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Interview

François Godement : « Les Chinois ne veulent pas apparaître comme des investisseurs prédateurs »

François Godement (Directeur du programme Asie du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR))

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Par Michel De Grandi

Publié le 25 mars 2014 à 01:01

La France et la Chine n'en sont plus au temps où leurs chefs d'Etat respectifs se laissaient aller à quelques pas de valse comme Jacques Chirac le fit avec Jiang Zemin. Aujourd'hui la relation est plus banalisée. Historien, spécialiste des relations internationales et fin observateur de la Chine, François Godement décrypte les coulisses de cette visite et analyse les points sur lesquels les deux diplomaties peuvent partager les mêmes vues. Sauf sur l'Ukraine, même si la position chinoise n'est pas très claire.
Comment définir la relation franco-chinoise aujourd'hui, les deux présidents ne se connaissant pas vraiment ?
C'est une relation normalisée, mais qui n'est pas personnelle. Grâce aux célébrations du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques, le président chinois a l'assurance de ne pas avoir de surprise avec ses interlocuteurs français. Il en aura d'autant moins que Paris est devenu bien plus silencieux aujourd'hui que par le passé sur les sujets sensibles. D'autres partenaires, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni arrivent à tenir deux discours, l'un économique, l'autre sur les droits de l'homme. En France, il n'y en a plus qu'un. Au-delà de cette dimension purement bilatérale, je me demande si le gouvernement français va saisir l'occasion pour appuyer les positions européennes, notamment sur les dossiers en cours avec Pékin. En décembre, David Cameron, le Premier ministre britannique, avait pris certaines libertés, notamment en déclarant son adhésion sans réserve à un projet d'accord de libre-échange, alors que la position européenne est d'obtenir, d'abord, une avancée chinoise sur les investissements entre les deux partenaires. Il faut bien avoir à l'esprit que Xi Jinping ne fait pas de l'Europe une priorité stratégique, mais seulement économique : il s'est rendu partout dans le monde avant de venir sur le Vieux Continent. Et l'agencement de ce voyage est très composite. Il commence par le sommet sur la sécurité nucléaire aux Pays-Bas, puis poursuit par la France (où il parle aussi à l'Unesco), l'Allemagne, pour terminer par la Belgique et l'Union européenne.
Quels sont les dossiers de politique internationale sur lesquels Paris et Pékin peuvent s'appuyer, ou, inversement, se défier ?
C'est une bonne chose pour les Européens que cette visite coïncide avec la crise ukrainienne. Lors du sommet de La Haye, les Occidentaux peuvent espérer sonder davantage Pékin sur sa position au Conseil de sécurité. Son abstention lors du vote de la résolution à l'ONU au début du mois a été interprétée comme une critique de la Russie. Ce que je ne crois pas vraiment. Mais Poutine, en remerciant l'Inde et la Chine, a sans doute forcé le trait lui aussi. Il faut se souvenir que, au moment de la crise en Georgie, on n'a connu l'étendue du mécontentement chinois sur la sécession de l'Ossétie et de l'Abkhazie que quelques mois plus tard, lors d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, où les Etats d'Asie centrale et la Chine s'étaient démarqués de la Russie. On peut craindre cette fois-ci l'évolution inverse : sans même parler de sanctions, la « compréhension » chinoise pour le rattachement de la Crimée semble très grande.

En attendant, si Paris fait officiellement preuve d'une grande prudence sur les questions de sécurité en Asie orientale, la diplomatie française se trouve sur la même longueur que celle de Pékin sur plusieurs dossiers. Les deux pays défendent la même approche sur la sécurité dans l'océan Indien ou en Afrique. Sur le Mali aussi, l'accord n'est pas uniquement de façade. On a vu la Chine envoyer des troupes combattantes au Mali, ce qui est vraiment nouveau.
Paris veut attirer les investissements chinois. Y a-t-il un vrai intérêt de la part de la Chine ?
Ils sont sans doute à la recherche d'acquisitions bon marché, de marques ou de transferts de technologie. Les Chinois ont pris des participations dans deux aéroports de fret, ce qui a une signification en termes de logistique. Alibaba a un projet d'immense entrepôt en région parisienne. D'une manière générale, les Chinois avancent prudemment sur les financements d'infrastructures ou les marchés publics, car ils ne veulent surtout pas apparaître trop pressés, voire comme des prédateurs. En revanche, ils sont de plus en plus présents dans des opérations moins visibles comme le financier pur ou l'immobilier. La question est de savoir ce qui est à vendre en France. Ni les ports, ni les concessions d'autoroute, ni les voies ferrées. En tout cas, pas pour l'instant...

Michel De Grandi

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