-là peu enthousiastes. « J’ai déjà dit à Pedro Sánchez que je n’entrerai dans aucun pacte avec Podemos », répète le leader de Ciudadanos, Albert Rivera, qui préférerait ouvrir le dialogue avec un PP engagé vers la rénovation. Mais c’est depuis les rangs socialistes que s’élèvent les critiques les plus vives. La vieille garde freine des quatre fers à l’idée d’établir des ponts vers Podemos. Pas question pour le PSOE de s’allier avec cette gauche populiste qui flirte avec les régimes latino-américains peu amis des droits de l’homme, comme le Venezuela, affirme l’ex-président Felipe González, taxant Podemos de « pur léninisme 3.0 ». Mieux vaudrait, selon lui, s’abstenir et laisser gouverner le PP en minorité, plutôt que d’avancer en si mauvaise compagnie. Les barons territoriaux socialistes lui emboîtent le pas, inquiets de l’opportunisme politique de la formation émergente et de ses promesses de référendum d’autodétermination en Catalogne.
« Pour cette génération, le PSOE est avant tout un parti de gouvernement et, en cela, il est plus proche du PP », décrypte le politologue José Ignacio Torreblanca, professeur à l’université Uned de Madrid. Il avertit : « S’il s’en rapproche, il laisse le champ libre à gauche pour Podemos et court le risque d’une disparition comme le Pasok en Grèce face à Syriza. » Malgré les réticences au sein de son parti, Pedro Sánchez s’accroche. « Je ne serai pas président à n’importe quel prix, mais les Espagnols n’ont pas à supporter quatre ans de plus de droite au pouvoir », affirme-t-il.