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Le théâtre de Xi Jinping

Par Francois Godement (conseiller spécial à l’Institut Montaigne)

Publié le 20 nov. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

« Le monde est un théâtre », disait William Shakespeare. Si c'est vrai, alors la Chine en est devenue le grand metteur en scène. Il convient d'admirer la performance de Xi Jinping du sommet de l'Apec à Pékin. Xi réussit à apparaître comme un homme de compromis, alors même qu'il fait plier ses partenaires. C'est l'inverse de la contre-performance de Poutine au sommet du G20 de Brisbane. Bien sûr, l'apparition en majesté de Xi Jinping comme le départ précipité de Poutine tiennent à leurs situations respectives. La Chine a l'avenir devant elle tandis que chacun attend une double crise pour la Russie, cette « puissance pauvre ». Notre monde anticipe la puissance géopolitique comme il achète et vend à terme les valeurs boursières : à ce jeu, la Chine est gagnante et la Russie perdante.

Xi Jinping a magistralement orchestré à l'Apec un changement de décor comme il en survient sur scène, entre deux actes d'une même pièce. Il améliore l'image de la Chine, alors même qu'il impose largement ses vues. Détaillons : après des années d'affrontement avec le Japon, Xi consent une rencontre millimétrée avec le Premier ministre, Shinzo Abe. Pour obtenir la poignée de main la plus glaciale de l'histoire, Abe doit concéder l'existence de revendications territoriales chinoises, ce que la Chine réclamait à cor et à cri. C'est Xi Jinping qui recueille en premier les fruits de la modération de son adversaire. Là où les voisins de la Chine étaient rassemblés par l'anticipation d'une épreuve de force, chacun va redouter de rester isolé au milieu d'une détente régionale.

Xi a réussi un coup du même ordre avec Barack Obama sur les émissions de gaz à effet de serre. Négocié depuis des mois, cet « accord historique » (dixit Barack Obama, qui a évidemment besoin d'un succès international) répond à toutes les exigences chinoises. Il n'a aucune portée contraignante, ne comporte aucune mesure de vérification, dont la Chine ne veut pas. La Chine conserve le statut d'économie en développement, puisque ses objectifs sont bien moins ambitieux et beaucoup plus éloignés que ceux des Etats-Unis. Si Barack Obama a implicitement programmé d'importants efforts à accomplir entre 2020 et 2030, la Chine, elle, conserve la liberté d'augmenter ses émissions autant qu'elle le souhaite jusqu'en 2030. Sa seule vraie concession est de fixer à cette date un plafond absolu pour les seules émissions de CO2. A cette date, produira-t-elle, par exemple, 4,5 milliards de tonnes de charbon - soixante fois plus que la France à son apogée ? Les experts chinois eux-mêmes laissaient espérer une date plus rapprochée - par exemple, 2025.

Pour ce prix très modéré, Xi Jinping instaure l'image d'une grande puissance à l'égal des Etats-Unis et restaure la réputation de la Chine, quelque peu écornée en matière d'environnement. Redoutons que ces engagements limités, pris hors de tout contexte multilatéral, ne deviennent un plafond fixé par avance à la conférence climatique de Paris, en décembre 2015. A Copenhague en 2009, l'opposition de dernière minute entre Chine et Etats-Unis avait conduit à un échec d'ensemble. En 2015, c'est l'ombre portée par leur accord préalable a minima qui pourrait aboutir au même résultat.

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Tout cela ne reflète pas l'avenir. Oui, le monde est un théâtre, avec des changements de décor amplifiés par la gestion médiatique de sommets soigneusement préparés. Dans les coulisses, la compétition stratégique se poursuit en Asie maritime, à un rythme fixé avant tout par la Chine. En matière de réduction des émissions, les résultats dépendront surtout d'avancées industrielles pour lesquelles la Chine et les Etats-Unis ont des atouts indéniables en matière de filières alternatives, et de la croissance économique.

François Godement

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