Publicité
Interview

François Godement : « L'effet Trump ne suffira pas à unir la Chine et l'Europe »

Un rapprochement entre les deux continents pour contrer l'Amérique de Donald Trump semble impossible tant leurs divergences restent fortes notamment sur le plan commercial, explique le chercheur français.

François Godement est Directeur du Centre d'Etude Asie
François Godement est Directeur du Centre d'Etude Asie (Jérôme CHATIN/EXPANSION-REA)

Par Frédéric Schaeffer

Publié le 16 juil. 2018 à 06:30Mis à jour le 16 juil. 2018 à 06:41

Face aux attaques commerciales des Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne peuvent-elles se rapprocher ?

Probablement pas, même si les menaces de Trump sur les exportations chinoises ont créé une véritable inquiétude à Pékin qui s'est lancé dans une offensive de charme à l'égard de l'Union européenne. Cela s'observe par la volonté des autorités chinoises de reprendre des dialogues qui avaient été interrompus ou dont elles ne voulaient pas entendre parler jusque-là, comme la réforme de l'OMC, l'idée d'un communiqué conjoint sur le climat qu'elles avaient refusé lors du sommet Chine-UE de 2017, ou encore le traité bilatéral sur les investissements. La Chine met également en avant ses récentes annonces de libéralisation économique en gage de bonne volonté. Même sur le terrain des droits de l'homme, Pékin s'est résolu à faire un geste, avec l'exfiltration récente de Liu Xia [veuve du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo décédé il y a un an en captivité, NDLR].

N'est-ce pas de nature à faire évoluer la relation Chine-UE ?

Tout cela va rendre le sommet Chine-UE de ce lundi plus agréable et les deux parties seront certainement d'accord pour afficher leur soutien au multilatéralisme. Pas, de là, à s'unir face à Trump. Pour que la relation Chine-UE change véritablement, il faudrait que la Chine passe véritablement de la parole aux actes sur tous les dossiers évoqués. Or ce n'est pas le cas. La Chine a un vrai problème de crédibilité et n'a mis en oeuvre qu'une infime partie de la coopération euro-chinoise fixée il y a cinq ans.

Publicité

En fin de compte, sur des enjeux clefs comme les transferts de technologies, la propriété intellectuelle, les subventions, les Européens ont une vision assez proche de l'administration américaine même s'ils ne sont pas d'accord sur la méthode utilisée par les Etats-Unis pour y faire face. Sur le contrôle des investissements étranger, l'Europe est en passe de faire adopter à une vitesse inédite un dispositif de filtrage qu'elle n'est pas prête à abandonner.

La Chine cherche à diviser l'Europe en négociant pays par pays. Est-ce efficace ?

Malgré tous les discours sur une Europe fragmentée, les tentatives chinoises de division marchent très peu et beaucoup moins que par le passé. Lors du récent sommet 16+1 [qui a réuni la Chine et 16 pays d'Europe centrale et orientale, NDLR], il n'y a eu aucun résultat nouveau en matière d'investissements, de prêts ou de volonté chinoise de suivre les règles du marché européen.

La Chine n'a pas réussi non plus à faire adopter des textes qui empiétaient sur les compétences européennes comme l'e-commerce ou les services. A l'est, la Pologne tente de résoudre sa crise avec l'UE sur des questions constitutionnelles et ne veut pas ajouter de l'huile sur le feu. Quant au Premier ministre hongrois Viktor Orban, très tourné vers les investissements chinois, il a aussi besoin des fonds européens et essaie de gagner du terrain au sein du camp conservateur de l'UE, ce qui le rend paradoxalement plus européen.

La Chine peine donc à diviser et à davantage coopérer...

Si Trump s'est mis à dos de nombreux partenaires, cela ne suffira pas à unir la Chine et l'Europe. Bien des choses séparent la Chine et l'UE que l'effet Trump ne peut compenser. Les Chinois et les Européens cherchent à résister aux attaques américaines mais ils ne le font pas ensemble. Chacun prend ses propres mesures de représailles et c'est séparément qu'ils vont attaquer les tarifs douaniers américains devant l'OMC.

L'Europe pourrait-elle être la grande perdante d'un éventuel accord entre Washington et Pékin ?

Les Européens n'afficheront pas les positions qu'ils partagent avec les Etats-Unis. L'expérience récente leur enseigne que Donald Trump peut toujours se retourner et crier victoire sur la Chine à partir de quelques gains immédiats. Le commerce européen peut alors être pris en tenaille entre les surtaxes américaines et un report d'exportations chinoises vers l'UE.

Correspondant à Pékin

Frédéric Schaeffer

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité