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Trump et la Chine : une nouvelle histoire qui commence

LE CERCLE/POINT DE VUE - Donald Trump et la présidente de Taiwan, île qui clame son indépendance de la Chine, se sont entretenus au téléphone vendredi 2 décembre. Cet appel a suscité une vive protestation de Pékin. En théorie, les relations entre les Etats-Unis et Taiwan sont encadrées par des conventions politiques et diplomatiques.

Par Francois Godement (conseiller spécial à l’Institut Montaigne)

Publié le 6 déc. 2016 à 12:43

Peut-il y avoir «de la méthode dans la folie», comme le disait Shakespeare ? Le spectacle d’un président élu des Etats-Unis en «happening» permanent, le doigt sur la touche envoi de tweets parfois ravageurs, a de quoi inquiéter. Il est peu probable que ces tweets soient rédigés par une équipe, tant ils portent sa marque personnelle.

La communauté des experts stratégiques américains s’est par ailleurs senti méprisée par Donald Trump tout au long de sa campagne. Elle est en révolte contre le choix par le président élu de Tsai Ing-wen, vendredi 2 décembre. Les relations des Etats-Unis avec Taïwan sont encadrées par un acte législatif américain, par trois communiqués sino-américains depuis 1972, et par une infinie casuistique en prescrivant les formes.

Avec beaucoup de patience, la Chine a enserré les deux derniers présidents, Georges W. Bush et Barack Obama, dans une rhétorique immobile au nom de la stabilité. En étant optimiste, c’était autant de temps gagné pour Taiwan, dont la survie future comme entité séparée est mise à mal par la montée de la Chine.

L’étau se resserre autour de Taiwan

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Mais à quel prix ce temps a-t-il été gagné ? La Chine n’a cessé d’avancer sa présence militaire en Mer de Chine du Sud et autour des îles Senkaku/Diaoyu, administrées par le Japon. Sa position et son interprétation sur les sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord restent ambiguës. Elle a profité des sanctions occidentales contre la Russie pour un rapprochement qui lui rouvre, entre autres, l’accès aux armes russes les plus avancées. A l’intérieur, elle se durcit et freine les réformes économiques comme l’ouverture internationale.

Depuis l’élection à Taiwan en mars 2016 d’une présidente réputée indépendantiste, et en dépit des déclarations très modérées de Mme Tsai Ing-wen, la Chine resserre le lacet autour de l’île. On cite souvent en exemple de la coopération sino-américaine l’adhésion à l’accord climatique de la COP 21, précédée d’un engagement conjoint avec les Etats-Unis. Mais sans attendre le président Trump, la Chine a déjà remonté sa production de charbon, et donc ses émissions de CO2, comme en atteste le regain de pollution des grandes villes chinoises.

«Reset» avec la Chine

Au cours de sa campagne, Donald Trump a dit qu’il serait «imprévisible» pour la Chine. Constatons-le, c’est la Chine qui a souvent déjoué les prévisions dans le passé. Les derniers tweets de Donald Trump ne disent pas autre chose. Bien sûr, un président ne devrait pas dire ces choses-là… La communication de Donald Trump s’assoit sur les conventions politiques et diplomatiques.

C’est un véritable «reset» avec la Chine qu’il annonce, avant même le début de sa partie. Il est inimaginable qu’il n’ait pas entendu parler de la question de Taiwan depuis des décennies, ni pendant sa campagne. Il assume visiblement, contre l’avis public de la quasi-totalité des experts, tout comme l’été dernier il a tourné le dos à tous les conseils appuyés du Parti républicain – pour aller à la victoire électorale…

La surprise de Trump

Nul ne peut savoir la part d’improvisation qui entre dans cette attitude. En parallèle, Trump a annoncé la mort du Traité Transpacifique (TPP), qui se trouvait gêner la Chine... Autant que d’un regain de solidarité avec Taiwan, il pourrait s’agir d’une ouverture de jeu destinée à démontrer que la Chine n’a pas toujours l’initiative ni le monopole des surprises. Enfin, la Chine est un partenaire d’autant plus coriace qu’elle flaire la faiblesse chez ses interlocuteurs. Donald Trump devra donc démontrer ténacité et continuité stratégique.

En attendant, il est faux de dire qu’un appel téléphonique met à mal le statu quo en Asie. Car la Chine y a déjà mis fin, même si elle n’en a pas encore tous les moyens. L’avenir seul dira si Donald Trump a été celui qui a rompu avec le déni de cette réalité nouvelle, ou bien si son inconséquence éventuelle en accélère le cours. Et cela, les dirigeants chinois seraient bien en peine de le prédire…

François Godement est directeur du programme Asie du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR)

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